Enval, Abri Durif (Vic-le-Comte, Puy-de-Dôme, France)

Description

À 20 km au sud de Clermont-Ferrand, le long d'un affluent de l'Allier, l'abri Durif s'ouvre dans le hameau d'Enval (commune de Vic-le-Comte), au pied d'une falaise d'arkose (fig. 1a).
Dès 1887, un érudit local y signale des ossements et des outils en silex, mais ce n'est qu'en 1929, après la découverte de nouveaux artefacts lors de travaux de construction sur la propriété de M. Durif, que la société des Amis de l'université de Clermont-Ferrand vient en constater l'existence. En 1969, au fond d'une grange adossée à la falaise, à proximité de l'emplacement des découvertes antérieures, Y. Bourdelle et J.-P. Daugas repèrent une anfractuosité comblée par un sédiment riche en vestiges. Celle-ci constitue le dernier témoin d'un abri-sous-roche dont une partie de la voûte s'est effondrée anciennement. Y. Bourdelle entreprend alors la fouille de ce secteur, ensuite désigné comme le « fond de l'abri » (Bourdelle 1979). En 1971, il étend la fouille au « sol de la grange », en avant du secteur précédent. À partir de 1977, il bénéficie de la collaboration de J.- C. Merlet (Bourdelle & Merlet 1991). En 2009, l'abri Durif suscite de nouveau l'intérêt et un programme collectif de recherche du ministère de la Culture, dirigé par F. Surmely (Angevin & Surmely 2014), est mis en place.
Les occupations de l'abri Durif sont attribuables au Magdalénien moyen ou supérieur. Les relations stratigraphiques entre les deux secteurs fouillés sont difficiles à établir, et les datations radiométriques n'ont permis de préciser ni la chronologie des occupations ni la durée de la séquence.

Iconographie

L'art mobilier et la parure de l'abri Durif constituent la série numériquement la plus importante du Paléolithique de l'Auvergne. Ils ont récemment fait l'objet d'une étude détaillée (Merlet et al. 2016) qui complète des travaux plus anciens (Pales 1979, Bourdelle & Merlet 1990). Il en ressort tout d'abord, que toutes les œuvres sont réalisées sur un support minéral, le plus souvent des plaquettes de grès. En revanche, elles témoignent d'une certaine diversité technique combinant la gravure, le champlevé et la ronde-bosse. Au total, soixante-quatre objets sont potentiellement ornés, et douze d'entre eux portent des représentations clairement figuratives. Les autres vestiges sont trop fragmentaires pour être interprétés. On décompte une quinzaine d'images animalières et humaines, dont 5 chevaux, 2 lions, 2 humains (dont une figuration féminine en ronde-bosse), 1 chat sauvage, 2 bouquetins et des figures non identifiables, car souvent réduites à des pattes. Stylistiquement, la mise en œuvre conjointe de la gravure fine et du champlevé conduit à des figurations souvent détaillées, tandis que le redoublement de certains tracés suggère le mouvement. Les superpositions entre les images sont peu nombreuses et ne s'apparentent jamais aux entremêlements de lignes que l'on connaît pour d'autres sites ayant livré des plaquettes gravées, tels que la Marche (Vienne), la Colombière (Ain) ou Gönnersdorf (Allemagne).
Au total, en dépit de la dispersion des œuvres dans la stratigraphie et entre les deux zones fouillées, l'homogénéité stylistique et la récurrence de certains motifs (abstraits et figuratifs) incitent à considérer que toutes les pièces forment un ensemble cohérent réalisé sur peu de temps par un nombre limité d'auteurs.

Représentation(s) d'animal(aux)

La série d'art mobilier d'Enval compte deux images de bouquetins, toutes deux publiées (Pales 1979, Bourdelle & Merlet 1990, Merlet et al. 2016). La première a été gravée sur une plaquette de grès et a été trouvée dans le secteur du « fond de l'abri ». Sur l'une des faces sont représentés un bouquetin complet en profil gauche et une tête de cheval. Les deux animaux partagent certains tracés (voir descriptif détaillé ci-dessous). L'autre figuration de capriné apparaît sur la plus grande plaquette ornée de la série (environ 19 cm de long dans son état actuel) et provient du secteur du « sol de la grange ». Le bouquetin est associé à deux figurations de lions. Là encore, l'image, gravée, procède d'un jeu graphique faisant intervenir des tracés d'un des lions et la rotation de la plaquette à 90o pour créer une image limitée à la tête et à l'encolure, en profil droit. Les cornes du bouquetin épousent ainsi le museau du lion, et la barbe du premier correspond à l'oreille du second. L'ajout d'un dernier trait dessine le poitrail.
Il est difficile de discuter du style de ces représentations qui pourraient relever d'une espèce d'opportunisme de la part du graveur. Il est en effet délicat de savoir si les images de bouquetins ont été conçues d'emblée ou bien si elles sont apparues a posteriori aux yeux du graveur qui les aura rendues plus explicites en les complétant de quelques traits. Les proportions des images en souffrent, comme la pertinence des détails. À l'échelle du site, les bouquetins ne présentent donc pas les mêmes qualités graphiques que l'essentiel des autres figurations (chevaux, lions ou chat sauvage). Il est difficile d'expliquer ce constat, d'autant que le bouquetin, représenté par quelques ossements au sein du gisement, était bien connu des Magdaléniens venus s'installer à Enval.
En dépit de l'indigence du corpus à l'échelle régionale, notons que les seules autres figurations de bouquetins connues à ce jour (grottes Béraud et de Tâtevin, en Haute-Loire), attribuables à un stade avancé du Magdalénien (Aulanier et al. 2016), sont souvent schématiques et ne permettent pas de véritables comparaisons.

Animal(aux) emblématique(s)

La plaquette B2 n° 1633 du « fond de l'abri » mesure environ 10 cm de long pour 6 cm de large et 2 cm d'épaisseur. Elle figure parmi les pièces étudiées par L. Pales (1979) qui en publie un relevé de M.-A. Garcia. Une face est profondément gravée de lignes inorganisées, alors que l'autre livre, en premier lieu, une remarquable tête de cheval en profil droit, combinant utilisation des reliefs naturels du support, gravure et champlevé. Un bouquetin complet, en profil gauche, s'ajoute au cheval dont il reprend certains contours. Ainsi, le front et le chanfrein du cheval deviennent-ils le dos du bouquetin, comme le museau du premier forme la croupe du second. Plus bas, sous la tête du cheval, l'artiste a nettement gravé une ligne de ventre et l'amorce d'un membre de chaque paire. La branche montante de la mandibule du cheval dessine aussi le poitrail du bouquetin dont la barbe épouse la crinière de l'équidé. Pour finir, l'artiste a gravé un chanfrein et une courte corne dont la courbure est surbaissée pour rester dans le champ de la plaquette. Un œil ovalaire ainsi qu'un possible naseau et une éventuelle oreille complètent l'image.
Au total, le bouquetin est bien caractérisé par un corps massif et des appuis un peu raides. Cependant, la tête est un peu grande par rapport au corps. Notons pour finir que le type de jeu graphique dont témoigne cette figuration, est comparable à celui qui préside à la représentation de l'autre bouquetin de la série d'Enval, alors qu'il n'est repris pour aucun autre thème figuratif du site.

Références

Bourdelle 1979, Pales 1979, Bourdelle & Merlet 1990, 1991, Angevin & Surmely 2014, Merlet et al. 2016.

Licence

Droits

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Citer ce document

Plassard, Frédéric; Merlet, Jean-Claude 2022. Enval, Abri Durif (Vic-le-Comte, Puy-de-Dôme, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Juin 2023, consulté le 25 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6233

Citer le document original

Plassard, Frédéric; Merlet, Jean-Claude. Enval, Abri Durif (Vic-le-Comte, Puy-de-Dôme, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

Collections

Coordonnées géographiques *

45.64358401348203, 3.2430522539720923

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Pays

* Pour des raisons de sécurité des sites archéologiques, les géolocalisations signalées dans la BJC pointent vers les mairies des communes considérées.