Bédeilhac, grotte (Bédeilhac-et-Aynat, Ariège, France)

Description

La grotte de Bédeilhac s'ouvre dans le massif du Soudour, une élévation reconnaissable de fort loin dans le bassin de Tarascon-sur-Ariège. Son porche immense n'est pas moins remarquable (fig. 1a). Ce sont sans doute ces particularités qui expliquent qu'elle a été fréquentée par les Hommes de la fin du Paléolithique récent*. Située non loin du confluent de l'Ariège et du Vicdessos, elle dispose d'une communication naturelle facile avec d'autres grottes des environs, comme Niaux et La Vache, mais aussi les Églises et Fontanet.
Bédeilhac présente la particularité d'être à la fois une grotte ornée et un habitat ayant livré un art mobilier* très abondant. Elle recèle en effet plusieurs aires d'occupation, disséminées en divers points, qui sont en relation évidente avec les zones ornées (fig. 1b) situées en majorité dans des galeries latérales (galerie Vidal, diverticule des Bisons, diverticule des Modelages), et jusqu'au fond, à 750 m de l'entrée (Robert 1946, 1949).

Iconographie

L'art pariétal de Bédeilhac présente des techniques très variées : dessins au trait noir et gravures sur sol argileux, comme à Niaux ; peintures en teinte plate, parfois bichromes, comme à Labastide et à Marsoulas ; gravures fines sur paroi calcaire, comme à Fontanet et aux Trois-Frères ; et surtout modelages d'argile comme au Tuc-d'Audoubert et à Montespan (Beltrán et al. 1967). À ce titre, Bédeilhac constitue un jalon important pour la compréhension des relations sociales et culturelles entre groupes humains dans le piémont pyrénéen au cours du Magdalénien.
La galerie Vidal est l'un des ensembles pariétaux les plus structurés de la grotte. L'iconographie est centrée sur un grand cheval bichrome entouré de plusieurs bisons, mais, curieusement, le bouquetin est absent, alors qu'il est habituellement très fréquent dans le bestiaire des Pyrénées magdaléniennes. Dans le reste de la grotte, les bisons dominent, peints, gravés ou modelés, mais, là encore, les caprinés sont très rares.
L'art mobilier de Bédeilhac compte plus de mille cent objets décorés, malheureusement dispersés dans cinq musées (Jauze & Sauvet 1991). Il est majoritairement constitué de plaquettes de grès tendre ou de limon, directement prélevées dans la grotte, et de grès dur provenant des pentes du mont Calamès voisin. Le nombre d'animaux identifiables est relativement limité. Ce sont classiquement des chevaux et des bisons, mais cette fois le bouquetin occupe une place notable.

Représentation(s) d'animal(aux)

Les représentations pariétales de bouquetins sont rares à Bédeilhac. On ne compte, en effet, qu'un bouquetin gravé en position verticale, sur un massif stalagmitique, à l'entrée du diverticule des Modelages (fig. 2.1), un protomé* rapidement esquissé sur la paroi à proximité des bisons d'argile (fig. 2.2), et un grand bouquetin gravé en tracés multiples, dont les cornes développées recoupent le dos, à proximité du foyer T de la Salle terminale (fig. 2.3).
La rareté des représentations de caprinés sur les parois ne manque pas de surprendre. Elle contraste avec leur relative abondance dans l'art mobilier. De fait, on ne décompte pas moins de 30 exemplaires de bouquetins sur des supports mobiliers : 4 animaux entiers, 2 protomés, 20 têtes et 4 cornes isolées, gravées ou sculptées. Certaines figures sont assez détaillées, avec l'indication de l'œil, du nez, de l'oreille et du pelage, mais d'autres sont de simples silhouettes sans détails. Le plus souvent, une seule patte par paire est figurée, et les extrémités sont inachevées. Toutefois, cet inventaire est sujet à discussion, car l'une des particularités des artistes de Bédeilhac est de jouer avec les reliefs naturels, réalisant ce que le commandant Octobon (1938) appelait des « têtes d'angle » en utilisant le contour de la plaquette, ou une partie de celle-ci, pour y loger le museau d'un animal. De nombreux exemples sont indubitables, mais d'autres sont beaucoup plus subtils et se rapprochent dangereusement des « pierres-figures » si redoutées des préhistoriens (Sauvet 2004). Les quelques figures ci-dessous illustrent la variété des techniques et des styles sur différents types de supports mobiliers, ainsi que l'utilisation des reliefs naturels (fig. 3 et 4).
Le style des plaquettes de Bédeilhac est très varié et souvent très inégal, ce qui donne à penser que ces gravures sont de la main d'un grand nombre de personnes. Ce fait, associé à la technique de la « tête d'angle », évoque des créations individuelles, comme si chaque individu était venu dans la grotte pour exécuter un rite. Ce processus semble être très présent dans l'esprit des Magdaléniens ; nous en avons trouvé de nombreux exemples inédits au Mas-d'Azil et à Enlène. Cela expliquerait que l'on trouve des œuvres d'un art très achevé à côté d'œuvres plus frustes. Les gravures pariétales de la Salle terminale possèdent les mêmes caractéristiques. L'utilisation des reliefs y est omniprésente. Sous un plafond bas, à l'endroit même où des centaines de petites plaquettes décorées ont été mises au jour, se côtoient des œuvres d'un naturalisme poussé, dans la tradition du grand art magdalénien, à côté d'esquisses sommaires, presque non identifiables.

Animal(aux) emblématique(s)

Aucune représentation de bouquetin ne semble jouer un rôle majeur à Bédeilhac, car toutes sont reléguées dans des lieux à l'écart des zones de circulation. La plus aboutie sur le plan technique et stylistique est certainement celle qui se trouve sur un pilier stalagmitique à l'entrée du diverticule des Modelages (fig. 2-1 et Bédeilhac f.1), à proximité d'une aire d'habitat ayant fourni de nombreuses œuvres d'art mobilier. La position verticale de l'animal, conditionnée par le support, est assez exceptionnelle, mais sa technique de réalisation, à l'aide de traits multiples et de hachures figurant le pelage, est récurrente chez les graveurs pyrénéens. C'est manifestement un artiste expérimenté qui a exécuté la figure, même si celle-ci semble inachevée (museau ouvert, absence d'œil, membres non terminés).

Références

Octobon 1938, 1939, Robert 1946, 1949, Beltrán et al. 1967, Gailli et al. 1967, Pailhaugue 1982, Gailli et al. 1984, Bahn & Cole 1986, Jauze & Sauvet 1991, Sauvet 1996, 2004.

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Citer ce document

Sauvet, Georges 2022. Bédeilhac, grotte (Bédeilhac-et-Aynat, Ariège, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Juin 2023, consulté le 28 Mars 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6179

Citer le document original

Sauvet, Georges. Bédeilhac, grotte (Bédeilhac-et-Aynat, Ariège, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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