Ebbou, grotte (Vallon-Pont-d’Arc, Ardèche, France)

Description

La grotte d'Ebbou se situe sur la rive droite de l'Ardèche, en aval du Pont d'Arc, au début du méandre du Pas-de-Mousse. Son porche monumental (fig. 1a) est visible depuis la falaise où s'ouvre la grotte Chauvet. L'ensemble de la cavité mesure 350 m de long environ. On chemine d'abord dans une étroite galerie très concrétionnée. Puis, à 110 m de l'entrée, les parois non calcitées s'évasent pour former une petite salle aux reliefs tourmentés où se trouvent la plupart des gravures (fig. 1b). Le réseau se développe ensuite en une succession de salles et de boyaux où aucune décoration n'a été repérée.
Le gisement préhistorique est fouillé depuis le xixe siècle. La seule occupation paléolithique reconnue sous le porche est une couche du Magdalénien supérieur datée au 14C de 12 980 ± 220 BP (LY-800 ; Combier 1984) soit 15 521 ± 346 cal. BP. En face de la grotte, sur l'autre rive de l'Ardèche, un campement de plein air attribué au Salpétrien a été fouillé (Combier 1984 : 611). Mentionnées vers 1870, les gravures retrouvées en 1945 par deux spéléologues, A. Bonnaud et G. Saussac, ont été étudiées en 1946 par A. Glory. Jusqu'en 1964, la grotte a été livrée au tourisme, subissant alors des dégâts irrémédiables. Après la fermeture de cette dernière, les recherches ont repris entre 1964 et 1968 : topographie, fouilles à l'entrée, inventaire, photographie et relevé des figures (Chabredier 1975). Enfin, une nouvelle étude axée sur l'aspect technologique des œuvres a été conduite de 1994 à 1999 par P. Novel et B. Gély (Novel 1995).

Iconographie

Le recensement établi lors des dernières études fait état de 71 gravures authentiques (les travaux antérieurs en signalaient jusqu'à 79). Outre quelques signes circulaires et traits gravés isolés, le bestiaire est composé d'au moins 17 chevaux, 11 bouquetins, 7 aurochs, 4 cerfs, 3 bisons, 1 mammouth, 1 félin ; la détermination des vingt autres figures animales est hasardeuse.
Le dispositif pariétal occupe tous les emplacements disponibles de la salle (fig. 2) ; sauf sur le plafond, un découpage par panneaux bien délimités est favorisé par la complexité des reliefs. L'étagement évident en registres est induit par l'existence de larges joints de strates subhorizontaux qui ont souvent été intégrés aux silhouettes pour simuler des lignes de dos, des poitrails… La disposition des sept ou huit panneaux gravés sur le pourtour de la salle ornée et la composition parfois manifeste de certains d'entre eux (panneau du Grand Taureau, panneau des Chevaux, paires de chevaux aux extrémités et au plafond du centre de la salle, etc.) confèrent une certaine cohérence à l'ensemble de la décoration. Tous les animaux de la salle sont bien visibles, hormis un lion des cavernes haut perché et caché sur une lame rocheuse du plafond faisant face au panneau du Grand Taureau.
Les gravures ne sont pas datables ; toutefois, la finesse et la précision du tracé des détails de l'avant-train de bison placé en retrait du dispositif de la salle ornée le rattachent à l'occupation magdalénienne repérée au niveau du porche. Le reste des œuvres, malgré l'absence d'indices archéologiques contextuels, témoignerait d'un décor assez homogène se rattachant à une seule période mais avec des phases successives, ce dont pourraient témoigner de rares recoupements entre figures même si la plupart ont malheureusement été endommagés lors des visites touristiques. Plusieurs hypothèses de datation fondées sur l'existence de similitudes stylistiques avec des œuvres d'autres grottes ont été formulées. Les points de comparaison les plus proches géographiquement paraissent être les plus pertinents. On retiendra, en particulier, certaines similitudes avec les représentations de la grotte Chauvet-Pont-d'Arc, datées de la période couvrant l'Aurignacien et le début du Gravettien. Ainsi, les encornures d'aurochs en double inflexion sont analogues dans les deux grottes, malgré des moyens d'expression différents : fusain pour les unes, gravure pour les autres (Gély & Azéma 2005 : 99). Enfin, même si cela est moins convaincant, des têtes de chevaux de ces deux cavités sont assez semblables.

Représentation(s) d'animal(aux)

Parmi les soixante-quatre figures animales authentiques, onze bouquetins ont été identifiés (soit 17 %), mais on rappellera le nombre élevé d'animaux indéterminés. Cette imprécision résulte du style général des œuvres ; les silhouettes, souvent partielles, sont traitées avec énergie et sans repentir. On était plus soucieux de rechercher les lignes essentielles ou l'attitude générale que de restituer les détails anatomiques (Gély et al. 2013). Les pattes sont souvent réduites à l'extrême et se terminent en « V », en « X » ou en « Y ». Dans de nombreux cas, seule l'indication d'une crinière, d'une ramure ou d'une encornure suffisamment réaliste permet l'identification spécifique des silhouettes. Ainsi, sur plusieurs figures, seule la présence de corne(s) plus ou moins enroulée(s) vers l'arrière permet de reconnaître un bouquetin. Le traitement de l'encornure suggère qu'il s'agit pour la plupart de Capra ibex. Le doute subsiste pour un grand mâle, en position verticale, situé à proximité du panneau des Chevaux. Il présente de nombreux détails : oreilles, barbiche, au moins un sabot et ses cornes éversées dont les extrémités ourlées évoquent plutôt Capra pyrenaica. Par contre, contrairement à ce qui a été publié (Chabredier 1975 : 48), la corne du bouquetin du registre supérieur du panneau du Grand Aurochs n'est pas longue et sinueuse mais courbe, comme celle de la forme alpine de l'animal.
Par leur nombre assez élevé (deuxième espèce après le cheval), les bouquetins sont présents dans tous les groupes de figures. Ils sont plus abondants au fond de la salle, sans qu'il s'agisse d'un panneau monothématique. Dans le détail, il y a deux individus dans la zone d'entrée de la salle ornée. Un grand bouquetin dressé (fig. 3) est dans une niche, à proximité du panneau des Chevaux. Les trois bouquetins du panneau du Grand Aurochs correspondent à une silhouette grotesque avec une corne démesurée recoupée par les côtes figurées sur le torse du taureau, à un grand bouquetin placé au registre supérieur et, à droite du panneau, à une silhouette dressée, limitée à la tête et au tronc. Enfin, sur les deux parois qui se resserrent à l'extrémité de la salle, se trouve la principale concentration de bouquetins. Sur la paroi gauche, le flanc d'un bouquetin trapu, nanti de trois oreilles ( !) et aux cornes déversées, est « fléché ». Sur la paroi droite, lui font face d'abord une figure très élégante, la plus célèbre de la grotte, suivi d'un profil partiel au cou étiré décrit autrefois comme un cerf, puis deux autres silhouettes complètes, l'une sortant d'un creux de la paroi et dont l'arrière-train est caché, l'autre au contraire très visible, comme enroulée autour d'une protubérance rocheuse.
La plupart des bouquetins (n = 7) sont en profil gauche. Quatre sont en profil droit et complets ; deux d'entre eux sont des boucs, le sexe étant indiqué (fig. 3). En revanche, pour les autres, seul le fort développement de l'encornure laisse penser qu'il pourrait s'agir de mâles, mais la stylisation des œuvres ne permet pas d'être catégorique. Au contraire : deux figures placées en vis-à-vis à l'entrée de la salle ornée, présentent des cornes très courtes évoquant plutôt des étagnes. On ne peut alors exclure que certains animaux de petite taille, dépourvus de cornes et classés comme des figures indéterminées soient en fait des cabris.
Du point de vue technologique, sur une même figure, l'angle d'attaque de l'outil a varié, et les traits s'amenuisent à l'extrémité des pattes. Les bouquetins ont été gravés parfois avec un outil ne produisant qu'un seul sillon (n = 2), mais plus souvent avec un silex large ou utilisé à plat et laissant deux sillons très nets (n = 5 ; fig. 3) voire plus : la largeur du trait pouvant atteindre 1 cm (n = 4). Ces ordres de grandeur se retrouvent pour l'ensemble du bestiaire.

Animal(aux) emblématique(s)

Ce bouquetin (n° 69, fig. 4) occupe le registre inférieur de la paroi du fond de la salle. Ses proportions (hauteur totale : 25,5 cm) et la maîtrise du trait en font la figure la plus célèbre de la grotte.
L'animal, qui est en profil absolu, est visible par le flanc droit. Il a une attitude dressée. La figure, qui a été moulée en 1965, exploite une surface lisse, plane et relativement dure. La silhouette ne s'appuie sur aucun élément naturel de la paroi, mais son placement tient compte d'une fissure assez large qui sépare les registres moyen et supérieur.
La construction est simple, avec une économie de traits qui donne un rendu dynamique. La réalisation a été effectuée du haut vers le bas avec intégration des membres dans les deux grandes lignes de force que sont le poitrail et le dos : cela participe à l'attitude dressée de la bête. Le profil du trait, très régulier, s'apparente à l'empreinte que laisserait un burin dièdre tenu perpendiculairement à la paroi (deux sillons au maximum pour une largeur de 1,5 mm et une profondeur d'environ 1 mm). L'encornure est tracée d'un seul jet qui se prolonge jusqu'au chanfrein. L'oreille est une petite incision. Le poitrail rectiligne est d'un seul trait (à deux sillons au départ) qui s'amenuise jusqu'à la terminaison de la patte. Le tracé de la mâchoire et l'amorce du poitrail viennent parfaire une fine tête triangulaire de 2 cm de long. La ligne de dos est d'un seul long trait ample et sinueux qui se prolonge jusqu'à représenter une croupe arrondie et fuyante, ce qui est peu caractéristique d'un bouquetin. La queue est d'un seul trait rectiligne. La partie inférieure de l'animal est elle aussi traitée à grands jets. La ligne de ventre s'infléchit très loin vers le bas pour matérialiser le membre postérieur. Le sexe est indiqué par trois petits traits convergents qui recoupent la ligne du ventre au niveau de l'aine. Enfin, sans qu'il y ait jonction avec le ventre, un trait recoupe celui du poitrail pour finir de former le membre antérieur en « X ».

Références

Chabredier 1975, Combier 1984a, Novel 1995, Gély & Azéma 2005, Gély et al. 2013.

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Citer ce document

Gély, Bernard; Prud'homme, Françoise 2022. Ebbou, grotte (Vallon-Pont-d’Arc, Ardèche, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 6 Novembre 2023, consulté le 20 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6232

Citer le document original

Gély, Bernard; Prud'homme, Françoise. Ebbou, grotte (Vallon-Pont-d’Arc, Ardèche, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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