La Pileta, grotte (Benaoján, Malaga, Espagne)

Description

La grotte de La Pileta se trouve au sud de la péninsule ibérique, en Andalousie, dans la province de Málaga et sur la commune de Benaoján (fig. 1a).
L'art pariétal de la cavité a été découvert précocement par H. Breuil et ses collaborateurs (Breuil et al. 1915). Les conclusions de H. Breuil, exposées dans ses publications, ont été suivies jusqu'au milieu du siècle quand F. Jordá (1955) a proposé l'hypothèse d'une attribution de certaines peintures au Solutréen, question tranchée ensuite par E. Ripoll (1962) grâce à l'analyse des superpositions. Plus tard, J. Fortea (1978) a inclus l'art de La Pileta dans son approche systématique de l'art paléolithique méditerranéen. En 1985, nous avons entrepris, dans le cadre de notre thèse de doctorat (Sanchidrián 1990), un inventaire exhaustif de toutes les traces artistiques de la cavité. En 1998, nous avons aussi réalisé une datation directe par 14C-AMS de quelques figures (Sanchidrián et al. 2001). Les fouilles entreprises dans les premières salles au début du siècle dernier n'ont livré aucun vestige attribuable au Paléolithique récent.
La cavité s'ouvre à 750 m d'altitude et forme un réseau endokarstique d'environ 2 km de développement, réparti en deux niveaux superposés, orienté suivant un axe nord-sud (fig. 1b). Le niveau supérieur est un conduit longitudinal de 3 à 10 m de large, qui s'achève à l'entrée du Grand Puits de plus de 50 m de profondeur. Le niveau inférieur, quant à lui, est composé de quelques tronçons de galeries similaires à celle de la zone supérieure, communiquant par un autre puits avec un secteur de grandes salles connues, comme les galeries (ou la grotte) des Corneilles. Les zones ornées couvrent environ 500 m de couloir sur les deux étages. Au niveau supérieur se succèdent les salles ou galeries du Vestibule, des Chauves-souris, du Château, du Vaisseau central, du Salon, du Sanctuaire, du Lac, de la Reine Mora et du Poisson ; à l'étage inférieur se trouvent les galeries des Bouquetins, des Serpents et des Tortues.

Iconographie

De nombreux motifs (n = 864) attribués au Pléistocène sont répertoriés ainsi qu'une infinité de traces post-paléolithiques. L'art paléolithique combine motifs figuratifs (zoomorphes) et éléments non figuratifs (signes) qui sont les plus nombreux (88,7 %) alors que les animaux ne représentent que 11,3 %. Les catégories de signes sont très nombreuses : tracés rectilignes ou bâtonnets, motifs appariés, méandriformes et curvilignes, spirales simples ou doubles, ponctuations, cruciformes, scalariformes, claviformes, signes quadrangulaires, circulaires, triangulaires, taches informes et dites « intégrées » ou composites (comme des combinaisons de points, de lignes, de bâtonnets… ; Medina-Alcaide & Sanchidrián 2015). Les bouquetins dominent numériquement le bestiaire avec 29,5 % (soit n = 29) du total des animaux, suivis par les quadrupèdes indéterminés (25,1 %, soit n = 25), les aurochs (19,3 %, soit n = 19), le cheval (13,2 %, soit n = 13), les cervidés – mâles et femelles – (8,1 %, soit n = 8) et les poissons (4 %, soit n = 4).
Les techniques utilisées à La Pileta sont la peinture et la gravure. Les pigments couvrent une large gamme de tons comprenant le noir, le rouge et le jaune. Les caractères techniques et stylistiques, les datations directes et les superpositions permettent d'identifier plusieurs phases de réalisation des œuvres (Sanchidrián 1997, 2000). Une première étape archaïque de peintures jaunes réunit l'aurochs et la biche, puis deux phases attribuables au Solutréen ancien, associant aurochs-cheval-bouquetin peints en jaune et en noir, dont un aurochs a été daté directement de 20 130 ± 350 BP (soit 24 283 ± 453 cal BP). Viennent ensuite deux nouvelles étapes liées au Solutréen récent, l'une violet rouge associant aurochs-cheval-bouquetin et de nombreux signes, et une autre aux bouquetins peints en rouge accompagnés d'un aurochs jaune, stylistiquement très similaires et cohérents. Enfin, les gravures (cheval et signes linéaires), un vaste ensemble jaune avec aurochs et cerf, et de nombreux méandres parallèles, correspondent au Magdalénien. Des figurations animales réalistes noires (aurochs, cerf, poissons) et des signes en méandres achèvent la série.

Représentation(s) d'animal(aux)

Avec vingt-neuf individus décomptés, les caprinés constituent l'animal majoritaire du bestiaire représenté dans la grotte de La Pileta. Ils apparaissent aux différentes phases de réalisation des œuvres décrites au paragraphe précédent, s'inscrivant dans les divers ensembles techno-stylistiques.
Ainsi, nous trouvons sept bouquetins noirs magdaléniens, au dessin équilibré et réaliste, et dont le corps présente des zones peintes ou estompées figurant des nuances de pelage.
Ils partagent souvent une orientation en profil droit et une localisation dans la galerie des Bouquetins de l'étage inférieur de la grotte. Ces sujets sont figurés en général sur un plan parallèle au sol, ou peu incliné, et sur des pans de parois. Ils sont isolés ou associés à des signes en méandres, des chevaux et d'autres bouquetins.
Un autre groupe comporte six spécimens, peints en rouge, réunis dans une même unité topographique, sur la paroi droite du salon du Lac, associés à un aurochs jaune, formellement similaire. Le dénominateur commun de ces images est l'utilisation d'aplat de couleur délimitant certaines zones anatomiques de l'animal, particulièrement la tête. Trois d'entre eux sont complets et trois autres sont des protomés.
Il existe aussi un lot de quatre bouquetins noirs, réduits à la tête et groupés en deux séries sur le plafond à l'entrée du Salon, et sur la paroi gauche de la salle du Lac. Chaque fois, les deux images sont l'une au-dessus de l'autre, dessinées à l'horizontale et orientées de la même manière, en profil droit pour la salle du Lac et gauche pour le Salon.
Une nouvelle série noire compte huit figurations au corps très schématique, tendant parfois à la géométrisation. Elles se répartissent entre le Salon et le Sanctuaire. Ces images sont complètes ou réduites à la tête. L'exemple caractéristique de ce groupe serait le bouquetin du Sanctuaire qui associe un corps rectangulaire avec l'ébauche des membres, la tête tournée vers l'arrière, dotée d'une grande corne courbe.
Enfin, on distingue trois têtes isolées. La première, en profil gauche, peinte en jaune au sein du palimpseste de la paroi gauche de la galerie des Bouquetins, montre une encornure extraordinaire en double courbure.
Une deuxième, dans le même profil et de même teinte, mais peinte avec trois doigts, se trouve sur la paroi opposée à la précédente. Elle est associée à un signe en méandre. Le dernier bouquetin se trouve sur le panneau de la figuration pisciforme qui a donné son nom à la dernière salle de La Pileta. C'est une image noire, en profil droit, très succincte, réduite à la tête, mais ornée d'une barbiche et d'une corne figurée par deux lignes convergentes.

Animal(aux) emblématique(s)

Sur la paroi gauche de la salle du Lac, une corniche élevée donne accès à une cavité connue comme la « Lucarne ». Au fond de cet espace se trouve une composition réunissant de nombreux éléments curvilignes et signes serpentiformes et, en son centre, une image de bouquetin, peint avec plusieurs nuances de noir (fig. 2). La combinaison de la morphologie naturelle de ce lieu et de la mise en place du décor confère à l'ensemble une dimension scénographique.
Le bouquetin, dessiné en profil gauche, est complet, sa forme générale lui donne une dimension dynamique, avec une inclinaison à 45 degrés par rapport au sol et une attitude bondissante. L'image est assez bien proportionnée et offre quelques détails corporels internes et l'évocation du pelage sur le garrot et sur le ventre par l'application de teintes plates. Sont également indiquées la queue et les cornes, dessinées par deux lignes parallèles en double courbure. Depuis le museau de l'animal, se développe, vers le bas, un long et large trait noir rectiligne, se terminant en courbe bien au-delà de l'animal, ce qui lui donne un aspect étrange lui ayant valu son nom de « bouquetin barbu ».

Références

Breuil et al. 1915, Jordá 1955, Ripoll 1962, Fortea 1978, Sanchidrián 1990, 1997, 2000, Sanchidrián et al. 2001, Medina-Alcaide & Sanchidrián 2015.

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Citer ce document

Luis Sanchidrián Torti, José 2022. La Pileta, grotte (Benaoján, Malaga, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Juin 2023, consulté le 18 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6248

Citer le document original

Luis Sanchidrián Torti, José. La Pileta, grotte (Benaoján, Malaga, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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