Niaux, grotte (Niaux, Ariège, France)

Description

La grotte de Niaux se trouve à 5 km de Tarascon-sur-Ariège, au-dessus du village de Niaux, dans la vallée du Vicdessos (fig. 1a). Elle est située à une centaine de mètres au-dessus de la rivière, à 678 m d'altitude, dans le massif du Cap-de-la-Lesse.
La grotte se développe essentiellement à l'horizontale et présente d'importants volumes ; les voûtes sont hautes, les galeries larges se développent sur plus de 2 km (hors réseau Clastres ; fig.1b). Bien que la grotte ait été fréquentée depuis le début du xviie siècle, les peintures n'ont été authentifiées qu'en septembre 1906 par É. Cartailhac et l'abbé H. Breuil. Ceux-ci en ont fait les premiers relevés ; leur étude a été publiée en 1908 (Cartailhac et al. 1908).
La grotte n'a pas livré de témoignages d'occupation, seuls quelques rares vestiges (un grattoir, quelques éclats de silex, des débris d'os brûlés, de menus blocs d'ocre jaune, un petit morceau de bois de renne) ont été signalés lors de la première étude. É. Cartailhac et H. Breuil ont réalisé un sondage à 150 m de l'entrée, qui a établi l'absence de niveau magdalénien et la présence d'un niveau plus récent, non daté, contenant des poteries préhistoriques – ces observations ont été confirmées lors de la reprise et l'extension du sondage en 1971 et 1972 par R. Simonnet (1994).
A. Beltrán a publié la monographie du site en 1973 (Beltrán 1973), puis J. Clottes et D. Vialou ont procédé au relevé exhaustif des figures en 1980 et 1981 (calques, photographies, infrarouges, ultraviolets). Trois dates par 14C-AMS ont été obtenues : 12 890 BP ± 160 (Gif A 91319) soit 15 409 ± 260 cal BP pour un bison du panneau VI, 13 060 BP ±60 (Gif A 92499) soit 15 641 ± 132 cal BP pour une ligne d'encolure du panneau VI et 13 850 BP ± 150 (Gif A 92501) soit 16 770 ± 240 cal BP pour un bison du panneau II (Valladas et al. 1992).

Iconographie

L'art paléolithique de la grotte de Niaux est principalement constitué de peintures pariétales et de gravures au sol. Une centaine de représentations animales sont connues, dont une majorité de bisons (49 % du bestiaire) ; ces derniers sont suivis des chevaux (26 %), puis des bouquetins (14 %). Bien que présents, les aurochs, les cerfs et certains poissons sont plus rares.
La très grande majorité de ces figures est peinte en noir. Seuls trois animaux le sont en rouge : un cheval, un bison et une figure indéterminée (bison ou cheval selon les auteurs). Le pigment rouge est de l'hématite ; le noir est généralement du dioxyde de manganèse. La gravure sur paroi est très rare dans la grotte : seuls une tête de cheval et trois bisons ont été réalisés grâce à cette technique. En revanche, la gravure au sol est attestée malgré sa fragilité : quatorze figures sont aujourd'hui encore visibles sur le limon argileux de la grotte.
Les signes géométriques sont nombreux : bâtonnets, tirets, ponctuations, signes barbelés… Les signes claviformes, surtout connus dans l'espace pyrénéo-cantabrique, et notamment en Ariège, sont au nombre de quinze dans la grotte et paraissent encadrer certains espaces, particulièrement l'entrée de la galerie menant au Salon Noir et l'entrée même de cette dernière salle.
Vaste rotonde dans laquelle se concentrent près de 90 % des figurations animales, le Salon Noir présente des peintures réparties en panneaux concaves, les reliefs situés entre ces panneaux n'ayant pas été utilisés (fig. 2). Comparativement à de nombreux autres sites paléolithiques, peu de superpositions de figures ont été relevées. Les figures sont pour la plupart extrêmement détaillées, présentant avec une grande précision l'anatomie des animaux. Un peu plus de 10 % seulement des figures animales se trouvent donc en dehors du Salon Noir, positionnées dans les galeries profondes, et ce jusqu'à l'extrême fin du réseau, à près de 2 km de l'entrée.

Représentation(s) d'animal(aux)

La grotte de Niaux compte seize représentations de bouquetins : quatorze sont peints et deux sont gravés sur le sol (une troisième gravure de bouquetin au sol a été relevée par H. Breuil, mais elle est aujourd'hui détruite). Treize de ces caprinés ont été vus et relevés dès la première étude de la grotte par É. Cartailhac et H. Breuil en 1908 ; les trois autres ont été publiés par J. Clottes.
Douze bouquetins sont figurés dans le Salon Noir, un dans la Galerie Profonde et trois dans la Galerie Cartailhac. La numérotation des figures est celle proposée par J. Clottes (1995). Les figurations peintes du Salon Noir – toutes de couleur noire – se trouvent sur le panneau III (no 66, voir Niaux f.1), sur le panneau IV (nos 69, 75, 80, 75 et 82, voir Niaux f.2, f.3, f.4, f.5), sur le panneau V (nos 93 et 95, voir Niaux f.7 et f.8) et sur le panneau VI (nos 124 et 128, voir Niaux f.10 et f.11). Deux autres bouquetins sont également gravés sur le sol de cette salle (nos 121 et 136, voir Niaux f.9 et f.12). Le bouquetin no 37 (voir Niaux f.13) est situé au-dessus du lac Terminal, dans la partie finale de la Galerie Profonde. Trois autres sujets sont peints dans la Galerie Cartailhac (nos 27, 29 et 30, voir Niaux f.14, f.15 et f.16), entre le Lac I et le Lac II.
Les bouquetins du Salon Noir ont été d'abord esquissés au charbon, puis peints avec une peinture à base de dioxyde de manganèse (Clottes et al. 1990a, 1990b, Menu & Walter 1991). La peinture a été le plus souvent appliquée au pinceau (Menu et al. 1993). Généralement, les bouquetins sont peints au trait, sans à-plats de peinture, sauf pour le grand animal no 82, dont le pelage est bien figuré. Les représentations de bouquetins repérées dès la découverte de la grotte ont des proportions naturalistes et sont facilement identifiables, comme la majeure partie des figurations animales de la grotte. Plusieurs d'entre eux présentent des détails anatomiques précis : barbe, cornes, sabots… Les trois animaux identifiés par J. Clottes ne sont, en revanche, matérialisés que par quelques traits.
Six des bouquetins du Salon Noir sont tournés vers la droite et quatre vers la gauche. Les deux bouquetins gravés sur le sol sont aussi tournés vers la gauche. Dans la Galerie Profonde, le bouquetin est tourné vers la droite. Dans la Galerie Cartailhac, deux des bouquetins sont représentés avec le corps vu de trois quarts, tandis que les cornes sont vues de face ; le troisième est probablement figuré de dos. Si ce thème domine donc ce secteur de la cavité, le plus remarquable réside dans le mode de représentation qui exclut la vue de profil.
Si l'on étudie les associations de figures, on observe que, dans le Salon Noir, le bouquetin no 66 se trouve sous deux représentations de bisons. Sur le panneau IV, les deux animaux nos 75 et 82 sont insérés entre les figures de bisons sur le registre supérieur et celles de chevaux sur le registre inférieur, le bouquetin no 69 est situé au-dessus d'un bison alors que les nos 75a et 80 sont respectivement face à un cheval et sous un cheval. Les deux bouquetins nos 93 et 95 sont associés à trois bisons (voire un quatrième), les deux du panneau VI, no 124 et 128, le sont avec quatre bisons et un cheval. La tête de bouquetin no 121, gravée sur le sol entre les panneaux V et VI, est entourée par deux bisons et deux chevaux. Le bouquetin no 136, gravé sur le sol à la gauche de l'entrée du Salon Noir, est figuré aux côtés d'un aurochs et d'une gravure interprétée comme le dessin d'une empreinte d'ours.
Le bouquetin no 37 de la galerie profonde est isolé des autres figurations animales, mais est associé à des ponctuations et des bâtonnets rouges. Dans la Galerie Cartailhac, les trois bouquetins nos 27, 29 et 30 sont associés à un aurochs et à une possible ligne cervico-dorsale de bison.

Animal(aux) emblématique(s)

Ce bouquetin (panneau IV, no 82 et Niaux f.5) est l'une des figures les plus célèbres de la grotte de Niaux. C'est une représentation spectaculaire par sa qualité graphique et le rendu des détails anatomiques. L'animal, long de 52 cm, est tourné vers la droite. Deux séries de traits – horizontaux près du ventre et du dos, et obliques au milieu et sur le poitrail – figurent le pelage, alors que la couleur naturelle de la paroi marque le ventre, lui donnant ainsi du relief. La corne est légèrement recourbée à l'extrémité, ce qui est caractéristique des bouquetins pyrénéens. Les anneaux d'âge y sont bien marqués. Une seconde corne, moins visible, donne probablement l'idée d'un arrière-plan. L'œil apparaît très expressif. Les membres postérieurs sont immobiles, alors que les antérieurs marquent le mouvement ; ils sont figurés en perspective, et les sabots des pattes postérieures ainsi que celui de la patte antérieure droite sont présents. Le relevé d'H. Breuil atteste l'absence du sabot de la patte antérieure gauche. La lumière ultraviolette permet de bien distinguer les détails du pelage. Le bas du dos semble être relié au fanon du bison situé au-dessus par un trait oblique très peu visible.
Malheureusement dégradé par les ruissellements modernes, ce grand bouquetin (panneau V, no 95) était une figuration magistrale. Les photographies et relevés de l'abbé Breuil permettent de prendre note de sa valeur graphique. Il est long de 70 cm, haut de 55 cm et représenté en profil droit.
L'avant de l'animal est accentué et imposant, alors que l'arrière est plus gracile. Un soin particulier a été apporté à la tête : le chanfrein est marqué d'une zone colorée noire, typique des bouquetins pyrénéens, à l'intérieur de laquelle l'œil est inscrit, ce qui le met en valeur. L'oreille, nettement détachée du profil, est située à l'arrière des cornes juxtaposées. La corne de droite est complétée par une succession de petits traits obliques suggérant les anneaux, alors que celle de gauche n'est qu'un trait courbe. Les extrémités des deux cornes se rejoignent et forment la double courbure propre aux caprinés pyrénéens. La taille des cornes permet d'estimer l'âge de l'animal entre 5 et 10 ans. La joue est marquée d'un trait, et l'espace entre le poitrail et le dessous de la tête est relevé d'un triangle de peinture noire. Le naseau, la bouche et la barbe sont présents. L'encolure et le bas du poitrail présentent des traits de peinture plus épais figurant un pelage plus long. La patte antérieure droite est dotée d'un sabot, alors que la gauche est incomplète : un trait unique suggère la profondeur et le volume. Seule la patte postérieure droite est dessinée, mais sans le sabot. Le ventre est marqué d'un double trait : une ligne partant de la patte antérieure droite rejoint la partie supérieure de la cuisse droite. En dessous, une ligne courbe présente le ventre rebondi de l'animal, ligne doublée juste avant de rejoindre la patte postérieure. Un court trait oblique est visible sous le ventre. La queue n'est pas représentée, mais le contour de l'arrière-train s'interrompt à son endroit. Un relief naturel pourrait figurer un sol sur lequel serait campé ce bouquetin.

Références

Cartailhac & Breuil 1908, Beltrán et al. 1973, Clottes et al. 1990, Menu et al. 1993, Clottes 1995, 2004.

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Citer ce document

Azema, Jacques 2022. Niaux, grotte (Niaux, Ariège, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Juin 2023, consulté le 26 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6185

Citer le document original

Azema, Jacques. Niaux, grotte (Niaux, Ariège, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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