La Madeleine, abri (Tursac, Dordogne, France)

Description

Sur la commune de Tursac, le Grand abri de la Madeleine s'ouvre sur la rive droite de la Vézère. Creusé au pied d'une vaste falaise de 35 m de haut, il constitue un site essentiel dans la connaissance des phases les plus récentes de sa culture éponyme, le Magdalénien. Découvert dans la seconde moitié du xixe siècle, il est fouillé à partir de 1863 par É. Lartet et H. Christy qui en dégagent la zone centrale. Parmi les milliers d'objets mis au jour, ils découvrent la gravure d'un mammouth sur ivoire de mammouth qui jouera un rôle fondamental dans la reconnaissance de l'ancienneté de l'homme préhistorique et de sa contemporanéité avec les espèces fossiles (Lartet & Christy 1865-1875, Paillet 2010). À partir de 1910, D. Peyrony poursuit la fouille du gisement en travaillant à la fois dans les niveaux en place et dans les déblais (Capitan & Peyrony 1928). Ses lectures stratigraphiques lui permettent de démontrer la succession des horizons culturels de la fin du Magdalénien qu'H. Breuil avait subdivisé en Magdalénien III, IV, V et VI. À la fin des années 1960, une équipe de l'université de Bordeaux dirigée par J.-M. Bouvier reprend une étude sur le terrain dans la zone est. L'objectif est de mieux comprendre la succession des occupations et de préciser leur attribution (Bouvier 1977).
Il reste aujourd'hui de nombreuses questions sur le statut du site de la Madeleine. S'agit-il d'un véritable site d'agrégation ou d'un palimpseste de multiples occupations saisonnières réitérées dans le temps ? Les études fauniques ont souligné l'existence de plusieurs périodes d'habitat des activités et des stratégies de chasse différentes, ce qui a été confirmé par les quelques dates radiocarbone réalisées comprises pour les niveaux magdaléniens entre 13 440 ± 300 BP (Ly-922), soit 16 211 ± 449 cal BP et 12 640 ± 260 BP (Ly-919), soit 14 911 ± 459 cal BP. La présence de plusieurs structures, comme des empierrements et de nombreux foyers, celle d'au moins une sépulture et les centaines d'œuvres d'art attestent en tout cas du rôle majeur joué par le Grand Abri de la Madeleine durant la seconde moitié du Magdalénien.

Iconographie

Le Grand Abri de la Madeleine a livré une série inégalée d'œuvres d'art mobilier provenant de l'ensemble des horizons culturels. L'ancienneté et la multiplicité des fouilles ont cependant entraîné une importante dispersion des collections, ce qui rend presque impossible l'établissement d'un inventaire précis. L'essentiel des pièces connues (et publiées) est rassemblé dans trois institutions : le musée d'Archéologie nationale, à Saint-Germain-en-Laye, le musée national de Préhistoire, aux Eyzies, et le British Museum, à Londres. Le corpus est composé à la fois de pièces sur des supports lithiques (blocs calcaires de dimensions variées) et d'objets en matières dures animales (pour l'essentiel, os, bois de renne, ivoire de mammouth). Il s'agit autant d'armes et d'outils décorés (pointes de sagaies, baguettes demi-rondes, outils intermédiaires, propulseurs, bâtons percés…) que de déchets de fabrication. À la Madeleine, tous les supports disponibles semblent donc avoir été utilisés dans une production artistique exceptionnelle (Man-Estier 2014). De fait, par leurs qualités techniques et expressives, certaines pièces sont mondialement connues : le « Bison se léchant le flanc », ronde-bosse sculptée et gravée sur une palme de bois de renne ; fragment de propulseur en ivoire dit « l'hyène » ; ou encore les très nombreux chevaux macrocéphales dont le site pourrait être le centre de production principal.

Représentation(s) d'animal(aux)

Le bestiaire de la Madeleine est particulièrement dense et varié, avec une prédominance des chevaux et des bisons. Les représentations de bouquetins sont extrêmement rares puisque moins de cinq individus sont connus. Dans les fouilles du xixe siècle, des profils gravés sur deux petites pièces osseuses pourraient évoquer cet animal. D. Peyrony signale quant à lui deux têtes de bouquetins sur un fragment d'os, mais le relevé qu'il en donne est plus convaincant que la pièce elle-même. Le seul bouquetin véritablement caractéristique provient des fouilles de J.- M. Bouvier.

Animal(aux) emblématique(s)

Il s'agit d'une tête de bouquetin gravée sur une côte de renne (fig. 2). Ce fragment osseux mesure 6,5 cm de longueur et 1,8 cm de hauteur. Les deux extrémités sont cassées, et la fracture a emporté la partie arrière de la tête de l'animal ainsi que ses cornes.
On reconnaît toutefois une tête en profil gauche, appuyée contre le bord inférieur du support. Elle est légèrement relevée vers le haut. Du bouquetin, on retrouve le museau épais et court, et le bourrelet orbital. En arrière, après une légère interruption des traits, on remarque le départ d'une corne épaisse. Elle est complétée par un autre motif allongé que l'on pourrait identifier comme l'oreille de l'animal. Sur la tête, plusieurs détails anatomiques ont été gravés. L'œil est noté par deux tracés formant un motif angulaire ; le naseau, par une légère incision comme la gueule. Le pelage est également indiqué. Il est traité par deux séries de hachures obliques bien marquées.
À l'avant de l'animal, un ensemble de tracés pourrait être lu comme une représentation de son souffle. Cette interprétation, plausible, fait écho à d'autres images, notamment à la Madeleine, où des têtes animales (chevaux, ours) sont complétées par des motifs linéaires plus ou moins complexes. Cette association permet donc d'inclure parfaitement cette petite tête caprine au sein du répertoire iconographique du site, malgré le caractère presque unique du thème.

Références

Lartet & Christy 1865-1875, Capitan & Peyrony 1928, Bouvier 1977, Paillet 2010, Man-Estier 2014.

Licence

Droits

L’ensemble des textes et des images déposés dans la Base Jean Clottes (BJC) sont soumis au droit d’auteur et sont, à ce titre, protégés par les droits de propriété intellectuelle. Toute demande d’utilisation totale ou partielle des textes ou des images doit être soumise au conseil scientifique qui transmettra aux auteurs. Toute utilisation sans accord et citation des auteurs est passible de poursuites judiciaires. Les références doivent être citées comme suit.

Citer ce document

Paillet, Elena 2022. La Madeleine, abri (Tursac, Dordogne, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Juin 2023, consulté le 24 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6239

Citer le document original

Paillet, Elena. La Madeleine, abri (Tursac, Dordogne, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

Collections

Coordonnées géographiques *

44.9691479, 1.044908

Nom du site

Commune

Département / Région

Pays

* Pour des raisons de sécurité des sites archéologiques, les géolocalisations signalées dans la BJC pointent vers les mairies des communes considérées.