Gargas, grotte (Aventignan, Hautes-Pyrénées, France)

Description

Le réseau karstique de Gargas se développe dans une des premières collines du centre du piémont pyrénéen et il est composé de deux grottes ornées étagées : la galerie inférieure et la galerie supérieure. À l'heure actuelle, elles communiquent par un petit conduit subvertical dégagé par F. Régnault à la fin du xixe siècle (fig. 1). Les données géomorphologiques disponibles indiquent qu'elles devaient être séparées au Paléolithique récent. Le porche de la galerie supérieure s'ouvre au nord et domine le confluent de la Garonne et de la Neste. L'entrée préhistorique de la galerie inférieure, aujourd'hui colmatée, est orientée à l'ouest et donne sur la vallée de la Neste, en contrebas du plateau de Lannemezan.
Les premières fouilles, à but paléontologique, ont été effectuées par F. Garrigou et A. de Chasteigner dans la salle I de la galerie inférieure en 1870 (Garrigou & Chasteigner 1870). Puis, F. Régnault ouvre plusieurs chantiers (zone d'entrée de la galerie supérieure, salle I et puits des Oubliettes), qui se dérouleront par intermittence entre 1873 et 1900 (Régnault 1896). É. Cartailhac et H. Breuil organisent deux campagnes de fouille, en 1911 et 1913, dans la salle I (Breuil & Cheynier 1958). Enfin, dans le cadre d'un projet de recherches programmées, P. Foucher et C. San Juan-Foucher coordonnent la révision des collections anciennes et réalisent plusieurs sondages dans la salle I, de 2004 à 2013. Ces travaux permettent de mieux contextualiser les données d'É. Cartailhac et H. Breuil, et de démontrer l'existence d'un habitat gravettien. Ce dernier, occupé à toutes les saisons de l'année, se situait dans la salle I et sous l'ancien porche d'entrée préhistorique (Foucher et al. 2008).

Iconographie

Le dispositif pariétal de la grotte est composé de peintures, de gravures et de tracés digitaux. Les premières empreintes de mains négatives ont été identifiées par F. Régnault en 1906 ; leur inventaire a été complété par É. Cartailhac et H. Breuil en 1907 (Régnault 1907, Cartailhac & Breuil 1910). Le Sanctuaire des Gravures est découvert en 1910 par H. Breuil, mais ce dernier ne publie que très tardivement le résultat de ses recherches, en 1952 et 1958. Par la suite, plusieurs chercheurs ont publié des études sur l'art pariétal et sur son contexte (notamment Leroi-Gourhan 1965, 1967, Sahly 1966, Cantet & Clot 1974, Barrière 1976, 1984, Groenen 1988, Snow 2006, Foucher et al. 2007, 2010-2011, Sharpe & Van Gelder 2010, Huard 2012, Peyroux 2012).

Représentation(s) d'animal(aux)

L'étude de C. Barrière (1976) mentionne l'existence de quatorze bouquetins gravés, tous situés dans le Sanctuaire des Gravures. Toutefois, si on se base sur des critères anatomiques plus rigoureux, on ne peut retenir que neuf représentations indiscutables (fig. 2).
Si on suit le classement d'A. Leroi-Gourhan, le bouquetin est un animal « complémentaire » important dans le dispositif graphique de la galerie inférieure (7 % du bestiaire). Il s'intègre dans chaque grande composition formant le Sanctuaire des Gravures : il y en a dans l'entrée (n = 1), au niveau de la Pierre noire (n = 1), dans le vestibule (n = 4) et dans la chambre du Camarin (n = 3).
Les techniques de gravure observées sont essentiellement de deux types : soit des contours simples sur la base d'un trait unique et fin, soit des tracés multiples avec certains segments plus accentués. Un seul bouquetin est représenté complet, les autres sont limités à la tête ou au protomé. Si on analyse uniquement la dizaine de bouquetins, on constate une grande variété dans leur traitement stylistique (fig. 2). La représentation peut être réduite à un profil sommaire, ou être plus recherchée en multipliant les détails anatomiques (oreille, œil, bouche, poils de la toison…). Le traitement des cornes est également très varié : celles-ci sont dessinées par un seul trait continu ou par des traits multiples, avec une simple ou une double courbure, toutefois le détail des anneaux n'est jamais figuré. Les auteurs ont eu recours autant à la perspective normale qu'à la perspective semi-tordue ; cette dernière a été appliquée également à la représentation de l'arrière-train du seul animal complet (fig. 2 : 5). Néanmoins, si on replace l'ensemble des bouquetins dans le contexte du bestiaire gravé de Gargas, on constate un nombre limité de patrons graphiques, comme c'est le cas pour les figurations de chevaux (Foucher & San Juan-Foucher 2016), qui se déclinent en fonction de l'habileté du graveur et des combinaisons des différents détails anatomiques.
La comparaison entre le spectre faunique des espèces chassées (vestiges osseux trouvés dans les fouilles anciennes et récentes) et le bestiaire général représenté fait apparaître, à quelques exceptions près comme le mammouth, une correspondance entre animaux abattus et animaux gravés, mais parfois dans des proportions inversées (Vercoutère et al. 2013). Ainsi, le bouquetin, avec seulement trois restes osseux clairement identifiés parmi la faune, est beaucoup plus représenté que le renne, animal majoritairement consommé par les Gravettiens de Gargas.

Animal(aux) emblématique(s)

Ce protomé (fig. 3 et Gargas f.5) est un exemple remarquable à plusieurs titres. Archétype de la figure du bouquetin préhistorique pyrénéen, il illustre également les discordances importantes dans le rendu des représentations animalières entre les principaux auteurs de relevés, H. Breuil et C. Barrière. Le relevé du premier est une projection de l'image du bouquetin mâle suivant le canon conventionnel propre aux figurations magdaléniennes : à part les cornes, la tête a été entièrement redessinée, le poitrail est surdimensionné et des détails anatomiques ont été ajoutés (pelage interne dessiné avec la marque de l'épaule, alors qu'il n'existe pas sur la surface gravée). Le calque du second, qui se rapproche au mieux de la réalité des traits gravés, permet en revanche d'apprécier l'homogénéité technique et stylistique de la figure avec les représentations animalières les plus détaillées de la même galerie.

Références

Régnault 1907, Cartailhac & Breuil 1910, Breuil 1952, 1958, Leroi-Gourhan 1965, Sahly 1966, Leroi-Gourhan 1967, Barrière 1976, 1984, Groenen 1988, Foucher et al. 2007, 2010-2011, Huard 2011, Foucher & San Juan-Foucher 2016, San Juan-Foucher & Foucher 2016.

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Citer ce document

Foucher, Pascal; San Juan-Foucher, Cristina 2022. Gargas, grotte (Aventignan, Hautes-Pyrénées, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 14 Janvier 2024, consulté le 27 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6191

Citer le document original

Foucher, Pascal; San Juan-Foucher, Cristina. Gargas, grotte (Aventignan, Hautes-Pyrénées, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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