Labastide, grotte (Labastide, Hautes-Pyrénées, France)

Description

La grotte de Labastide, dite aussi « des Chevaux », est située dans les Hautes-Pyrénées et fait partie de la longue série d'habitats magdaléniens et de grottes ornées qui jalonnent le piémont nord-pyrénéen. Elle est à peu près à mi-distance de la Méditerranée et de l'Atlantique ce qui, éventuellement, peut poser la question de ses dépendances culturelles.
La grotte se développe sur près de 500 m. Son entrée est marquée par une ambiance de gouffre, le porche étant au fond d'un large entonnoir que l'on contourne par une corniche. Un passage aujourd'hui inondé ou boueux la compartimente en deux secteurs d'égale longueur qui diffèrent par leurs proportions et l'aspect des parois. Le premier secteur commence par un large tunnel et se termine à 200 m dans l'élargissement d'un nœud karstique, encombré de blocs d'effondrement et marqué par la présence de couloirs et de deux puits de plus de 30 m. Le second secteur débute, après un changement d'orientation à angle droit, par une zone inondée puis par une galerie moyenne avec des dépendances latérales en salles et plateformes et un petit puits, franchissable. La grotte se termine par une vaste salle où la verticalité reprend le dessus avec un énorme éboulis, des voûtes perdues dans l'obscurité et, de nouveau, un puits dans lequel se perd un ruisseau venu du fond.
Si la grotte a été explorée dès 1897 par A. Viré qui en dresse le plan (Viré 1898), l'art pariétal et les vestiges archéologiques ne sont découverts qu'en 1931 par N. Casteret, qui mène par la suite les premières campagnes archéologiques (Casteret 1932). Dès les années 1940, G. Simonnet entreprend de nouvelles recherches (relevés de l'art et fouilles) qui permettent l'identification de documents pariétaux inédits et la découverte de vestiges mobiliers, notamment dans le diverticule nord (Glory & Simonnet 1946). À la fin des années 1970, J. Omnès dresse un inventaire exhaustif des œuvres pariétales de la cavité (Omnès 1982, 1984), avant la conduite de nouvelles recherches par la famille Simonnet, Georges, Louise et Robert (1984, 1990) puis par R. Simonnet (1996, 1999, 2007, 2014).
Les œuvres pariétales se répartissent de l'entrée à la salle terminale. Quatre aires de séjour viennent s'y intercaler à 100, 200 et 450 m. Le matériel lithique et osseux recueilli sur ces emplacements est accompagné de plaquettes minérales gravées (au moins 167). Les quatre dates échelonnées entre 14 260 ± 440 (Ly-1405) et 12 700 ± 110 BP (Gif-6367), soit entre 17 390 ± 575 et 15 070 ± 224 cal BP obtenues sur ces aires, confirment indirectement l'attribution au Magdalénien moyen de l'art pariétal (Magdalénien IV pour Breuil). L'occupation du diverticule nord, située à 200 m de l'entrée, mérite une mention spéciale : sur quelques mètres carrés étaient intensément confondus des outils liés à des activités de subsistance, des objets d'art mobilier, des figures pariétales et de multiples traces pouvant évoquer des pratiques rituelles (caches d'objets précieux, dont une série de contours découpés, dans une chatière ; Fritz & Simonnet 1996).

Iconographie

L'ensemble de la cavité a été exploré et orné par les Magdaléniens dont on retrouve les œuvres, aussi bien dans le premier secteur, depuis 60 m de l'entrée jusqu'à la salle des 200 m, que dans le secteur profond, au-delà des bourbiers. Des ensembles pariétaux (n = 25) sont actuellement reconnus dans l'ensemble de la grotte.
Le premier secteur comprend seize de ces ensembles. Ce sont des assemblages d'animaux d'espèce unique, régulièrement espacées, qui occupent les panneaux les plus en évidence. Le cheval ouvre l'espace orné, à 60 m de l'entrée, suivi d'une « façade » de bisons. Les associations thématiques avec renne, bouquetin et carnivores, sont en retrait, voire cachées dans la salle des 200 m. Un grand cheval polychrome, associé à un bison gravé et à des signes rouges, ferme cette première partie sur un grand rocher isolé au milieu de la galerie.
Dans le second secteur, les décors, figures animales et signes, sont tous gravés et regroupés sur les parois et le plafond d'une seule petite salle dite « salle du Lion ». Les figures notables sont celles de deux grands félins associés à de grands chevaux dans un même ensemble et, vers le fond de la grotte, celles isolées, d'une oie et d'un corps de bison. Malheureusement, beaucoup de ces œuvres ont été repassées à la craie de couleur en 1954. Des ponctuations et des barres ont été tracées au doigt sur la banquette d'argile qui borde le puits de la salle terminale.
L'art mobilier (Fritz & Simonnet 1996) totalise 255 plaquettes comportant des animaux gravés (n = 75) et des contours découpés (n = 19).
Au total, le cheval et le bison dominent nettement le bestiaire pariétal et mobilier. Remarquons aussi les similitudes technostylistiques entre l'expression pariétale et les plaquettes gravées, notamment dans le recours de l'évocation du pelage poil à poil pour dessiner les contours animaliers. En l'absence de datation directe des œuvres pariétales, ce sont de précieux éléments qui permettent de les associer aux niveaux archéologiques fouillés et datés.

Représentation(s) d'animal(aux)

En l'état actuel des recherches, les bouquetins pourraient totaliser jusqu'à quatorze figures (trois pariétales et onze mobilières) dont nous n'avons retenu, pour l'inventaire, que les plus représentatives.
Les gravures pariétales ne comptent qu'un seul individu complet, les deux autres figurations n'étant que des segments (tête dans un cas et patte dans l'autre, Labastide f.2 et f.3). Le bouquetin complet, très naturaliste, s'inscrit dans le cadre stylistique du Magdalénien. Les autres segments ne sont que des abrégés (ou synecdoques) comme il en existe beaucoup pour d'autres figures animales de la grotte de Labastide.
Les onze représentations mobilières sont toutes des gravures sur plaquettes, privilégiant souvent les lignes de pelage nombreuses dans le tracé des contours. Assez variées, ces figurations montrent des animaux limités à la tête (Labastide f.4, f.5 et f.6) ou acéphales, réduits à un arrière-train, à une ligne cervico-dorsale ou aux membres et à la ligne de ventre, qu'il s'agisse d'une volonté des Magdaléniens ou des conséquences de processus taphonomiques. Un sujet est plus énigmatique, associant un corps privé de sa tête et une tête isolée, comme si l'animal était décapité.
Le caractère fragmentaire de ces représentations (pariétales et mobilières) limite les observations quant au sexe des sujets, et à leur appartenance à l'une ou l'autre des deux sous-espèces habituellement figurées. Au total, la tête et/ou les cornes n'apparaissent que sept fois et ces dernières ne sont presque jamais nettement à double courbure (un seul sujet pariétal, voir infra, pourrait offrir ce caractère). Leur développement suggère un mâle, à trois reprises, ce que confirme la présence d'une barbiche pour deux d'entre eux. Elle est également présente sur un autre sujet (Labastide f.1), ce qui ferait un quatrième bouc.
Si les figurations pariétales de bouquetins participent à des panneaux complexes qui associent plusieurs taxons, ils sont souvent isolés sur les plaquettes. Ils apparaissent parfois associés à des séries de stries non figuratives, et plus rarement à d'autres animaux comme le bison (Labastide f.4 et f.5). Une seule fois, deux bouquetins sont associés sur le même support, mais pas sur la même face. Cette dernière pièce livre une situation jusque-là inédite puisqu'il s'agit d'un objet reconstruit, à l'occasion de cette étude, à partir de trois plaquettes remontées par juxtaposition et aussi par empilement. Il s'agirait, en fait, d'un support fragmenté en quatre « sous-plaquettes » gravées recto verso, apparemment dédiées au bouquetin, avec la présence d'une tête munie d'une longue corne en relief naturel et d'une possible femelle complète sur une autre face ainsi qu'un cervidé (renne bramant ?) créant un nouveau type d'assemblage. Ces plaquettes auraient été maintenues ensemble par une ligature, comme pourraient en témoigner les coches bien visibles sur leurs bords lorsqu'elles sont remontées ensemble.

Animal(aux) emblématique(s)

Le seul bouquetin complet de la grotte est très remarquable (fig. 3). Il se situe dans une faille étroite d'accès malaisé qu'il partage avec la ligne dorsale d'un bison et un félin. Finement gravé, ce bouquetin est d'un style très achevé. Son dos et son ventre sont parfaitement modulés, son poitrail est hachuré et surtout sa tête est très expressive, ce qu'il doit surtout à son œil qui est rendu plus vivant par un relief de la roche. Sa narine est également figurée par une petite cavité naturelle. Sa corne est relativement courte, mais semble pourvue d'une double courbure à son extrémité. Il s'agit d'un bouquetin des Pyrénées, mâle, si l'on en juge par sa petite barbiche. Les extrémités des pattes, elles-mêmes schématiques, sont inachevées, mais leur position exprime un certain dynamisme.

Références

Viré 1898, Casteret 1932, Glory et al. 1946, Omnès 1982, 1984, Simonnet et al. 1984, 1990, Fritz & Simonnet 1996, Simonnet 1996, 1999, 2007, 2014, Simonnet et al 2007.

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Citer ce document

Simonnet, Robert 2022. Labastide, grotte (Labastide, Hautes-Pyrénées, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Juin 2023, consulté le 20 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6190

Citer le document original

Simonnet, Robert. Labastide, grotte (Labastide, Hautes-Pyrénées, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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