Lascaux, grotte (Montignac, Dordogne, France)
Description
Découverte en 1940, la grotte de Lascaux, peut-être le plus célèbre des sites ornés au monde, s'ouvre dans le calcaire coniacien, sur la commune de Montignac, un peu à l'écart des sanctuaires paléolithiques concentrés autour des Eyzies et dans la vallée des Beunes.
Implanté non pas à flanc de falaise, mais sur un versant lissé, le porche devait être très discret au Paléolithique récent, alors qu'existait sans doute une seconde entrée, colmatée aujourd'hui. Elle fait partie des premiers sites d'art pariétal classés au patrimoine mondial de l'UNESCO, en 1979.
Il s'agit d'une cavité peu profonde, de 250 m de développement total (fig. 1a et b). La Salle des Taureaux, en forme de rotonde (17 m par 6 m), est le premier espace d'entrée ; un bandeau haut médian reçoit des peintures monumentales d'aurochs, de chevaux et de cerfs. Le Diverticule Axial se déploie sur 20 m depuis le fond de cette salle, poursuivant l'ornementation dans la zone plafonnante. Une autre galerie s'ouvre sur la droite de la première salle, subdivisée en une première zone basse, le Passage (17 m de long), puis un espace circulaire, l'Abside (10 m de diamètre), au fond de laquelle s'ouvre le Puits (8 m de profondeur) ; la Nef d'une douzaine de mètres fait suite à l'Abside pour se rétrécir ensuite en un long boyau peu praticable : la Galerie du Mondmilch, suivie du Diverticule des Félins.
Outre l'art pariétal, un mobilier plutôt abondant, bien que sans aucun doute lacunaire, a été recueilli à la hâte lors des aménagements devant préparer les visites ou à la faveur des fouilles, plus méthodiques – mais hélas ponctuelles – de H. Breuil, S. Blanc et M. Bourgon (1949), puis de A. Glory de 1959 à 1962. Un seul niveau archéologique est attesté : il a livré une industrie osseuse et lithique homogène vraisemblablement issue d'une phase ancienne du Magdalénien (Leroi-Gourhan & Allain 1979, Glory 2008 ; PCR LAsCO S. Ducasse et M. Langlais dir., en cours). De nombreuses lampes, des palettes, des crayons ou des nodules d'ocre, des charbons, ont été observés ou prélevés au cours des visites, mais leur contexte rarement documenté. Quelques os et charbons ont fait l'objet de datations (dont les échantillons pionniers de la méthode du 14C), dont certaines vieillissent le diagnostic archéologique (par exemple, un fragment de sagaie du Puits a donné 18 930 ± 230 BP (GifA-101110), soit 22 848 ± 270 cal BP ; Valladas et al. 2013) mais seraient en correspondance avec l'analyse stylistique des œuvres proposant le Solutréen supérieur (Aujoulat 2004). Les dernières datations sont en accord avec les vestiges (Ducasse & Langlais 2019).
Iconographie
Dire qu'il est exceptionnel est une banalité nécessaire. Exceptionnel par sa richesse, près de 2 000 occurrences graphiques sont répertoriées par A. Glory et N. Aujoulat, sur un développement linéaire plutôt modeste – équivalent à celui de Font-de-Gaume ou des Combarelles, sites voisins majeurs (mais non contemporains) –, l'art de Lascaux est produit par des techniques variées, souvent combinées (gravures, dessins, peintures projetées ou appliquées, polychromies, etc.), qui sont bien sûr tributaires de la grande variabilité de la nature et des états de surface du support rocheux.
Cette riche iconographie, quoiqu'inégalement répartie selon les secteurs – près de la moitié du décor se concentre dans l'Abside (environ 6 % de la surface totale) –, surprend par sa densité. La topographie en encorbellement produit chez le visiteur un effet d'enveloppement par les motifs peints ou gravés dont l'omniprésence confine à la saturation.
Exceptionnel également par son bestiaire : à côté de signes souvent élaborés (22 % du corpus), les principaux animaux déterminables (n = 605) – chevaux majoritaires (60 %, soit n = 364) suivis des cerfs (15 %, soit n = 90) puis des bovinés (aurochs 4,6 %, bisons 4,3 % et 51 figures non attribuées, ni à l'un ni à l'autre) – sont ceux d'une faune plus tempérée que celle présente au dernier maximum glaciaire dans la région ou que celle recueillie dans la grotte où figurent de nombreux restes de rennes. Notons d'ailleurs que cet animal n'est figuré qu'une fois. Une origine de ces thématiques au sud des Pyrénées n'est pas à exclure. Les animaux peu représentés (le félin avec 1,2 %, soit n = 7), voire uniques (ours, rhinocéros, oiseau ou même l'homme…), se trouvent « cachés » soit par de plus grandes figures, soit dans des lieux reculés.
Si A. Glory avait déjà observé les chronologies relatives du dispositif pariétal, N. Aujoulat en a offert une autre lecture. Confirmant que les chevaux ont été placés en premier, suivis des aurochs puis des cerfs, il propose que chaque espèce ait été figurée dans la livrée correspondant à sa saison de rut : printemps pour les équidés, été pour les bovinés et automne pour les cervidés. Les œuvres évoqueraient ainsi les rythmes saisonniers et pourraient suggérer le cycle de la vie.
Représentation(s) d'animal(aux)
Absents de la Salle des Taureaux, les bouquetins sont omniprésents dans les fins de galeries. Au nombre d'environ 35, soit 7 % (Leroi-Gourhan 1979), ils sont rarement isolés et interviennent en accompagnement d'autres ongulés, remplaçant dans ce rôle les cervidés. Ils sont aussi, à plusieurs reprises, superposés au cheval dont la figuration est toujours antérieure. Très polymorphes dans leur représentation, à l'image de la richesse de l'iconographie de Lascaux, ils sont gravés, ou peints et gravés, et uniquement peints pour deux exemplaires. Ils sont le plus souvent évoqués sous forme de protomé. Lorsqu'il est représenté complet, le bouquetin est dans ce cas stylisé, sans toutefois exclure l'abondance de détails anatomiques facilitant la détermination spécifique, telle l'encornure harmonieusement accentuée qui relève pour certaines images d'un « naturalisme augmenté ». Si l'on s'en tient aux dimensions des cornes, il semble qu'à l'instar des cerfs de Lascaux (Aujoulat 2004, Averbouh & Feruglio 2016), on ait souhaité évoquer la composante mâle de ce thème.
Les conventions de représentations ne détonnent pas de l'ensemble du figuratif de la cavité : les bouquetins sont massifs, à la tête sous-dimensionnée, triangulaire, ressemblant beaucoup à celle des cervidés. Les deux cornes sont dissociées, leur longueur est exagérée, leur courbure alpine et les anneaux sont parfois indiqués. Un œil ovalaire est l'unique concession aux détails internes. Des oreilles pointues accompagnent les cornes, parfois de part et d'autre, parfois seulement en arrière. Les compositions choisies sont celles de l'affrontement (voir bouquetins emblématiques) ou de la frise, comme le montre le Panneau des Bouquetins (fig. 3). Celui-ci regroupe, séparés par un signe quadrangulaire, quatre protomés rouges surgravés, puis trois autres de couleur plus sombre, tous de profil gauche, dirigés vers la sortie de la galerie. Une éventuelle tête de biche est associée au second groupe de caprinés. Cette association se retrouve dans le Diverticule des Félins, celle du signe quadrangulaire se rencontre dans le Diverticule Axial.
Animal(aux) emblématique(s)
Ce sont les seuls bouquetins participant aux grandes fresques peintes de la première partie de la cavité dans le Diverticule Axial (fig. 4). Ils figurent dans la partie gauche du Panneau de la Vache Tombant. Ce long bandeau étiré horizontalement sur plus de 7 m est dominé par une grande vache bichrome particulièrement animée, accompagnée d'une théorie de chevaux rouges, rouge et noir, jaunes ou noir et jaune peints en file ou en amas. Les deux caprinés quant à eux s'affrontent, dans une attitude naturelle très similaire au panneau sculpté du Roc de Sers appartenant au Solutréen – un argument qui a aussi été avancé pour conforter la position chronologique du sanctuaire sur cette culture (Aujoulat 2004) –, de part et d'autre d'un signe quadrangulaire rouge. Ce panneau renferme la plus grande variété chromatique de la grotte tout en ayant recours à une technique unique : la pulvérisation. Les bouquetins n'y échappent pas, leur contour est fait de juxtapositions de taches soufflées. Chaque pulvérisation est précisée par l'usage systématique du pochoir, dont la forme incurvée a permis de suggérer, par exemple, les nodosités des encornures. La couleur des deux animaux est différente : celui de gauche est réalisé au noir de manganèse tandis que celui de droite, le plus complet, l'est à l'ocre jaune (Aujoulat 2004). Le premier, sans pattes, n'en est pas moins expressif : en quelques lignes – six au total – très suggestives et très fortes, l'artiste propose un tracé particulièrement concis, suggérant suffisamment d'éléments (on peut ressentir le décroché de la barbiche) pour permettre l'identification immédiate du sujet et accentuer l'aspect ramassé de sa silhouette en traduisant à merveille la puissance de l'animal. Malgré la technique employée qui n'autorise pas l'indication de fins détails, le second bouquetin a ses quatre pattes distinctes et une ligne ventrale dédoublée en deux convexités opposées, pour indiquer peut-être une variation de la coloration du pelage. Ce diptyque des bouquetins affrontés constitue le témoignage particulièrement probant d'un véritable langage graphique.
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Citer ce document
Aujoulat, Norbert; Cleyet-Merle, Jean-Jacques; Feruglio, Valérie 2022. Lascaux, grotte (Montignac, Dordogne, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir.
Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire,
"Dossier Bouquetin",
mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Mai 2024, consulté le 3 Décembre 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6237
Citer le document original
Aujoulat, Norbert; Cleyet-Merle, Jean-Jacques; Feruglio, Valérie.
Lascaux, grotte (Montignac, Dordogne, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir.
Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire,
2022, 654 p.