Cougnac, grotte (Payrignac, Lot, France)

Description

À environ 4 km au nord de Gourdon (Lot), sur la commune de Payrignac, la grotte de Cougnac s'ouvre au sommet de la colline qui lui donne son nom. Elle fut découverte en 1952, à la suite d'une désobstruction. Dès 1956, L. Méroc et J. Mazet (l'un des inventeurs) publient une première étude des peintures. Cependant, les recherches de M. Lorblanchet, entreprises en 1980 et poursuivies pendant trois décennies ont permis d'acquérir une connaissance approfondie du site, dont on peut lire le détail dans une publication de 2010.
Creusée dans le calcaire coniacien, la grotte a 190 m de développement et compte trois galeries. Depuis l'entrée ouverte au sud-est, la galerie principale s'étend vers le nord-ouest sur environ 100 m. Dans sa partie profonde, elle s'élargit en formant une salle sur la paroi gauche de laquelle sont rassemblées les peintures figuratives (fig. 1a et 1b). Sur la droite de cet axe principal s'ouvre, à une vingtaine de mètres de l'entrée, la galerie basse, longue de 45 m. Plus loin et sur la gauche se trouve la galerie des Aviformes qui donne accès à la salle des Colonnes.
Si le porche d'entrée et la première partie de la galerie principale ont livré des vestiges d'occupations moustériennes, il semble qu'au Paléolithique récent la grotte n'ait eu qu'un rôle de sanctuaire. Les datations réalisées (six sur des pigments pariétaux et une sur un vestige mobilier) conduisent à identifier deux périodes de fréquentation de la caverne au cours du Paléolithique récent. La plus ancienne débuterait autour de 29 000-30 000 ans cal BP. Elle correspond sans doute à l'essentiel du décor, attribuable donc au Gravettien. Deux ponctuations digitales et un métacarpien de renne découvert sur le sol de la salle des Peintures documentent une fréquentation plus récente de la grotte, entre 18 500 et 16 500 ans cal BP.

Iconographie

L'art paléolithique de Cougnac est strictement pariétal. Il compte 31 figurations animales et humaines auxquelles s'ajoutent 522 signes, pour l'essentiel des ponctuations digitales (n = 479) et quelques signes géométriques (n = 22). Au total, M. Lorblanchet dénombre 713 manifestations graphiques. L'inventaire détaillé fait ressortir la prédominance des bouquetins (n = 9), la part importante des mammouths (n = 7) et des figurations humaines (n = 5), et la présence non négligeable des cervidés (n = 7) dont plusieurs mégacéros (n = 4). Le cheval n'apparaît qu'une fois, sous la forme d'une crinière isolée, et le bison est absent. Concernant les signes géométriques, le plus remarquable est la présence de douze signes aviformes réunis dans un secteur limité de la caverne (la galerie des Aviformes) où ne se trouve aucun motif animalier. Sous l'angle technique, on retiendra la coexistence de plusieurs types de pigments (manganèse, ocres, charbons de bois et peut-être d'os) et la discrétion de la gravure (un aviforme et quelques traits dans la salle des Peintures). Si des traces anthropiques sont repérables dans toutes les galeries (témoignant d'une volonté d'exploration exhaustive des lieux), les motifs pariétaux sont concentrés dans deux secteurs principaux que sont la galerie des aviformes et la paroi gauche de la salle des Peintures.
On ne peut évoquer Cougnac sans parler de la grotte de Pech-Merle (Cabrerets, Lot) puisque les deux cavités furent sans doute ornées au cours de la même époque, comme en témoignent la présence de figurations humaines similaires et celle des signes aviformes. Ces derniers existent aussi dans la grotte du Placard (Charente) et dans la grotte Cosquer (Bouches-du-Rhône).

Représentation(s) d'animal(aux)

Comme toutes les figurations animalières de la grotte, les images de bouquetins sont rassemblées dans la salle des Peintures. Si elles sont toutes dessinées et/ou peintes, quatre sont rouges, quatre sont noires et une est de couleur bistre. Elles se répartissent à parts égales entre sujets complets (n = 3), têtes et encolures (n = 3), et encornures isolées (n = 3). Quatre sujets sont tournés vers la droite et cinq vers la gauche. Il est difficile de pousser l'interprétation zoologique ; cependant, les cornes de tous les bouquetins de Cougnac, avec une courbure simple, évoquent le bouquetin alpin. En outre, seules deux images (Lorblanchet 2010: nos 13 et 18) pourraient figurer des étagnes, quand les sept autres, avec leurs cornes bien développées, sont des mâles.
Au-delà de ces informations générales, l'étude stylistique des œuvres pariétales et les analyses chimiques des pigments utilisés autorisent quelques commentaires plus détaillés. Les quatre bouquetins rouges (nos 12, 13, 14 et 15) témoignent d'une grande cohérence stylistique et technique. On peut insister sur l'homogénéité des pigments mis en œuvre, sur la pratique d'un dessin au trait rouge localement estompé par frottis et sur le recours à des teintes plates pour la tête, voire l'encolure et les membres de certains sujets. Néanmoins, deux de ces images (nos 14 et 15) ne sont pas strictement rouges puisqu'elles ont fait l'objet, dans un second temps, d'une reprise au trait noir (poitrail du no 14 et ventre du no 15). De plus, en avant du chanfrein du numéro 15, et parallèlement à lui, se trouve un fin trait noir sinueux.
La série de bouquetins noirs est stylistiquement moins homogène. Le sujet no 5 est une petite figuration, en profil gauche, dépourvue de détails et réduite à une tête triangulaire avec un cou épais et des cornes en ligne simple. Les trois autres images de cette couleur sont des encornures isolées : deux évoquent des mâles aux cornes très développées (nos 17 et 27), tandis que la troisième (no 18), dotée d'une seule corne, fait plutôt penser à une étagne.
Reste la figuration de couleur bistre (no 16). Il s'agit d'une image de taille réduite, très stylisée. Une ligne dessine une corne, le chanfrein, le dessous de la tête et l'amorce du poitrail, tandis qu'une autre figure la seconde corne et l'encolure.
Dans l'ensemble, ces images sont plutôt statiques et dépourvues de détails internes (l'œil n'est jamais indiqué). Les cornes sont figurées sans effet de perspective, et lorsque les membres sont indiqués, un seul de chaque paire est dessiné.
Seul thème à apparaître d'un bout à l'autre de la grande frise de la salle des Peintures, le bouquetin est tantôt associé aux autres thèmes de la frise (mégacéros, mammouth, cheval, cervidé, homme blessé, nos 5, 12 et 27), tantôt à d'autres sujets de son espèce (nos 13 et 14, 15 et 16, 17 et 18).

Animal(aux) emblématique(s)

Situé dans la partie centrale de la grande frise de la salle des Peintures, le bouquetin no 15 est tout à fait représentatif de l'art de Cougnac. C'est une image en profil droit, de 50 cm de longueur, figurant un animal complet. Une patte de chaque paire est indiquée, ainsi que deux cornes en demi-cercle. La queue, légèrement relevée, est placée un peu bas sur la fesse. L'image est, pour l'essentiel, dessinée en rouge : la tête est faite d'un aplat rouge, et la partie antérieure du ventre d'une ligne brun noir peu visible. En outre, les pattes utilisent des draperies, dont la forme a été rectifiée, et gagnent ainsi en relief.
Une analyse physico-chimique du pigment rouge (prélèvement sur la tête) montre de fortes similitudes entre ce pigment et une nappe d'ocre préservée au pied de la paroi ornée, impliquant sans doute l'utilisation de cette « réserve » de matière colorante pour la réalisation des peintures. Néanmoins, la ligne de ventre comme une ligne noire en avant de la tête et parallèle à celle-ci suggèrent que cette image, qui appartient à la phase initiale du dispositif pariétal, a fait l'objet, dans un second temps, d'un réinvestissement graphique et probablement symbolique. Ce type d'observation concerne d'ailleurs de nombreuses images à Cougnac (Lorblanchet 2010). C'est aussi ce que suggèrent tant la présence, à gauche du bouquetin, d'une autre représentation de la même espèce de couleur bistre (no 16) que les nombreux tirets digitaux associés à cette image majeure du sanctuaire.
La situation de ce bouquetin sur la paroi relève manifestement d'un véritable choix qui conduit à ce que l'image soit visible depuis la zone centrale de la salle, à travers un cadre naturel constitué de deux colonnes stalagmitiques que les Préhistoriques ont maculées d'ocre rouge, créant ainsi une scénographie remarquable.

Références

Méroc & Mazet 1956, Lorblanchet 2010.

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Citer ce document

Plassard, Frédéric 2022. Cougnac, grotte (Payrignac, Lot, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Juin 2023, consulté le 18 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6235

Citer le document original

Plassard, Frédéric. Cougnac, grotte (Payrignac, Lot, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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44.80346399771617, 1.3960254691742284

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