Espalungue, grotte (Arudy, Pyrénées-Atlantiques, France)
Description
La grotte d'Espalungue (ou d'Izeste) est située à environ 1 km du village d'Arudy, dans les Pyrénées-Atlantiques, et à proximité des grottes de Saint-Michel, Malarode I, Poeymaü, Sainte-Colome, Rébénacq et Bignalats. Elle s'ouvre à 450 m d'altitude dans le massif calcaire du Larroun par un large porche (fig. 1a) dont l'orientation, au nord-est, est peu commune, mais identique à celle des sites voisins du bassin d'Arudy (Saint-Michel ou Bignalats, par exemple ; Marsan 1996). Cette entrée se prolonge par un couloir d'une trentaine de mètres de long orienté vers le sud. Après un virage en angle droit, la grotte forme une vaste salle dont la partie profonde se resserre en une galerie développée sur plus de 100 m jusqu'à un grand éboulis qui obstrue presque complètement un second porche ouvert au nord-ouest (Marsan 1980). C'est la Grande Salle centrale qui a fait l'objet de l'essentiel des fouilles archéologiques.
Bien que connue anciennement et fouillée dès 1864 par F. Garrigou et L. Martin (1864), c'est à É. Piette que l'on doit les premiers travaux d'envergure à Espalungue. En 1873, puis entre 1885 et 1887, il fait réaliser des fouilles dans la Grande Salle et dans le couloir d'accès qui l'amènent à présenter une stratigraphie livrant des niveaux attribuables aujourd'hui à l'Azilien, au Magdalénien supérieur et au Magdalénien moyen (Piette 1907). Malheureusement, les travaux plus récents conduits par G. Marsan (1980, 1983a et b, 1996a et b) n'ont pas permis de valider cette séquence. Les déblais livrent des vestiges attribuables au Magdalénien supérieur et moyen, mais seul ce dernier a pu être caractérisé en fouille (couche 2 de la Grande Salle) et daté par 14C de 12 970 ± 160 BP (Ly 3481 « comptage ») soit 15 520 ± 242 cal BP.
Bien qu'on ne dispose pas de données quantitatives sur l'ensemble des séries mises au jour, le croisement des données anciennes et des informations acquises par la reprise des fouilles permet d'affirmer la présence d'une industrie lithique typique du Magdalénien moyen pyrénéen qu'accompagne une industrie osseuse sans harpon*, mais livrant des propulseurs, bâtons percés, baguettes demi-rondes, et pointes de projectiles dont des armatures à base fourchue, à biseau simple ou double. Elle se complète d'objets en os dont une série de contours découpés sur os hyoïde de cheval. Une part de ce matériel osseux est richement décorée et vient compléter la série d'art mobilier constituée également de plaquettes de pierre gravées.
Les restes fauniques témoignent d'une consommation prédominante du cheval sur les bouquetins, bovidés et rennes. La présence de déchets de taille du silex au centre de la Grande Salle, à plus de 70 m de l'entrée (Marsan 1980, 1996b), témoigne d'un habitat situé en dehors de la zone éclairée depuis l'entrée. À ce jour, Espalungue est l'un des plus grands habitats tardiglaciaires du bassin d'Arudy.
Iconographie
Il n'existe pas à ce jour de publication exhaustive sur l'art de la grotte d'Espalungue. Strictement mobilier, en l'état actuel des recherches, ce dernier n'en est pas moins connu et remarquable par la diversité des supports utilisés (objets en bois de renne et en os, plaquettes de schiste et de grès), par celle des techniques employées (gravure, sculpture en relief et en ronde-bosse, façonnage par découpe), et par la diversité des thèmes figurés, zoomorphes et géométriques.
Aucune information n'est disponible sur les supports lithiques ornés, excepté une note présentant un cheval gravé sur un galet de grès-quartzite (Marsan 1980), et la mention d'une autre tête de cheval gravée sur un galet de la collection Piette (Chollot 1964).
Les objets en matières osseuses ayant reçu un décor sont un peu mieux connus. Propulseurs, bâtons percés, baguettes demi-rondes, lissoirs et contours découpés forment l'essentiel du corpus. Le cheval domine nettement le bestiaire, parce qu'il figure sur une quinzaine de contours découpés. Il apparaît aussi sous la forme d'une ébauche de sculpture en ronde-bosse réalisée sur un fragment osseux (Marsan 1980) et la collection Piette offre en outre un minimum de huit gravures de cet animal. On trouve aussi une exceptionnelle figuration de renard, en ronde-bosse, sur le crochet d'un propulseur (MAN 47 096), tandis qu'un autre est orné d'un possible cervidé. Le bison apparaît sur un lissoir et éventuellement sur un bâton percé, associé à l'unique figuration de bouquetin recensée (voir infra). On peut encore évoquer une pièce en bois de renne, ornée de deux rennes se suivant (Chollot 1964), et trois représentations de poissons (Cleyet-Merle 1990). S'ajoutent enfin quelques sujets indéterminés.
Parmi les motifs abstraits, on retiendra la présence de décors curvilignes en spirale et en spirale festonnée sur baguettes demi-rondes, très semblables à celles d'Isturitz (Pyrénées-Atlantiques) ou des Espélugues (Lourdes, Hautes-Pyrénées), et systématiquement associés au Magdalénien moyen (Feruglio & Buisson 1996). Une autre baguette demi-ronde est ornée de tubercules (Marsan 1983b).
Un dernier trait particulier de l'ensemble d'Espalungue peut être mentionné : la présence de dents de cheval façonnées. Ainsi, la série Piette compte une pendeloque sur incisive aménagée de six perforations et une canine gravée d'un cercle (Chollot 1964) tandis que les travaux de G. Marsan ont fourni une autre incisive, avec, cette fois, la racine appointée (Marsan 1983a).
Représentation(s) d'animal(aux)
Une seule figuration de bouquetin est certaine à Espalungue. Elle orne un bâton percé (MAN 47 011) mis au jour par É. Piette dès 1873. L'objet mesure 22 cm de long et la perforation aménagée dans la partie basilaire du bois est partiellement conservée. Le manche, courbe, est orné sur chacune de ses deux faces d'une tête animale. La première (fig. 2, en haut) est sans conteste une figuration de bouquetin en profil gauche et à la longue corne, dont l'arc suit la forme du support. L'image est traitée en champlevé et extrêmement détaillée. On peut lire une oreille particulièrement bien rendue, un œil globulaire, le museau – partiellement altéré – mais laissant voir l'indication du naseau. Des hachures et pointillés soulignent les reliefs et marquent la joue pour indiquer tant le modelé que le pelage. Un décor de hachures couvre la corne et pourrait tenir lieu d'annelures.
Sur la face opposée, placée tête-bêche (fig. 2), se trouve une seconde tête d'herbivore, en profil droit, traitée avec autant de soin que la première. Elle a pu être interprétée comme celle d'un autre bouquetin (Piette 1873, Chollot 1964, Buisson 1996b, Schwab 2008) ou, au vu de la barbe et de la corne rabattue, d'un ovibos comparable à ceux figurant également sur perche de bois de renne d'Enlène (Bégouën & Clottes 2007) ou du Roc-du-Courbet (Stodiek 1993) ou encore à celui de Thayngen (Kesslerloch, Suisse ; Koby 1969).
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Citer ce document
Averbouh, Aline; Plassard, Frédéric; Feruglio, Valérie 2022. Espalungue, grotte (Arudy, Pyrénées-Atlantiques, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir.
Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire,
"Dossier Bouquetin",
mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Mai 2024, consulté le 3 Décembre 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6194
Citer le document original
Averbouh, Aline; Plassard, Frédéric; Feruglio, Valérie.
Espalungue, grotte (Arudy, Pyrénées-Atlantiques, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir.
Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire,
2022, 654 p.
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Espalungue fiche 01 |
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