Combarelles, grotte (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne, France)

Description

Située sur la commune des Eyzies, en Dordogne, la grotte des Combarelles s'ouvre au fond d'un petit vallon, adjacent à la vallée de la Beune. C'est la mise en place de cette combe qui a recoupé le réseau karstique, formant le porche d'entrée à partir duquel se développent deux galeries (fig. 1a). Vers la gauche, Combarelles I (et son prolongement, Combarelles III, encore actif) forme la partie amont du réseau, tandis qu'à droite se développe Combarelles II. Le système karstique compte une autre cavité ouverte sur une terrasse qui borde le vallon : la grotte Rey. Depuis le porche, la galerie de Combarelles I se développe sur environ 400 m et est régulièrement scandée de virages à 90° ou à 180°. Le couloir est globalement étroit (1 m à 1,50 m de large) et d'une hauteur comprise entre 1 et 2 m (le sol a été largement décaissé au xxe siècle pour permettre les visites). La zone ornée s'étend entre 70 et 240 m de l'entrée.
Dès 1892, É. Rivière entreprend des fouilles sous le porche et dans la galerie de droite (Combarelles II), puis s'intéresse à la grotte Rey. Ces travaux lui fournissent des vestiges d'occupations attribuables au Moustérien, au Solutréen, et au Magdalénien moyen et supérieur (à Combarelles, seulement). On notera que la pratique du tamisage (au moins partiel) a permis la découverte de nombreux objets de parure, ainsi que d'art mobilier sur os comme une omoplate gravée, des rondelles et une spatule en forme de poisson (Rivière 1894, 1906).
Ce n'est cependant que le 8 septembre 1901 que L. Capitan, H. Breuil et D. Peyrony en découvrent le décor. Cette invention, après celle de La Mouthe, et quelques jours avant la découverte des œuvres de Font-de-Gaume, a constitué une étape importante dans la reconnaissance de l'art pariétal paléolithique. En 1934, la désobstruction de Combarelles II a conduit à la découverte d'un autre ensemble pariétal tandis qu'en 2005, une nouvelle exploration du secteur actif, en amont de Combarelles I, a permis l'identification d'un troisième locus orné : Combarelles III (Cleyet-Merle et al. 2016).
Une première monographie de Combarelles I a été publiée en 1924 par les inventeurs, tandis qu'une autre (Combarelles I et II) a été l'œuvre de C. Barrière en 1997.

Iconographie

Globalement, l'art des Combarelles, essentiellement gravé, fait la part belle au cheval, au bison et au mammouth. Chaque locus offre néanmoins des originalités, comme la présence exceptionnelle d'une figuration de saïga à Combarelles II, ou la place prépondérante du mammouth à Combarelles III. Combarelles I est l'ensemble le plus riche et le seul à livrer des figurations certaines de bouquetins. Nous limitons donc notre présentation à ce locus.
À Combarelles I, on compte environ 280 figurations animales déterminables parmi lesquelles le cheval domine largement (n = 141), accompagné par le bison (n = 38), le mammouth (n = 24) et les cervidés (n = 21). Les autres représentations couvrent un spectre varié : aurochs (n = 4), bouquetin (n = 8), rhinocéros (n = 1), félin (n = 3), ours (n = 7), et plusieurs dizaines d'indéterminées auxquelles s'ajoute une quarantaine de représentations anthropomorphes dont des figurations féminines schématiques (Archambeau M. & Archambeau C. 1991). D'un point de vue technique, la gravure domine largement, accompagnée du dessin (ou de la peinture) noir au manganèse et de quelques motifs rouges. Les images noires, mal conservées, ont longtemps été peu considérées ; C. Barrière leur a cependant consacré une étude spécifique (Barrière 1997). Récemment, elles ont fait l'objet de nouvelles investigations, confirmant notamment l'utilisation conjointe du dessin et de la gravure (Man-Estier et al. 2016).
Bien qu'on puisse identifier des motifs pariétaux dès 70 m de l'entrée, c'est à environ 150 m du porche que le décor se densifie assez brutalement (segment VI, fig. 1b). Il occupe les deux parois, presque en continu jusqu'au fond du secteur X (à environ 240 m de l'entrée). A. Leroi-Gourhan, étudiant la répartition des images dans le couloir, en a fait l'une des grottes (avec Le Portel et Covalanas) à partir desquelles il a proposé un modèle de répartition et d'association volontaire des images (1965). L'art de Combarelles est rapportable au Magdalénien moyen et supérieur, sur la base du style et des choix iconographiques. La présence de signes tectiformes, de mammouths, de rennes et d'un rhinocéros crée une parenté, souvent soulignée (Plassard 2005), avec Font-de-Gaume, Rouffignac, Bernifal et La Mouthe, autorisant une attribution au Magdalénien moyen récent. Cependant, il est très vraisemblable qu'une partie du décor (dont les figurations féminines schématiques) documente le Magdalénien supérieur.

Représentation(s) d'animal(aux)

En additionnant les inventaires issus de deux monographies (Capitan et al. 1924, Barrière 1997) qui ont été consacrées au site, le nombre des bouquetins identifiés s'élève à douze. Tous ne sont pas vus par les mêmes auteurs ni relevés de la même manière. Un réexamen des parois nous a permis d'en retenir huit. Ils sont répartis dans l'ensemble du dispositif pariétal (secteurs VI, VIII et IX de C. Barrière, dont nous utilisons les numéros d'inventaire). De manière générale, ils sont plutôt détaillés et bien identifiables avec leurs grandes cornes recourbées qui atteignent – voire dépassent – la ligne dorsale. Les têtes triangulaires sont trapues et souvent complétées d'un gros œil et d'une oreille fichée en arrière de la corne. Seuls deux animaux sont complets, les autres n'étant représentés que par un protomé ou une tête. On signale également la présence d'une représentation d'un possible jeune bouquetin, aux cornes peu développées. Tous, sauf un, sont exclusivement gravés. Le dernier (voir ci-dessous) combine dessin et gravure. Profils droit et gauche sont équitablement répartis avec quatre sujets de chaque côté.
Le premier individu (VIG32) est situé sur un registre bas en paroi gauche de la zone VI, au début des grandes densités de représentations. Il s'agit d'un protomé peu détaillé. On reconnaît une petite tête trapue et deux cornes étirées vers le haut. Le port de tête et la forme triangulaire de l'avant-train permettent la détermination. À peine plus loin, mais sur la paroi opposée, se trouve une tête finement gravée aux grandes cornes qui recoupent la ligne de dos (VID53). Ce sujet est associé à un grand bison et à un cheval auxquels il se superpose.
C. Barrière voit un cervidé dans la figure VIIID83 alors que H. Breuil la décrit comme une « jolie tête de bouquetin jeune ou femelle » (1924 : 36). Nous suivons ce dernier auteur et retenons l'hypothèse d'un jeune bouquetin, à la tête trapue complétée d'un gros œil en amande. Ses cornes sont peu développées mais, à nouveau, la forme de l'avant-train permet de soutenir cette détermination. Dans le même secteur, une autre tête de bouquetin (VIIIG84) est localisée en paroi gauche. Cette fois, les deux cornes, longues, sont faiblement arquées. C. Barrière relève sous le museau un petit tectiforme. Ce sujet est associé au grand panneau qui réunit une grande biche et une série de petits bisons.
Enfin, quatre individus sont regroupés dans un ensemble complexe situé vers la fin du dispositif, à proximité de l'ours et du « renne buvant » (secteur IX). L'animal principal (IXD123), complet, est placé en hauteur, tourné vers la droite, au centre du panneau. Il est peint et gravé (voir le bouquetin emblématique ci-dessous). Deux bouquetins situés en profil gauche sont placés dans un registre inférieur, sous chaque paire de membres. L'animal IXD118, à gauche, est limité à l'avant-train, en position presque oblique. Sa tête est courte, avec un large œil triangulaire et ses cornes sont recourbées jusqu'au garrot. Une patte antérieure est identifiable. Devant lui, IXD121 est complet. Son corps évoque autant le bouquetin que le cheval, mais ses cornes étirées vers l'arrière nous confirment la lecture. En hauteur, de l'autre côté du grand individu principal, la figure IXD124 pourrait être un quatrième bouquetin, limité à une corne en arc de cercle et à une ligne dorsale, éventuellement complétée d'une tête très sommaire.
Ces quatre derniers sujets, ainsi que le VID53, présentent de fortes similitudes stylistiques entre eux et avec d'autres bouquetins des grottes magdaléniennes du bassin versant de la Vézère. On pense particulièrement aux bouquetins de Rouffignac et à celui de la salle de la Hutte de la grotte de La Mouthe. Tous partagent des cornes très arquées qui recoupent parfois la ligne du dos et le dessin d'un poitrail assez haut, évoquant des animaux bien campés sur leurs antérieurs. Le cadrage, limité souvent à des protomés, accentue d'ailleurs cette impression qui rappelle également une plaquette gravée du gisement de Limeuil. Les ressemblances les plus marquées concernent le sujet IXD118 et les sujets 79 et 113 de Rouffignac.

Animal(aux) emblématique(s)

Le bouquetin IXD123, placé au centre du panneau décrit ci-dessus, est particulièrement intéressant pour son caractère détaillé et sa technique mixte. Il est représenté presque entièrement : tête triangulaire, poitrail vertical, corps massif, arrière-train rebondi et quatre membres. Ses cornes sont très arrondies et se terminent en pointe contre son garrot. Tous les contours ont été gravés dans un premier temps par un raclage superficiel de la paroi. Des tracés noirs, peut-être réalisés au doigt, sont ensuite venus compléter le train avant de l'animal dont les contours ont été repassés. La tête a également été complétée par trois traits obliques, suggérant la joue. Dans un troisième temps, l'artiste a gravé finement quelques détails, comme le contour du museau, et repris d'autres lignes, à l'image de la nuque, dont la dernière gravure est venue en partie effacer la couleur antérieure.
Les représentations en technique mixte sont exceptionnelles dans la grotte des Combarelles I. Son emploi ici suggère le caractère majeur de cette image, située dans une zone particulièrement dense du décor et entourée de congénères. Ainsi, malgré le faible nombre d'individus représentés dans la cavité, on ne peut conclure qu'il s'agirait d'un thème sans importance. La place des bouquetins dans ce panneau, et celle de ce sujet en particulier, rappelle le rôle de ce thème sur le Grand Plafond de Rouffignac. Dans les deux cas, on constate une composition complexe où le bouquetin tient une place spectaculaire – à défaut d'être numériquement prépondérante –, alors qu'il est marginal, voire absent, dans le reste du décor de la cavité.

Références

Rivière 1895, 1907, Capitan et al. 1924, Leroi-Gourhan 1965, Archambeau M. & Archambeau C. 1991, Barrière 1997, Plassard 2005, Cleyet-Merle et al. 2016, Man-Estier et al. 2016.

Licence

Droits

L’ensemble des textes et des images déposés dans la Base Jean Clottes (BJC) sont soumis au droit d’auteur et sont, à ce titre, protégés par les droits de propriété intellectuelle. Toute demande d’utilisation totale ou partielle des textes ou des images doit être soumise au conseil scientifique qui transmettra aux auteurs. Toute utilisation sans accord et citation des auteurs est passible de poursuites judiciaires. Les références doivent être citées comme suit.

Citer ce document

Paillet, Elena; Plassard, Frédéric 2022. Combarelles, grotte (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 7 Janvier 2024, consulté le 27 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6236

Citer le document original

Paillet, Elena; Plassard, Frédéric. Combarelles, grotte (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

Collections

Coordonnées géographiques *

44.936277307738116, 1.0121909000000002

Nom du site

Commune

Département / Région

Pays

* Pour des raisons de sécurité des sites archéologiques, les géolocalisations signalées dans la BJC pointent vers les mairies des communes considérées.