Raymonden, abri (Chancelade, Dordogne, France)

Description

Sous le nom de Raymonden sont en réalité regroupés deux locus diversement célèbres. Le premier site (Raymonden nord) a fait l'objet de fouilles pionnières dès 1874. Son couloir – exploité plus tardivement par L. Mercier – a, dans les années 1930, livré une séquence allant du Moustérien à l'Aurignacien avec deux niveaux de Châtelperronien. La présence du Magdalénien y a également été relevée.
La séquence magdalénienne est en revanche particulièrement bien présente dans le second locus, l'abri classique, situé à environ 500 m au sud, aujourd'hui en bordure de la route départementale. Il a été exploré dès 1880 par M. Hardy et M. Féaux qui ont dégagé sur la terrasse supérieure, au-dessus de la nappe phréatique, quatre niveaux de Magdalénien moyen et supérieur avec un outillage caractéristique, de la baguette demi-ronde au burin bec-de-perroquet*.
Un demi-siècle plus tard, L. Didon et l'abbé J. Bouyssonnie (1928-1929), puis A. Cheynier, fouillent la terrasse inférieure dont la séquence documente le Magdalénien avec, notamment, ses niveaux à raclettes et son épisode à saïga.
Au total, les deux terrasses présentent une stratigraphie théorique qui pourrait être mise en parallèle avec celles de Laugerie-Haute et Laugerie-Basse. Elles constituent une sorte de synthèse de la séquence magdalénienne, de la phase à raclettes au Magdalénien à harpons, voire au-delà puisque l'on peut discerner, d'un point de vue strictement typologique, une présence azilienne.
Aussi essentiel que puisse paraître l'abri classique de Raymonden, les perspectives d'étude moderne du mobilier sont assez mitigées. Le matériel peut être perçu comme abondant à l'aune des fouilles anciennes : des milliers de pièces lithiques (sans doute sur-sélectionnées) incluant de très nombreux « fossiles directeurs », ajoutés à environ 400 éléments d'industrie osseuse souvent décorés, et à une expression symbolique avérée sous la forme d'éléments de parure, d'une sépulture, et d'une dizaine d'objets d'art mobilier conséquents, mais stratigraphiquement non repérés.
Par chance, la sépulture d'adulte découverte par M. Féaux en 1888 est au contraire assez bien datée, puisque située à la base du remplissage de la terrasse supérieure (Magdalénien III). L'individu, largement ocré, reposait en flexion forcée sur le côté gauche (Testut 1889). L'ensemble est bien conservé, mais les conditions de fouilles ne permettent pas de se prononcer sur la présence probable de mobilier funéraire. Le crâne, mal reconstruit, a subi une restauration abusive qui lui a conféré des caractéristiques eskimoïdes à l'origine de bien des débats passionnés. Les études plus récentes confirment un Homo sapiens sapiens, qui présente des affinités avec ses contemporains d'Europe de l'Est, légèrement divergeant des individus plus anciens tels que Cro-Magnon.

Iconographie

Si quelques vestiges pariétaux auraient été repérés sur la paroi sous la forme d'une possible ligne cervico-dorsale sculptée, c'est avant tout par son art mobilier que l'abri de Raymonden est connu. Largo sensu, il comprend tout d'abord des éléments d'industrie osseuse à décors géométriques variés dont certains motifs peuvent suggérer la stylisation de thèmes animaliers. L'art mobilier comporte une dizaine de pièces importantes, voire exceptionnelles, mais dépourvues d'origine stratigraphique. Un premier survol bibliographique des publications anciennes laisse entrevoir un bestiaire pour le moins original : hirondelle, esturgeon, myriapode, insectes, pingouins, etc. ! mais peu convaincant. Plus sérieuse est, en revanche, la pendeloque représentant un bison démembré, dont il ne reste que la tête, deux pattes et la colonne vertébrale, entouré de sept humains (ou anthropomorphes) – œuvre hautement symbolique récemment réinterprétée (Soubeyran 1994). Le bestiaire est complété par des pièces plus classiques comme une rondelle comportant un mammouth sur chaque face, plusieurs chevaux barygnathes, un bâton perforé portant une tête de cervidé, des queues de poisson, plusieurs caprinés de face et un signe ramifié. Plusieurs objets portent des signes, dont des zigzags, des losanges accolés, des signes barbelés. Les chevaux barygnathes et les caprinés en vision frontale sont caractéristiques du Magdalénien supérieur.

Représentation(s) d'animal(aux)

Le thème du bouquetin apparaît en conséquence, avec sept voire huit entités graphiques, plutôt sur-représenté par rapport à ce corpus d'une vingtaine de sujets. Il se répartit sur trois supports (F806, A2105 et F470), conservés au MAAP de Périgueux. Ne nous y trompons pas, il s'agit essentiellement d'animaux incomplets, bénéficiant souvent d'un traitement rapide et simplifié, réduits au mieux au protomé et au pire hyper schématisés, qui ne confortent pas vraiment la primauté de ce taxon.
La plus discutable est celle du pingouin identifié par M. Féaux sur un bâton perforé fragmentaire (A2105) extrait des déblais de fouilles. Une autre hypothèse, émanant de l'abbé A. Glory et reprise par M. Soubeyran (1966), propose de reconnaître une « peau animale étalée pour séchage et raclage ». La plus plausible, soutenue par l'abbé H. Breuil, voit à la place d'un bec de pingouin la stylisation d'un bouquetin aux deux longues cornes annelées.
Le support F806 est un autre bâton perforé en bois de renne, dont l'intégrité a été conservée. Une excroissance dégagée autour de la perforation, qui présente des traces d'usure, évoque un motif pisciforme. On distingue facilement sur le fût la tête d'un possible cervidé, suivie à gauche, selon H. Breuil, de bouquetins stylisés.

Animal(aux) emblématique(s)

Le ou plutôt les bouquetins emblématiques de Raymonden ont été profondément gravés sur un support en os par de larges incisions en profil en gouge (F470). Les quatre caprinés sont figurés par paire, en position inversée, obligeant à retourner la pièce pour accéder à leur lecture. Deux sont incomplets du fait de la cassure du support. On reconnaît cependant à gauche un corps complet aux membres figurés en mouvement et l'arrière d'une tête lacunaire pourvue de deux cornes en simple courbure. Il est suivi d'un individu plus petit, amputé longitudinalement du sommet du crâne et de l'encornure jusqu'à la ligne de dos, mais dont les quatre pattes sont évoquées pour leur partie supérieure. Le reste est absent du fait du contour naturel de la pièce support. En retournant l'objet à 180°, les têtes schématiques de deux bouquetins juvéniles – au vu de la modestie de leur encornure –, simulant une frise limitée, sont incluses dans le corps du premier animal. Deux oisillons s'intercalent entre les deux corps de bouquetins.
Cette pièce à la technique originale est tout à fait remarquable : elle allie une certaine raideur rappelant les chevaux macrocéphales du Magdalénien supérieur et la volonté délibérée de figurer un mouvement peu fréquent dans l'art magdalénien.

Références

Testut 1889, Hardy 1891, Vallois 1946, Cheynier 1955, Sonneville Bordes 1960, Soubeyran 1966, 1994, Vandermeersch 1997.

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Citer ce document

Cleyet-Merle, Jean-Jacques; Rigaud, Jean-Philippe 2022. Raymonden, abri (Chancelade, Dordogne, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 7 Janvier 2024, consulté le 29 Mars 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6241

Citer le document original

Cleyet-Merle, Jean-Jacques; Rigaud, Jean-Philippe. Raymonden, abri (Chancelade, Dordogne, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

Collections

Coordonnées géographiques *

45.2056, 0.666667

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* Pour des raisons de sécurité des sites archéologiques, les géolocalisations signalées dans la BJC pointent vers les mairies des communes considérées.