Nerja, grotte (Nerja, Malaga, Espagne)
Auteur
Description
La grotte de Nerja est située au sud de la péninsule ibérique, en Andalousie, dans la province de Málaga et sur la commune du même nom.
Les premières fouilles archéologiques ont été conduites par le professeur M. Pellicer en 1959, l'année même de la découverte de la cavité. Plus tard, entre 1979 et 1987, M. Pellicer et F. Jordá y ont travaillé ensemble. Depuis 2008, sous la direction de J.L. Sanchidrián, se développe le Projet général de recherche interdisciplinaire appliquée à la conservation de la grotte de Nerja.
La caverne se trouve à 158 m d'altitude et à 1 km de la ligne de côte actuelle. Elle se développe sur plusieurs kilomètres de galeries offrant des salles vastes et spectaculaires (fig. 1a). L'ensemble de ce réseau karstique peut être divisé en deux secteurs (fig. 1b) : les galeries basses ou touristiques d'une part, et les galeries hautes, non aménagées d'autre part. Les galeries touristiques constituent le tiers de la caverne, offrant vers le nord, la salle de la Cascade (ou du Ballet), la salle des Fantômes et celle du Cataclysme. Les secteurs proches de l'extérieur recèlent des zones d'habitat localisées dans les salles de Torca, de la Mine et dans le Vestibule. Dans les galeries hautes, on distingue la salle des Colonnes d'Hercule, celles de l'Immensité, de la Lance et de la Montagne, qui sont de dimensions supérieures à celles des galeries basses, et offrent des spéléothèmes nombreux et variés ainsi que d'énormes blocs d'effondrement. L'art pariétal et les vestiges de fréquentations humaines pléistocènes se trouvent dans l'ensemble des galeries basses et dans la première moitié des galeries hautes.
Les salles proches de l'extérieur livrent une extraordinaire séquence stratigraphique qui couvre une large fourchette chronologique, alors que la base n'est à ce jour pas atteinte. Presque tous les technocomplexes depuis la seconde partie du Paléolithique récent sont documentés (Aura Tortosa et al. 1998). Ainsi sont identifiés une première fréquentation gravettienne datée par 14C-AMS autour de 24 000 BP (environ 28 000 cal BP), un Solutréen inférieur qui a donné un âge de 21 000 BP (environ 25 350 cal BP) et les phases suivantes du Solutréen (supérieur et final) entre 19 000 (environ 22 900 cal BP) et 16 000 BP (environ 19 300 cal BP). Les dates des niveaux magdaléniens se situent entre 13 000 BP (environ 15 550 cal BP) et 11 000 BP (environ 12 800 cal BP). La série se poursuit avec un Épimagdalénien ou « Épipaléolithique microlaminaire » (ca. 10 000 BP, soit 11 500 cal BP), puis des niveaux attribués à l'Épipaléolithique géométrique ou Mésolithique (ca. 7 500 BP, soit 8 350 cal BP) et un Néolithique ancien (ca. 6 500 BP, soit 7 400 cal BP). L'occupation du site par des sociétés de producteurs est encore attestée au Néolithique moyen et final et s'achève par plusieurs phases remontant au Chalcolithique et à l'âge du Bronze.
Iconographie
Les manifestations artistiques de la grotte de Nerja se partagent entre art mobilier et art pariétal. Les niveaux du Magdalénien supérieur (ca. 12 000 BP) livrent notamment des galets ornés de motifs méandriformes parallèles et une figuration d'oiseau (anatidé ; Sanchidrián 1986, Márquez 2005).
En l'état actuel de nos connaissances, on compte 589 motifs ou groupes de motifs pariétaux, répartis entre figurations animales (6,4 %) et motifs non figuratifs (93,6 %). Parmi les signes, on compte, des plus abondants aux plus rares, des taches ou tracés sur des spéléothèmes, des paires de traits, des signes noirs linéaires, des faisceaux rectilignes, des lignes et des paires de points, des motifs curvilinéaires ou circulaires, cruciformes et quadrangulaires. L'art figuratif (Sanchidrián 1994) compte des chevaux (n = 9), des cerfs (n = 8), des caprinés (n = 6), des animaux pisciformes (n = 6) et des quadrupèdes indéterminés (n = 9).
La technique employée pour l'exécution de l'art pariétal est essentiellement la peinture, associée à quelques motifs gravés, tous non figuratifs. Les pigments rouges dominent nettement le corpus avec 85,5 % des entités graphiques contre 14,5 % pour la couleur noire. Topographiquement, le rouge domine dans les galeries inférieures alors que le noir s'affirme dans la première moitié des galeries hautes.
Représentation(s) d'animal(aux)
Les caprinés apparaissent six fois dans l'ensemble de l'art de la grotte de Nerja.
Généralement, le corps des bouquetins est massif, et les cornes sont très courbées vers l'arrière. La tête est ornée d'une tache qui indique peut-être l'œil ou bien un relief interne ou une nuance de pelage. Le contact entre la partie inférieure de la tête et le cou est anguleux. Toutes ces images renvoient aux conventions graphiques prémagdaléniennes.
Trois des figurations sont complètes et trois autres sont des protomés. Chevaux, cerfs et bouquetins sont tous rouges, à l'exception du dernier d'entre eux, qui est noir dans chacun des cas.
Cinq des six sujets sont figurés horizontaux et le sixième est à la verticale, tête relevée. Quatre sont tournés à gauche et deux sont en profil droit.
Les supports ornés sont variés avec des pans de parois, des surfaces de blocs effondrés et des stalactites. Dans ce cas, seul le côté droit est investi. Une unique figuration est en position plafonnante, sur la face inférieure d'un bloc d'effondrement suspendu.
Les images de bouquetins de la grotte de Nerja sont présentes dans l'ensemble des secteurs ornés, mais plus nombreuses dans les galeries basses (ou touristiques). Elles sont isolées ou bien participent à des compositions avec d'autres espèces (chevaux ou biches) et des ensembles de signes (curvilignes, ponctuations, faisceaux).
Animal(aux) emblématique(s)
Il s'agit du bouquetin no 302 (selon le catalogue établi par Sanchidrián 1994 ; fig. 2). Représenté en profil droit, il montre toutefois deux cornes en vue frontale, l'une d'elles à double courbure oblique fortement vers l'arrière, tandis que l'autre est rectiligne. Son corps est massif, avec un ventre légèrement arrondi. L'unique postérieur est triangulaire et court, tandis que l'antérieur, ouvert, est figuré par deux lignes parallèles.
Par comparaison avec les autres bouquetins de la cavité, et plus généralement avec l'ensemble de l'art répertorié de Nerja, ce bouquetin est l'une des images les plus lisibles. C'est aussi le seul qui soit tracé en noir (pigment à texture fraîche et grasse) et sur un « plafond », même s'il s'agit de la face inférieure d'un bloc effondré au fond de la salle des Colonnes d'Hercule.
Le style de la partie inférieure (patte postérieure en pointe, abdomen marqué et traits parallèles pour la patte avant, ouverte) répond aux conventions observables sur les morphotypes animaux de la grotte de Nerja et d'autres cavités décorées voisines (par exemple, un aurochs de la grotte Navarro, des biches de la grotte de Doña Trinidad de Ardales, etc.). Une parenté stylistique est aussi sensible avec un bouquetin gravé sur une plaquette du niveau solutréo-gravettien de la grotte du Parpalló.
Ce bouquetin est associé à quelques tracés linéaires noirs.
Références
Licence
Droits
L’ensemble des textes et des images déposés dans la Base Jean Clottes (BJC) sont soumis au droit d’auteur et sont, à ce titre, protégés par les droits de propriété intellectuelle. Toute demande d’utilisation totale ou partielle des textes ou des images doit être soumise au conseil scientifique qui transmettra aux auteurs. Toute utilisation sans accord et citation des auteurs est passible de poursuites judiciaires. Les références doivent être citées comme suit.
Citer ce document
Luis Sanchidrián Torti, José 2022. Nerja, grotte (Nerja, Malaga, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir.
Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire,
"Dossier Bouquetin",
mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Mai 2024, consulté le 21 Novembre 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6247
Citer le document original
Luis Sanchidrián Torti, José.
Nerja, grotte (Nerja, Malaga, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir.
Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire,
2022, 654 p.