El Pendo, grotte (Escobedo Camargo, Cantabrie, Espagne)

Description

La grotte d'El Pendo se trouve dans le quartier d'El Churi, à Escobedo Camargo, à 10 km de Santander. Elle s'ouvre au fond d'une vaste dépression située à l'extrémité occidentale de La Sierra de Peñajorao, succession de collines côtières avec de forts processus de karstification qui entourent le sud-ouest de la baie de Santander.
La grotte est découverte vers 1878 par M. Sanz de Sautuola, qui pratique les premières fouilles. De nombreux archéologues, locaux et étrangers, y réalisent des sondages avant ceux du Père J. Carballo. Ces travaux ont permis de réunir une énorme collection d'art mobilier magdalénien et azilien conférant à la cavité une renommée internationale. En 1907, H. Alcalde del Río découvre, au fond de la cavité, un petit panneau de gravures figuratives interprétées comme des oiseaux.
Entre 1953 et 1957 ont lieu diverses fouilles systématiques au cours desquelles se déroule, en 1955, le IIe cours international d'archéologie de terrain, sous la direction de A. Leroi-Gourhan et A. Cheynier (González Echegaray 1980). Entre 1994 et 1997, R. Montes Barquín et J. Sanguino (2001) dirigent une étude multidisciplinaire conduisant à la découverte de la frise des Peintures (1997).
La cavité est une doline fossile de faible développement linéaire (180 m), mais de largeur (80 m) et hauteur (24 m) imposantes, au fond de laquelle s'ouvre un puits actif (impraticable) recueillant les eaux de la dépression canalisées par un ruisseau. En période de fortes précipitations, ce dernier inonde et érode périodiquement la dépression, et au-delà la cavité elle-même.
La grotte présente un important dénivelé et apparaît tapissée de dépôts sédimentaires d'origine fluviale et de grands blocs détachés des strates du plafond. Elle a surtout été employée comme habitat et, de façon plus ponctuelle, comme sanctuaire durant le Paléolithique récent (Gravettien au Magdalénien). Un énorme gisement archéologique de trente-trois niveaux a été mis au jour (Montes & Sanguino 2001) et les occupations humaines ont été datées par thermoluminescence, U/Th, ESR et 14C-AMS, entre 84 000 et 3 000 ans avant le présent, soit entre le Paléolithique moyen et la fin de l'âge du Bronze.
Le vaste vestibule orienté au sud au fond d'une vallée endoréique (à l'abri des vents froids dominants), sa localisation près de la baie de Santander et de ses ressources marines, la présence abondante de Cervus elaphus adultes parmi les restes consommés (tant par les Néandertaliens que par les Hommes anatomiquement modernes) suggèrent un usage préférentiel de la grotte durant les longs hivers de la dernière période glaciaire.

Iconographie

Les représentations gravées du diverticule final, identifiées comme des pingouins et un vautour par leur découvreur (Alcalde del Río et al. 1912 : 35-39) et postérieurement comme un ansériforme et un possible équidé par I. Barandiarán (in González Echegaray 1980 : 248-256), ont été attribuées au Magdalénien ancien cantabrique par ce dernier.
Le reste des manifestations graphiques est constitué de peintures rouges (sauf une figure de couleur terre de Sienne). Ce sont des signes et des animaux concentrés sur une grande frise de 25 m de longueur et de 2,5 m de hauteur moyenne, située à 80 m de l'entrée, dans une zone où la lumière naturelle se perd et où la grotte est totalement obscure. Un bouquetin, un cheval, un cerf, deux signes sinueux, deux disques, des traits appariés et des points isolés constituent un ensemble dominé par les représentations de biches (n = 13). La technique associe la teinte plate, le tamponné et le tracé simple ; certaines figures combinant les trois. L'homogénéité technique et stylistique de la frise des Peintures permet de rattacher cet ensemble à des grottes telles que Covalanas, La Haza, Pondra, La Pasiega et Arenaza, entre autres. Ce groupe était traditionnellement placé entre le Solutréen et le Magdalénien ancien (Montes Barquín & Sanguino González 1998), mais certains chercheurs ont aujourd'hui tendance à vieillir ce type de représentations jusqu'au Gravettien (González Sainz & San Miguel Llamosa 2001, Montes Barquín 2003).
En dehors de cette frise, on ne trouve que quelques traits peints en rouge sur la paroi gauche, près du lieu où ont été pratiquées les fouilles de 1953-1957.
L'art mobilier constitue une splendide collection qui compte plus de deux cents objets incluant des bâtons percés richement ornés, divers types d'outils décorés (sagaies, harpons, spatules…), des pendentifs et des os (omoplates, esquilles…), portant des représentations animales et des signes complexes (Barandiarán Maestu 1973).

Représentation(s) d'animal(aux)

L'art mobilier sur support osseux comporte quant à lui plusieurs représentations de bouquetins qui s'apparentent presque toutes au schéma des caprinés en vision frontale caractéristique du Magdalénien supérieur (fig. 2). Ce type de représentations abonde dans la région cantabrique au Magdalénien supérieur (l'une d'elles a pu être datée par 14C-AMS de 13 050 ± 150 BP (OxA-976) soit 15 627 ± 229 cal BP) (Barandiarán Maestu 1988) et diffuse dans les Pyrénées et le sud-ouest de la France.
Certains bouquetins sont encore très naturalistes, comme l'exemplaire PE23 (nomenclature de Barandiarán Maestu 1973) gravé sur un fragment de bâton percé, mettant à profit un relief naturel pour placer le museau de l'animal. D'autres exemplaires sont plus schématiques comme PE24, bien qu'encore très reconnaissable avec ses cornes en « V » ouvert et ses oreilles. La tête de bouquetin PE72 appartient encore au schéma des caprinés en vision frontale, bien qu'elle soit accompagnée d'une longue ligne sinueuse axiale qui n'a rien d'anatomique, et fait davantage penser à un signe. Encore plus simplifié, le bouquetin PE47 est limité à deux traits divergents pour les cornes, deux traits pour les oreilles et une ligne axiale pour figurer le corps. Deux schémas de ce type sont encore visibles sur une longue sagaie, mais cette fois, ils se prolongent par une ligne courbe (PE75). I. Barandiarán décrit également une tête de capriné aux cornes et oreilles en double trait (PE58). Dans le contexte des exemples précédents, il est possible d'assimiler une série de signes en « V » ouvert à des cornes de bouquetins de face (PE48). Enfin, il existe un bouquetin complet de profil gauche, de facture plus habituelle, figuré sur une sagaie du Magdalénien final (PE41).
En ce qui concerne l'art pariétal, dans le panneau peint, essentiellement composé de biches, se trouve également un bouquetin (voir bouquetin emblématique).

Animal(aux) emblématique(s)

Il est sans conteste la seule représentation pariétale de bouquetin connue dans la grotte d'El Pendo. Curieusement, elle a été la première peinture découverte en 1997. Elle se trouve dans la partie inférieure de la frise des Peintures, clairement associée à un signe et à deux représentations de biches, avec lesquelles elle forme une composition dans une zone en saillie, détachée, à gauche de la frise.
Comme dans le cas des figures avec lesquelles il s'associe, ce bouquetin tire parti des reliefs et des fissures de la paroi (fig. 3). On peut dire que l'auteur s'est contenté de compléter, une forme naturelle de la roche qui suggérait la silhouette complète d'un bouquetin de profil gauche en traçant en rouge certains détails anatomiques. Ainsi, la peinture ne dessine que le protomé (tête, encolure, partie du dos et corne unique) de l'animal, à l'aide de points tamponnés juxtaposés. Une série de reliefs naturels reproduisent, de manière correcte et proportionnée, une seconde corne, la ligne dorsale et la croupe, avec la queue et une patte, le ventre et les deux pattes antérieures. La figure entière, atteint une taille considérable de 60 par 40 cm, alors que la zone peinte ne dépasse pas 35 par 30 cm.
Cette représentation singulière est assez exceptionnelle dans l'art prémagdalénien cantabrique, où les bouquetins sont généralement sommaires et apparaissent comme des éléments complémentaires d'animaux de plus grande prestance dans les dispositifs graphiques (cervidés, chevaux, bovinés).
L'utilisation de reliefs naturels et de fissures pour compléter l'anatomie de l'animal ou simplement pour la souligner (cas récurrent pour les peintures d'El Pendo) est une évidence pour cette figure, dont l'exécution a dû nécessiter une minutieuse étude préalable du support afin d'intégrer les accidents d'une manière aussi magistrale.

Références

Alcalde del Río et al. 1912, Barandiarán Maestu 1972, González Echegaray 1980, Montes Barquín et al. 1999, Montes Barquín & Sanguino González 2001, Montes Barquín 2003.

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Citer ce document

Muñoz Fernández, Emilio; Montes Barquín, Ramón 2022. El Pendo, grotte (Escobedo Camargo, Cantabrie, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 1 Septembre 2023, consulté le 20 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6224

Citer le document original

Muñoz Fernández, Emilio; Montes Barquín, Ramón. El Pendo, grotte (Escobedo Camargo, Cantabrie, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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