El Castillo, grotte (Puente Viesgo, Cantabrie, Espagne)

Description

Située sur la commune de Puente Viesgo, en Cantabrie (Espagne), la grotte d'El Castillo s'ouvre sur le versant nord-est de la montagne du même nom, à 195 m d'altitude, sur le bord de la vallée de la rivière Pas, et fait partie d'un ensemble formé de plusieurs réseaux ornés majeurs (La Pasiega, Las Chimeneas, Las Monedas). Elle comporte une série de salles et de couloirs de dimensions et de volumes très variables, et son développement actuel est de 759 m. Le site a été classé au patrimoine mondial de l'Unesco en 2008.
Des fouilles ont été effectuées à l'entrée de la cavité entre 1910 et 1914 par H. Obermaier et P. Wernert, entre 1980 et 2004 par V. Cabrera Valdés puis par F. Bernaldo de Quirós, et depuis 2020 par J.M. Maíllo Fernández.
La séquence stratigraphique du porche montre vingt-six niveaux, de la fin du Paléolithique ancien à l'âge du Bronze, avec, pour le Paléolithique récent, des niveaux de l'Aurignacien, du Gravettien, du Solutréen moyen et du Magdalénien ancien cantabrique et supérieur (Cabrera Valdés et al. 1996).
Découvertes en 1903, les figures pariétales ont été publiées d'abord par H. Alcalde del Río (1906), puis par H. Alcalde del Río, H. Breuil et H. Sierra (1912) ; ils avaient recensé environ deux cent vingt motifs. E. Ripoll Perelló (1956, 1971-1972, 1972) a repris l'étude de l'art entre les années 1950 et 1970, mais n'a que peu publié ses résultats. Enfin, l'étude complète de l'art pariétal et des traces anthropiques (dépôts, objets fichés dans les parois) a été réalisée par M. et M.- C. Groenen de 2003 à 2016 (Groenen et al. 2010-2011, Groenen 2012, Groenen et al. 2012, Groenen 2016, Groenen & Groenen 2017, et à paraître).
Les dates obtenues par la méthode 14C-AMS (Moure Romanillo et al. 1996) et, plus récemment, par l'U/ Th (Pike et al. 2012) indiquent que l'art pariétal couvre toutes les périodes depuis l'Aurignacien (disques violets du Plafond des Mains) jusqu'au Magdalénien récent (bison noir du Panneau des Polychromes).

Iconographie

Notre recensement de l'art pariétal d'El Castillo totalise 2 964 unités graphiques, parmi lesquelles 360 zoomorphes, 2 zoomorphes composites, 21 anthropomorphes, 1 anthropomorphe composite, 77 mains négatives, 93 tracés complexes, 142 tracés indéterminés, 1 177 tracés élémentaires et 1 091 traces colorées. Tous les espaces de la cavité ont été décorés, mais certains l'ont été davantage que d'autres (Salle A, Plafond des Mains, Galerie des Disques). Parmi les 360 zoomorphes déterminés, on compte 131 cervidés, 58 bovinés, 55 herbivores, 39 équidés, 31 caprinés, 8 mammouths, 1 oiseau, 1 félin et 36 animaux indéterminés. Près de la moitié des représentations animales ont été abrégées sous la forme d'une tête (155 sur 360) ; les figurations complètes sont rares (42 sur 360).
La cavité comprend plusieurs éléments remarquables. Un pilier de la Salle B a été dessiné et gravé d'une représentation « d'homme-bison » et forme une ombre qui reproduit le motif sur la paroi (Groenen 2017). Des motifs, parmi lesquels deux chevaux, ont été gravés sur le sol de la partie la plus profonde de la grotte (Tréfonds).
Les techniques utilisées sont la peinture, le dessin, la gravure et le relief. Les analyses au MEB montrent que les dessins noirs ont été réalisés au charbon de bois de pin (Pinus nigra ; Groenen et al. 2016). Les analyses des pigments minéraux révèlent l'existence d'un grand nombre de pots de peintures rouges et jaunes, ce qui permet de penser que le décor de la grotte a été réalisé par différents groupes. Les techniques de gravure sont variées : le tracé simple, les tracés multiples ou le raclage. Par ailleurs, trente-six biches striées pariétales trouvent leur équivalent sur les trente-trois omoplates de l'art mobilier de cette même grotte ; elles peuvent être rapportées au Magdalénien inférieur cantabrique, avec une date à 16 850 ± 250 BP (OxA-971) soit 20 343 ± 313 cal BP (Almagro Basch 1976, Fernández-Lombera 2003).

Représentation(s) d'animal(aux)

Les bouquetins pariétaux sont au nombre de trente-et-un. Ils sont distribués dans les parties antérieure et moyenne de la cavité (fig. 1a) : Entrée dite gravettienne (n = 4 ; fig. 2), la Salle A (n = 6), Diverticule (n = 3), Toboggan (n = 1), Bas-Côté (n = 1), Carrefour (n = 1), la Salle B (n = 5), Passage entre les salles B-C (n = 1), Salle C (n = 4) et la Salle D (n = 5). Les bouquetins sont en majorité dessinés en noir (n = 17) et un seul est peint en rouge. Certains sont toutefois gravés (n = 13) et un exemplaire est à la fois dessiné en noir et gravé. Tous sont référencés (voir inventaire).
Si l'on excepte un bouquetin dont la tête et l'encornure semblent présentées de face (El Castillo f.28), tous sont figurés de profil (gauche : n = 20 ; droit : n = 10). Les cornes peuvent être divergentes (orientées de face), présentées de trois quarts ou orientées vers l'arrière. Huit bouquetins sont complets et neuf autres quasi complets. Lorsque les animaux sont représentés partiellement, neuf le sont sous la forme d'une tête (éventuellement avec le départ du cou), quatre sont des protomés et un est figuré sous la forme d'une ligne cervico-dorsale. Lorsque les animaux sont complets, ils ont généralement une patte par train. Seul un d'entre eux (El Castillo f.29) est doté de quatre pattes. Pour plus de la moitié des bouquetins, le tracé est relativement naturaliste (20 exemplaires sur 31). L'œil, l'oreille et la barbiche sont peu représentés. Si l'on excepte un exemplaire de la Salle A et un du Diverticule (El Castillo f.7 et f.11), le pelage n'est jamais noté. La plupart des bouquetins s'inscrivent dans un champ compris entre 15 et 25 cm, avec, comme tailles extrêmes, un bouquetin complet dont la longueur totale est de 11 cm (El Castillo f.12) et un autre dont la longueur totale fait 40 cm (El Castillo f.13).
La distinction entre espèces est évidemment difficile à opérer sur la base de la silhouette, d'autant plus que les animaux sont, dans bien des cas, incomplets. La morphologie des cornes constitue sans doute l'indice le plus sûr pour distinguer entre le bouquetin des Alpes (Capra ibex) et le bouquetin des Pyrénées (Capra pyrenaica ; Couturier 1962). Selon ce critère, douze individus de la grotte d'El Castillo pourraient appartenir au bouquetin des Alpes et deux seulement au bouquetin des Pyrénées, dix-sept individus restant indéterminés. Si l'on considère la morphologie et la longueur des cornes, dix-sept animaux pourraient être des mâles et sept des femelles. Un individu pourrait correspondre à un juvénile. Six ne peuvent pas être déterminés.
À El Castillo, par rapport à l'ensemble des animaux du bestiaire pariétal, le bouquetin apparaît comme un animal secondaire, puisque sa fréquence n'est que de 8,6 % des animaux figurés. Dans vingt-deux cas, les bouquetins se trouvent en relation spatiale avec d'autres animaux, comme la biche, le cheval, l'aurochs, une créature composite homme-bison ou le bison. Ils peuvent également être associés entre eux. Enfin, neuf bouquetins sur les trente-et-un recensés occupent une position isolée (El Castillo f.4, 10, 13, 15, 16, 20, 22, 23 et 27).
Il est à noter que, sur la centaine d'objets mobiliers retrouvés en fouilles et étudiés par M.S. Corchón Rodríguez (1986), on ne relève aucune figuration de bouquetin. On ne dispose d'aucune datation absolue pour les bouquetins pariétaux.

Animal(aux) emblématique(s)

Deux bouquetins peuvent être considérés comme emblématiques de la grotte d'El Castillo.
Le bouquetin SC 23 (fig. 3a et El Castillo f.26) est situé dans la Bauge aux Ours, à l'entrée de la Salle C. La figure, orientée vers la gauche, est caractéristique d'El Castillo par sa petite taille (14 cm de haut) et par le fait que seuls la tête (sans détails), le cou et les cornes sont figurés. Les cornes sont relativement longues et légèrement divergentes, avec une base d'implantation écartée. L'animal a été dessiné au charbon de bois, d'un trait ferme. La silhouette est interrompue à plusieurs reprises. Malgré ces lacunes, le style est naturaliste. Ce bouquetin a été placé sur un pendant rocheux, au fond d'un petit espace circulaire, en retrait et invisible depuis la zone de circulation principale.
Le bouquetin SB 22 (fig. 3b et El Castillo f.20) est situé au fond et à gauche dans la Salle B. Il a été placé sur un pendant rocheux de la paroi. Il est caractéristique par son attitude statique, sa petite taille (longueur totale : 24,5 cm) et son tracé synthétique. Comme d'autres bouquetins de la grotte, il a été dessiné au charbon de bois et est figuré de profil, avec une patte par train – la cuisse est incomplète. La tête, les cornes, le dos et le poitrail ont, en outre, été précisés par un tracé gravé simple. La tête (sans détails) présente la forme d'un trapèze allongé. Les cornes, jointives à la base, sont arquées vers l'arrière et légèrement divergentes. Il pourrait s'agir d'un bouquetin des Alpes mâle adulte.

Références

Alcalde del Río 1906, Alcalde del Río et al. 1912, Ripoll Perelló 1956, Couturier 1962, Ripoll Perelló 1971-1972, Ripoll Perelló 1972b, Almagro Basch 1976, Cabrera Valdés 1984, Corchón Rodríguez 1986, Sacchi 1993, Cabrera Valdés et al. 1996, Moure Romanillo et al. 1996, González 2001, Fernández-Lombera 2003, Mingo Álvarez 2010, Groenen et al. 2010-2011, Groenen 2012, Pike et al., 2012, Groenen 2016, Groenen et al. 2016, Groenen 2017, Groenen & Groenen 2017, Groenen & Groenen à paraître.

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Citer ce document

Groenen, Marc; Groenen, Marie-Christine 2022. El Castillo, grotte (Puente Viesgo, Cantabrie, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 5 Novembre 2023, consulté le 1 Mai 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6207

Citer le document original

Groenen, Marc; Groenen, Marie-Christine. El Castillo, grotte (Puente Viesgo, Cantabrie, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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