Pair-non-Pair, grotte (Prignac-et-Marcamps, Gironde, France)

Description

Située sur la commune de Prignac-et-Marcamps, en Gironde, la grotte de Pair-non-Pair est creusée dans un massif calcaire qui borde la rive gauche du Moron, un affluent de la Dordogne. La cavité s'ouvre au sud-est.
Dans son état actuel, la grotte comporte une petite salle circulaire prolongée par un couloir (Salle des Gravures de F. Daleau). Elle est longue d'une quinzaine de mètres. La petite salle s'articule, à gauche, à un diverticule latéral et est précédée par un couloir, aujourd'hui à l'extérieur, dont le plafond s'est effondré après les occupations moustériennes (Antigrotte de F. Daleau). Des fouilles ont été effectuées par F. Daleau entre 1881 et 1913. Celui-ci a consigné au jour le jour les résultats de ses travaux dans des « Carnets d'excursions » (Daleau 2021).
Le réexamen du matériel archéologique a permis à M. Lenoir (Lenoir et al. 2013 : 61-66) de préciser les différentes occupations du site. La séquence débute avec des niveaux attribuables au Moustérien de type Quina et au Moustérien de tradition acheuléenne. Elle se poursuit avec du Châtelperronien et se termine avec des niveaux aurignaciens et gravettiens (pas de datations BP disponibles).
Après avoir longtemps été attribuées au Gravettien (style II d'A. Leroi-Gourhan), les gravures pariétales sont aujourd'hui considérées comme appartenant à l'Aurignacien (Martinez & Loiseau in Lenoir et al. 2013 : 97-100).

Iconographie

Après la découverte des premières figures par F. Daleau (1896), l'art de Pair-non-Pair a été étudié par A. Cheynier et H. Breuil (1963). P. David et G. Malvesin-Fabre ont ensuite identifié un bouquetin supplémentaire (1950). Puis B. et G. Delluc ont entrepris de réétudier le site (1991, 1997). Enfin, un autre bouquetin a été découvert par C. Dubourg et M. Martinez (1996). Le dernier recensement effectué par B. et G. Delluc (Lenoir et al. 2013 : 23-46) fait état de quarante-six motifs gravés. Les animaux figurés sont des bouquetins (n = 11), des chevaux (n = 5), des bovinés (n = 3), des cervidés (n = 3), des mammouths (n = 3), un mégacéros ainsi que des animaux indéterminés (n = 5). Le décor comporte, en outre, de nombreux tracés gravés et plusieurs motifs non figuratifs. Enfin, notre réexamen, toujours en cours, permet de rectifier la lecture de certaines figures et d'ajouter de nouveaux tracés gravés.
Les motifs gravés ont été disposés dans la petite salle circulaire située dans la partie antérieure de la grotte ainsi que dans le couloir qui la prolonge. Ils sont surtout concentrés sur la paroi droite, bien qu'un ensemble ait également été gravé sur la paroi gauche de la petite salle.
La technique utilisée combine le piquetage et la gravure (par incision profonde au moyen d'un outil appointé). Il faut noter que des traces de peinture rouge sont encore visibles à l'endroit de certains animaux. Il n'est pas possible actuellement de préciser si ces traces sont des vestiges de peinture ou si la peinture était destinée à mettre les motifs gravés en évidence.

Représentation(s) d'animal(aux)

Dans l'état actuel de nos recherches, douze bouquetins gravés ont été recensés à Pair-non-Pair. Ce nombre comprend les dix bouquetins retenus par B. Delluc et G. Delluc (incluant le bouquetin découvert par C. Dubourg et M. Martinez), le bouquetin identifié par P. David et G. Malvesin-Fabre, et un bouquetin inédit. Ils sont tous disposés sur la paroi droite (fig. 1b) : en dessous d'une ouverture du plafond située au centre de la partie antérieure de la cavité (« la Lucarne » de F. Daleau ; n = 6), au niveau de l'ensemble des deux chevaux à tête retournée (« Agnus Dei » de F. Daleau ; n = 2) et sur la paroi droite du couloir qui conduit vers le fond de la grotte (n = 4).
Les bouquetins ont tous été figurés de profil, avec une patte par paire. On observe six profils gauches et cinq profils droits. En outre, une corne unique d'un animal, traitée en relief, est vue en profil droit. L'œil, l'oreille, la barbiche et les sabots manquent systématiquement. L'avant-train est souvent plus large que l'arrière-train. La tête est relativement petite. Elle est surmontée de cornes généralement longues, qui se prolongent, pour plusieurs caprinés, presque jusqu'au niveau du dos. Dans la majorité des cas, elles forment un arc simple, mais trois animaux présentent des cornes en double courbure (Delluc B. & Delluc G. in Lenoir et al. 2013 : nos 5, 13 et 26 bis). Dans un cas, les cornes sont absentes (Dubourg & Martinez 1996). Les pattes sont relativement grêles par rapport à un corps souvent trapu.
La morphologie des cornes constitue sans doute l'indice le plus sûr pour distinguer le bouquetin des Alpes (Capra ibex) et le bouquetin des Pyrénées (Capra pyrenaica ; Couturier 1962, Crégut-Bonnoure 2021 [Bouquetins et Pyrénées, tome I]). Sept bouquetins de Pair-non-Pair présentent une encornure en arc simple qui rappelle Capra ibex (Delluc B. & Delluc G. in Lenoir et al. 2013 : nos 9, 10, 15, 22 bis et 27, David & Malvesin-Fabre 1950 ; bouquetin inédit, recherches en cours Groenen dir.), tandis que trois bouquetins ont une encornure en double courbure avec un segment horizontal de la partie postérieure qui évoque Capra pyrenaica (Delluc B. & Delluc G. in Lenoir et al. 2013 : nos 5, 13 et 26 bis). Quant à la distinction entre les sexes, l'encornure longue de neuf bouquetins pourrait renvoyer à des individus mâles (Delluc B. & Delluc G.26 bis, 27 ; David & Malvesin-Fabre 1950 ; bouquetin inédit, recherches en cours Groenen dir.). Un bouquetin présente une ou deux cornes courtes qui pourraient suggérer une femelle ou un juvénile (Delluc B. & Delluc G. in Lenoir et al. 2013 : no 12). Un dernier, enfin, est indéterminable, car il ne possède pas de cornes (Dubourg & Martinez 1996).
Les bouquetins sont tous associés au cheval et sont, pour l'ensemble situé sur la paroi droite de la partie antérieure de la grotte, en relation avec le bison, le mammouth et l'aurochs, et, pour l'ensemble situé sur la paroi droite du couloir, en relation avec le cerf et le mégacéros. En outre, ils sont bien souvent associés entre eux.
Enfin, il est important de rappeler que le bouquetin est l'animal dominant du bestiaire pariétal de Pair-non-Pair (12 animaux sur 32), mais qu'aucun reste osseux de cette espèce n'a été retrouvé dans les couches archéologiques (Delpech 1983 : 194), si l'on excepte une incisive de bouquetin percée (Martinez & Loiseau in Lenoir et al. 2013 : 80, fig. 108). La qualité graphique des bouquetins pariétaux témoigne d'une connaissance fine de leur anatomie. C'est pourquoi il est permis de penser que les graveurs qui les ont réalisés viennent d'une zone géographique différente (Groenen 2016 : 244).

Animal(aux) emblématique(s)

Deux bouquetins peuvent être considérés comme emblématiques de la grotte de Pair-non-Pair.
Le bouquetin no 10 (Delluc B. & Delluc G. in Lenoir et al. 2013 ; fig. 2) est situé sur la paroi droite de la petite salle. Il est situé au-dessus d'un mammouth, à droite d'autres bouquetins et à proximité de deux bisons affrontés. Orienté vers la gauche, il mesure 37 cm de long et 39 cm de haut. La petite tête est triangulaire et présente une ligne de front et de chanfrein tracée de manière continue, un museau pointu et une ganache rectiligne. La longue corne est implantée au sommet de la tête et s'étire vers l'arrière en un arc asymétrique, suggérant un bouquetin des Alpes mâle adulte. Le corps massif comporte une ligne de dos, une cuisse, une patte arrière, un ventre, une patte avant et un poitrail raide. Le tracé gravé, réalisé après un piquetage, est vigoureux, large, profond et synthétique.
Le bouquetin no 27 (Delluc B. & Delluc G. in Lenoir et al. 2013 ; fig. 3) est situé sur la paroi droite du couloir qui mène vers le fond de la cavité. Il fait partie d'un ensemble qui associe plusieurs animaux superposés (cerf, mégacéros et cheval), le bouquetin ayant été réalisé en premier. Orienté vers la droite, il mesure 48 cm de long et 47 cm de haut. La tête courte présente une ligne de front et de chanfrein convexe, un museau légèrement arrondi et la ganache. Les cornes n'ont pas la même longueur ; gravées d'un sillon unique, elles sont recourbées vers l'arrière et ont une forme parabolique. Elles suggèrent un bouquetin des Alpes mâle adulte. Le corps comporte le cou, la ligne de dos, la cuisse, la queue, la patte arrière, le ventre, la patte avant et le poitrail. Le tracé gravé est large et profond, et a été précédé d'un piquetage. La silhouette est traitée de manière synthétique.

Références

Daleau 1896, David & Malvesin-Fabre 1950, Couturier 1962, Cheynier & Breuil 1963, Delpech 1983, Delluc B. & Delluc G. 1991, Sacchi 1993, Dubourg & Martinez 1996, Delluc & Delluc 1997, Lenoir et al. 2006, Groenen 2016, Daleau 2021.

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Citer ce document

Groenen, Marc; Groenen, Marie-Christine; Martinez, Marc 2022. Pair-non-Pair, grotte (Prignac-et-Marcamps, Gironde, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 7 Janvier 2024, consulté le 25 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6246

Citer le document original

Groenen, Marc; Groenen, Marie-Christine; Martinez, Marc. Pair-non-Pair, grotte (Prignac-et-Marcamps, Gironde, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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