La Garma, grotte (Ribamontán al Monte, Cantabrie, Espagne)
Description
La grotte de La Garma est située à proximité du village d'Omoño, municipalité de Ribamontán al Monte, dans les Cantabres. Elle tient son nom d'une colline de 186 m de hauteur, qui s'élève à proximité de l'estuaire du fleuve Miera, au sud-est de la baie de Santander et à 5 km de la ligne de côte actuelle. La grotte de La Garma se développe sur plusieurs étages au sein de cette colline en roches calcaires du Crétacé inférieur renfermant des gisements depuis les premiers peuplements jusqu'au Moyen Âge (viie - viiie et xiie siècles apr. J.-C.).
La galerie inférieure est une grande caverne dont l'entrée a été obstruée naturellement vers la fin du Pléistocène récent, ce qui a permis la préservation de l'impressionnant ensemble archéologique qu'elle offre. Ce qui fait le caractère vraiment exceptionnel de ce site est un habitat du Magdalénien moyen qui occupe trois zones de la grotte, couvrant une surface totale de plus de 600 m2. Il est constitué par une énorme quantité de restes d'activité humaine, en majorité des ossements d'animaux pléistocènes, des industries lithiques et osseuses, ainsi que des structures artificielles comme des trous, des accumulations de matériaux et des constructions en pierre et fragments stalagmitiques. À cet étonnant sol d'occupation est associé un important ensemble de représentations pariétales, particulièrement riche dans la zone antérieure de la grotte. Ainsi, tout au long des 300 m de la galerie se succèdent peintures et gravures, structures artificielles, traces de circulation et d'éclairage, et aires d'habitat et décoration. Les dernières fréquentations humaines dans la grotte sont attribuables aux viie -viiie siècles apr. J.-C. Elles se manifestent par des indices tels que d'abondants fragments de charbon, éparpillés ou concentrés en foyers, des amoncellements de tronçons de stalagmites, ainsi que diverses empreintes de pieds humains, isolées ou groupées, mais, surtout, par les restes de cinq squelettes humains.
Depuis 1996, cet ensemble fait l'objet d'un projet de recherche intégrale coordonnée par P. Arias et R. Ontañón Peredo, à l'Institut international de la recherche préhistorique de Cantabrie (IIIPC).
Iconographie
Dans la galerie inférieure de La Garma, art pariétal et art mobilier se regroupent. Le dispositif pariétal correspond à un laps de temps très ample. Il est partiellement contemporain des sols d'habitat, mais il a commencé à prendre place bien antérieurement. Par ailleurs, il ne s'agit pas seulement des œuvres achevées, mais également des témoignages de l'activité artistique par des tâches associées à l'exécution des peintures : en divers endroits ont été trouvées des gouttes et des taches au sol, et même des « palettes » pour la préparation des colorants. Quant à l'art mobilier, il fait partie du sol d'habitat du Magdalénien moyen où ont été découvertes des dizaines d'objets décorés en os, bois de cervidés et sur plaquettes de pierre et concrétions dans la nappe constituée de milliers de vestiges d'occupation. Quelques éléments de parure (pendeloques, perles) en os, bois et coquillages marins ont également été découverts.
Notre connaissance de l'art mobilier est encore trop partielle, mais dans la zone IV – la mieux connue jusqu'à présent – la proportion élevée de représentations de bouquetins (notamment des têtes) est remarquable. Quant au pariétal, l'inventaire provisoire des entités graphiques en compte plus de 500, dont des animaux (n = 92), des mains négatives (n = 40) et des signes et points (n = 109). Les représentations animales se distribuent ainsi : biches (n = 23, soit 25 %), bisons (n = 16, soit 17,39 %), chevaux (n = 16, soit 17,39 %), quadrupèdes (n = 13, soit 14,13 %), bouquetins (n = 11, soit 11,95 %), cerfs (n = 3, soit 3,26 %), cervidés indéterminés (n = 3, soit 3,26 %), « masques » (n = 3, soit 3,26 %), carnivores (n = 2, soit 2,17 %), aurochs (n = 1, soit 1,08 %), cerf mégacéros (n = 1, soit 1,08 %).
Sur le plan des techniques, on note que presque toutes celles de l'art pariétal de la région cantabrique sont présentes, à l'exception de la peinture polychrome.
Représentation(s) d'animal(aux)
Après la première étude générale – nécessairement incomplète – de l'art pariétal de la galerie inférieure et de l'analyse du sol d'habitat de la zone IV (le seul achevé à ce jour), le nombre de figures de bouquetins repérées est de onze pariétales et de cinq sur support mobilier. Cette recherche étant en cours, nous n'avons pu intégrer à l'inventaire détaillé que cinq des figures pariétales et quatre des mobilières.
Les figures pariétales se distribuent dans cinq des neuf zones individualisées dans la grotte, toujours dans la moitié antérieure de la cavité et associées à des zones d'habitat ou à proximité. Elles se localisent dans les sous-zones Ie (1), If (4), Ih (1), II (2-3) et IV (2-3).
Tous les bouquetins sur supports mobiliers ont été localisés dans la zone IV. Ils ont été exécutés pour la plupart (n = 4) sur des os d'espèces différentes (grand bovidé et cheval, au moins) et une sur plaquette de calcite (celle-ci n'est pas présentée ici, car elle est fragmentée en deux morceaux et elle manque d'une documentation complète). Toutes les représentations mobilières montrent une grande homogénéité, ce qui n'est pas surprenant si on tient compte du fait qu'elles proviennent du même contexte archéologique : le sol d'habitat parfaitement daté du Magdalénien moyen cantabrique. Ces objets décorés avec figures de bouquetins montrent ainsi un style identique et analogue à celui de ses contemporains, des Asturies aux Pyrénées.
Les figures pariétales documentées pour ce travail ont toutes été peintes en rouge, sauf une en noir. Elles montrent des différences techniques et stylistiques remarquables (technique d'application du colorant, type de trait, détails anatomiques), qui nous conduisent à les attribuer à des périodes différentes du cycle artistique paléolithique, depuis le Gravettien jusqu'au Magdalénien. Les bouquetins peints en rouge sont très effacés mais ils portent quelques attributs similaires aux animaux ponctués rouges (perspective par exemple), caractéristiques de la région cantabrique. En ce qui concerne les bouquetins en noir, certains exemplaires sont également très mal conservés. Même si quelques conventions sont assez atypiques (zébrure interne), la disposition des pattes s'approche du format le plus utilisé pendant le Magdalénien. Toutes les représentations sont en profil, tantôt droit tantôt gauche.
Ces figures pariétales sont soit isolées (un cas) soit, plus généralement, associées étroitement avec d'autres figures, dans des compositions bien structurées (fig. 2), notamment dans la zone IV (fig. 2 et La Garma f.4 et f.5).
Dans le cas du mobilier, on relèvera une composition assez curieuse : un fragment de côte de boviné (potentiel lissoir ?) orné d'une tête de bouquetin à chaque extrémité, en partie gravé et en partie découpé (La Garma f.8 et f.9).
Animal(aux) emblématique(s)
La figure la plus emblématique de La Garma est une représentation de bouquetin sculptée sur un objet appointé, avec des restes d'ocre sur toute la surface et trouvé sur le sol de la zone IV, à côté des structures d'habitat (La Garma f.6). Aménagée sur une côte, elle présente un poli particulièrement accusé sur la pointe, possiblement lié à son utilisation (fig. 3).
L'extrémité supérieure de la pièce présente un bouquetin tournant la tête vers l'arrière et comportant de nombreux détails internes. Bien que la section de la pièce soit très plate, on peut qualifier ce décor périphérique de « péricylindrique » par analogie avec de nombreuses pièces dans lesquelles le décor s'enroule autour d'un fût cylindrique. Plusieurs séries de chevrons emboîtés ou de hachures obliques parallèles sont disposées le long des bords de la spatule.
Le développement du bouquetin des deux côtés de la lame d'os fait que l'on peut décrire les deux faces de l'objet. Sur la face A a été représentée la tête de l'animal, avec une oreille et le début d'une corne avec anneaux (perdue à cause de la fracture, bien que l'on puisse supposer qu'elle n'a jamais été entière, en raison des dimensions du support), l'œil avec indication de la caroncule lacrymale, l'orifice nasal, la bouche, et de nombreux éléments de détourage interne et de pelage (ligne fronto-nasale, maxillaire), réalisés au moyen de tracés linéaires et de séries de hachures. Sur cette même face figurent également le poitrail, les deux membres antérieurs avec indication du genou et le début de la ligne de dos, bordée de petits traits parallèles. Le poitrail et les membres sont également couverts de hachures. Sur le côté gauche apparaissent également la cuisse et l'extrémité de la patte postérieure, sous le maxillaire de l'animal, ce qui accentue le remarquable effet de torsion de l'animal sur lui-même.
Sur la face B, le ventre a été représenté avec un double détourage interne et des bandes de hachures figurant les modulations du pelage. Les membres postérieurs sont également représentés, légèrement décalés, avec indication du jarret. La cuisse est couverte de plusieurs rangées de hachures obliques figurant le pelage. La queue, si elle a existé, a été emportée par la cassure.
Techniquement, la figure a été représentée au moyen du relief différentiel. Cela signifie que les différentes parties de la figure se trouvent dans des plans visuels successifs. Cette technique comporte une grande difficulté d'exécution, puisque plusieurs phases de gravure et d'abaissement de la surface ont dû être réalisées.
L'ensemble de la pièce est un exemple de réalisation presque parfaite sur le plan technique. Il n'y a pratiquement pas d'erreurs d'exécution. En ce qui concerne le maniement de l'outil, l'artiste ne semble pas avoir rencontré de difficulté ni manifesté aucune hésitation dans les proportions de l'animal. Les incisions montrent une grande variété de sections qui vont de l'angle droit pour le contour, à une section plane pour certaines incisions comme le maxillaire, ou un sillon en « V » pour les détails comme l'œil et la bouche. Les incisions fines sont réalisées par un geste unique, comme les hachures des bandes de pelage.
Références
Licence
Droits
L’ensemble des textes et des images déposés dans la Base Jean Clottes (BJC) sont soumis au droit d’auteur et sont, à ce titre, protégés par les droits de propriété intellectuelle. Toute demande d’utilisation totale ou partielle des textes ou des images doit être soumise au conseil scientifique qui transmettra aux auteurs. Toute utilisation sans accord et citation des auteurs est passible de poursuites judiciaires. Les références doivent être citées comme suit.
Citer ce document
Ontañón Peredo, Roberto; Arias, Pablo; Rivero Vilá, Olivia; Gárate Maídagán, Diego 2022. La Garma, grotte (Ribamontán al Monte, Cantabrie, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir.
Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire,
"Dossier Bouquetin",
mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Mai 2024, consulté le 21 Novembre 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6214
Citer le document original
Ontañón Peredo, Roberto; Arias, Pablo; Rivero Vilá, Olivia; Gárate Maídagán, Diego.
La Garma, grotte (Ribamontán al Monte, Cantabrie, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir.
Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire,
2022, 654 p.
Filtrer par propriété
Collections
Coordonnées géographiques *
43.4067, -3.64205