Duruthy, abri (Sorde-l'Abbaye, Landes, France)
Description
L'abri Duruthy forme, avec les abris Grand Pastou, Petit Pastou et Dufaure, un site archéologique complexe au pied de la falaise du Pastou (fig. 1a). Celle-ci borde, au sud, le dernier relief séparant le gave de Pau du gave d'Oloron, dont la confluence se trouve à 5 km plus à l'ouest.
L'abri Duruthy n'a pas plus de 2 m de profondeur et se développe sur une dizaine de mètres de long (fig. 1). Encadré par deux cônes d'éboulis alimentés depuis le coteau, le gisement se prolonge en avant de l'abri, sur le talus, par trois terrasses.
En 1873, R. Pottier et L. Lartet repèrent le site de Duruthy et y font un sondage. En 1874, L. Lartet y poursuit les travaux avec G. Chaplain-Duparc (Lartet & Chaplain-Duparc 1874). Le gisement est alors délaissé jusqu'aux années 1950. De 1957 à 1986, R. Arambourou fouille les maigres restes de la terrasse supérieure, atteint la terrasse moyenne et réalise une tranchée perpendiculaire à l'axe de l'abri (Arambourou et al. 1978).
La stratigraphie du gisement est complexe à cause d'importantes variations entre le fond de l'abri et le bas du talus (Dachary 2002). En outre, la quantité de vestiges collectés (plus de deux millions) est un handicap au moment de dresser un tableau synthétique des occupations. Cependant, on retiendra la séquence suivante (Arambourou et al. 1978) : au sommet, la couche 1 (c.1) est une nécropole attribuable au Chalcolithique ; elle coiffe la couche 2, d'âge épipaléolithique* (Dachary et al. 2014). En dessous se développe la séquence magdalénienne. La couche 3 est rapportée à un Magdalénien supérieur à harpons et surmonte la couche 4, attribuable au Magdalénien moyen. Au pied du talus, un sondage profond a permis de repérer une couche 5 qui correspondrait à un stade plus ancien du Magdalénien. Les données archéozoologiques laissent penser que le Pastou était un site préférentiellement occupé au cours de « la mauvaise saison » (Costamagno in Dachary 2006).
Iconographie
L'abri Duruthy ne contient pas d'art pariétal. En revanche, dès le xixe siècle, les niveaux magdaléniens ont livré des objets de parure et d'art mobilier – entre autres, des dents de grands carnivores (lion et ours) perforées (n = 30) ou gravées (n = 16) de motifs combinant éléments figuratifs (poisson, phoque) et signes géométriques (signes barbelés, ellipses, signes angulaires… ; Lartet & Chaplain-Duparc 1874, Chauvière 2001). Si l'appartenance de ces vestiges au Magdalénien ne pose pas de problème, il est difficile, en revanche, d'être plus précis dans leur attribution.
Les fouilles de R. Arambourou ont livré, pour le Magdalénien moyen (c. 4) et supérieur (c. 3), une collection d'art mobilier riche et variée, tant dans les supports – organiques (os, ivoire et bois de cervidé) et minéraux (grès, marne, calcaire…) – que dans les motifs – figuratifs et abstraits. Un catalogue (Dachary 2006) en dresse un inventaire presque complet, enrichi depuis de quelques inédits. Les travaux plus récents de C. Lucas (2014) sont exclusivement consacrés aux motifs géométriques sur supports organiques.
On a, pour les œuvres animalières, décompté vingt-six images sur vingt-et-un supports. Elles se répartissent entre chevaux (n = 5 +1 ?), bouquetins (n = 5), biches (n = 2), poissons (n = 3, dont un brochet), renne (n = 1), léporidé (n = 1), ours (n = 1), phoque (n = 1) et espèces indéterminées (n = 6). La majorité des objets provient du Magdalénien moyen (n = 14), tandis que deux autres seulement sont attribuables au Magdalénien supérieur. Quatre vestiges appartiennent au Magdalénien lato sensu, et une pièce est issue de sédiments remaniés. Si la gravure domine (n = 15 objets), le champlevé est observé une fois ; la sculpture, quatre ou cinq fois. C'est cette dernière technique qui a livré les œuvres les plus remarquables, en particulier trois représentations de chevaux (Laurent in Arambourou 1978, Merlet in Thiault & Roy 1996).
Représentation(s) d'animal(aux)
On compte aujourd'hui cinq figurations de bouquetin (fig. 2) réparties sur trois objets en bois de renne issus de la couche 4 (Magdalénien moyen). Toutes ont déjà été signalées ou décrites dans la monographie publiée en 1978 (Arambourou et al.).
Concernant la technique, on trouve deux gravures et trois figurations en champlevé (réunies sur un même objet). Deux animaux, de profil gauche, sont complets, alors que les trois autres, tournés vers la droite, sont réduits à la tête (voir fiches détaillées).
L'association des figurations de bouquetin avec d'autres motifs ne montre pas de constante. Dans un cas, trois bouquetins sont réunis et associés à une tête de cheval inédite ; dans un deuxième cas, le bouquetin est associé à un motif assez banal du répertoire graphique magdalénien : les chevrons emboîtés ; et, dans le dernier cas, le bouquetin est figuré de façon isolée.
Au-delà de ces observations d'ensemble, quelques remarques complémentaires s'imposent. La première est la relative abondance des bouquetins dans le bestiaire figuré de Duruthy. À l'échelle du gisement, cet animal est presque autant représenté que le cheval, alors que le bison est absent. C'est là un fait remarquable si l'on compare avec d'autres gisements des Pyrénées occidentales. Le bouquetin est absent de l'art de la grotte Bourrouilla, à Arancou, et bien plus rare que le cheval ou le bison à Isturitz. Par ailleurs, les abris voisins de Dufaure et du Grand Pastou ont livré de l'art mobilier, mais pas de figuration de bouquetin.
Une autre surprise pourrait résider dans la différence reconnue à l'heure actuelle entre les animaux figurés et la faune chassée, puisqu'aucun reste de bouquetin n'a été identifié dans la couche 4 (Delpech 1983). Ce n'est pas un cas unique, mais il est notable d'autant que la relative proximité de la montagne aurait pu laisser imaginer sa présence parmi les restes fauniques du gisement. De fait, c'est le cas pour la couche du Magdalénien supérieur au sein de laquelle treize restes ont été identifiés (Delpech 1983). Toutefois, cette observation doit être prise avec précaution car elle se fonde sur l'étude d'une partie seulement des vestiges exhumés.
D'un autre point de vue, on observera que si l'un des supports ornés de bouquetins est une baguette demi-ronde (un décor atypique pour cette catégorie d'objets), les deux autres pièces semblent avoir eu une seconde vie après la réalisation de leur décor : transformation en bâton percé dans un cas, utilisation comme bloc de matière première à débiter dans l'autre. Ce type de « recyclage » n'est pas exceptionnel mais il interroge sur le statut accordé à ces pièces décorées par les Préhistoriques eux-mêmes.
Pour conclure, ces trois objets ornés de bouquetins sont exceptionnels à différents titres. Le bâton percé, qui mérite de figurer parmi les grands chefs-d'œuvre du Magdalénien moyen, est orné de figurations qui, stylistiquement, illustrent parfaitement ce que peut être l'art sur objets à cette époque dans les Pyrénées et, plus largement, dans le sud-ouest de la France. La baguette demi-ronde est l'une des deux seules du gisement à porter un motif figuratif. Le dernier sujet, figuré dans une attitude de galop, est une évocation extraordinairement vivante de l'animal.
Animal(aux) emblématique(s)
La pièce la plus connue, minutieusement décrite par P. Laurent (in Arambourou 1978), est un fragment de bois de renne orné, sur l'une de ses faces, d'une file de trois têtes de bouquetin figurées en champlevé (Duruthy f.1 à f.3). Deux têtes complètes sont représentées à droite, cou tendu vers le haut et bouche entrouverte. La forme des cornes, en double courbure, est caractéristique du bouquetin pyrénéen. À la suite de la transformation de l'objet et d'une cassure, la dernière image est réduite à l'extrémité du museau.
La figuration du bouquetin au galop, de profil gauche, est également emblématique de l'art du site. Gravée sur une base de bois de renne, entre l'andouiller d'œil et celui de glace, elle offre une image dynamique de l'animal, qui semble réellement en mouvement, et n'a aucun équivalent à l'échelle de la falaise du Pastou. La figuration des membres a clairement retenu l'attention du graveur. Les deux pattes gauches sont soignées, et leurs sabots sont figurés. La patte avant droite est, au contraire, à peine indiquée, bien que les traits qui la dessinent se poursuivent un peu sur la face antérieure du support. Quant à la patte arrière droite, elle est en extension vers l'arrière et semble se perdre au-delà du bord de la pièce. Les cornes sont trop endommagées pour que leur forme puisse permettre d'identifier la sous-espèce figurée.
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Citer ce document
Dachary, Morgane; Plassard, Frédéric 2022. Duruthy, abri (Sorde-l'Abbaye, Landes, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir.
Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire,
"Dossier Bouquetin",
mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Mai 2024, consulté le 6 Décembre 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6197
Citer le document original
Dachary, Morgane; Plassard, Frédéric.
Duruthy, abri (Sorde-l'Abbaye, Landes, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir.
Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire,
2022, 654 p.
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