Siega Verde, ensemble rupestre (Castillejo de Martín Viejo, Castille-et-León, Espagne)

Description

Le site archéologique rupestre de Siega Verde se situe dans le cours moyen de la rivière Águeda, lorsqu'elle traverse les communes de Serranillo, Martillán et Castillejo de Martín Viejo, autour du pont de La Unión, dans le canton de Ciudad Rodrigo (Province de Salamanque). Ce lieu a dû constituer au Paléolithique, un des derniers gués accessibles de la rivière avant son embouchure dans le Duero ; un territoire transitionnel entre la fosse de Ciudad Rodrigo et son plateau (fig. 1a).
Découverte en octobre 1988 par M. Santonja, elle a été classée en 1998 comme Bien d'intérêt culturel (BIC) pour l'archéologie, sur ses 44,5 ha (Fernández Moreno & Baptista 2010 : 32). En outre, Siega Verde fait partie du Réseau européen des premiers peuplements et de l'art rupestre préhistorique (REPPARD), ainsi que de l'Itinéraire culturel européen puisque cette catégorie a été accordée par le Conseil de l'Europe aux Chemins d'art rupestre préhistorique (CARP). Tous ces réseaux, dans lesquels le site s'intègre et la zone archéologique dans laquelle il se trouve, jouent un rôle important pour sa compréhension, sa relation au territoire, sa conservation, ainsi que pour son inscription dans la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO le 1er août 2010 à Brasilia (Brésil ; Burón & del Val Recio 2013 : 108, Clottes 2016 : 95-96), dans le prolongement des sites d'art rupestre de la vallée du Côa (Vila Nova de Foz Côa, Portugal). Ces aspects soulignent l'unicité culturelle et le lien avec le paysage de Siega Verde (Escudero 2011 : 64-66 ; fig. 1b).

Iconographie

Les unités graphiques documentées jusqu'à présent, d'après la publication et l'interprétation de R. de Balbín et de son équipe, s'élèvent à 443 : 241 sont des figurations animales, 3 sont des anthropomorphes et 165 des thèmes non figuratifs. Des unités graphiques (n = 34) ne sont pas déterminables (Alcolea González & Balbín Behrmann (de) 2006 : 229, Balbín 2008). De plus, il convient d'ajouter les 22 unités inventoriées comme du style V de A. Leroi-Gourhan, parmi lesquelles un bouquetin a été documenté (Bueno et al. 2008 : 267 et 269).
Tous ces motifs gravés se trouvent distribués sur 1 km, en 91 panneaux, tant verticaux qu'horizontaux – bien que ces derniers soient minoritaires –, en 29 ensembles. Ces affleurements sont le résultat de divers processus locaux de métamorphisme bas et de déformations tectoniques qui ont agi sur les roches sédimentaires précédentes, ce qui donne lieu à des roches pélitiques et métapélitiques avec des plans de schistosité (Pérez 2011 : 21-22, Fernandes et al. 2017 : 5). Ce sont ces derniers, de préférence situés sur la rive ouest et au-dessous des 600 m d'altitude, qui ont été gravés tout au long des trois zones dans lesquelles le site a été divisé pour une meilleure compréhension et étude : sud (3 panneaux), centre (50 panneaux), et nord (38 panneaux ; Alcolea González & Balbín Behrmann (de) 2006 : 59).
La technique de gravure la plus utilisée pour la réalisation des motifs est le piquetage des contours, direct et indirect, qui correspond à 72 % de l'ensemble répertorié. L'incision, réalisée selon diverses modalités connues, est simple et continue dans la plupart des cas, même si quelques motifs zoomorphes ont été réalisés au moyen d'une incision répétée ou multiple, ce qui correspond à 26 % du total. En dernier lieu, il faut signaler la technique de l'abrasion ou de la gravure en trait large et profond, préalable au piquetage dans le cas de Siega Verde et qui est présente à plus de 1,5 %. La première technique signalée, le piquetage des contours, a été utilisée pour toutes les espèces animales répertoriées à Siega Verde, mais elle est majoritaire pour les 124 équidés et les 41 aurochs, et elle est la plus utilisée pour les 22 cerfs et les 13 bouquetins. Ce ne sont pas les seules espèces figurées, puisque des mégacéros, ours, bisons, rennes, félins, rhinocéros laineux et un canidé ont également été proposés (Alcolea González & Balbín Behrmann (de) 2006 : 182).
En ce qui concerne l'attribution chronologique proposée pour l'ensemble des gravures rupestres du site de Siega Verde par l'équipe de R. de Balbín, il faut signaler que le premier horizon graphique, attribué aux styles II et III de A. Leroi-Gourhan, commence à la fin du technocomplexe gravettien ou début du Solutréen (par exemple, panneau 4 ; Alcolea González & Balbín Behrmann (de) 2006 : 68). Il s'agit d'une période très peu représentée dans les panneaux et figures, mais qui a de fortes ressemblances thématiques, techniques et stylistiques avec l'étape la plus ancienne de l'art paléolithique de la vallée du Côa, ainsi qu'avec d'autres représentations antémagdaléniennes dans des sites en grotte, de l'intérieur et du nord de la péninsule ibérique (Baptista 2009 : 139).
Le moment de plus grande densité graphique du gisement va se produire, néanmoins, dans la dernière phase du technocomplexe solutréen et la première du Magdalénien, styles III avancé et IV ancien (Alcolea González & Balbín Behrmann (de) 2006 : 315 et 319), et style IV classique de A. Leroi-Gourhan (Leroi-Gourhan 1971 : 146-159). Ces auteurs proposent une chronologie entre 18 000 et 15 000 BP pour la majorité des gravures de l'ensemble (Alcolea González & Balbín Behrmann (de) 2006 : 319).
L'absence de datation directe et l'impossibilité, jusqu'à aujourd'hui, de mettre en rapport les sites d'habitat avec les représentations rupestres du Paléolithique récent de Siega Verde ne permettent pas de proposer un cadre chronologique plus précis. Il serait cohérent, néanmoins, sur la base de certains aspects et conventions anatomiques répétés, et d'homogénéité formelle et stylistique (Vázquez Marcos 2015, 2017), d'accorder un poids plus important à l'ensemble attribuable au Magdalénien récent, entre 14 500 et 11 500 BP (soit entre 17 700 et 13 300 cal BP).
Dans cet espace dense d'art paléolithique en plein air, on connaît un groupe restreint, mais très significatif, de petites figures zoomorphes appartenant à la fin du Paléolithique : cerfs, bouquetins, chevaux ou poissons, ainsi que des représentations non figuratives. Ces motifs ont été réalisés avec des traits incisés fins, superposés ou rattachés aux motifs du Paléolithique et également sur des panneaux isolés. Cette tradition graphique se caractérise, pour les zoomorphes, par un naturalisme avec une tendance à la schématisation, avec des remplissages internes au moyen de lignes parallèles situées dans le corps – fusiforme – et la tête. Les figures ne présentent pas de détails internes ; les extrémités ont été figurées, la plupart du temps, par des faisceaux de lignes. Cette importante phase transitionnelle, où les techniques et thématiques du Paléolithique perdurent, est essentielle pour la compréhension de l'occupation humaine de l'intérieur de la péninsule ibérique et des graphismes des derniers groupes de chasseurs-cueilleurs. On la retrouve également dans d'autres ensembles à l'air libre (Bueno et al. 2008, Baptista 2009 : 188-189, Reis 2014 : 36), dans des grottes ornées, de l'intérieur et de la corniche cantabrique (Corchón 2006 : 127), ou sur d'autres supports (García-Diez & Cacho 2015 : 32), entre 12 000 et 9 000 BP (soit entre 14 000 et 10 200 cal BP).

Représentation(s) d'animal(aux)

Pour les quinze caprinés déjà cités, quelques-uns peuvent être des daims, et il est très compliqué de distinguer les deux variétés européennes (Capra ibex et Capra pyrenaica ; Alcolea González & Balbín Behrmann (de) 2006 : 229, Bueno et al. 2008 : 267 et 269). Les bouquetins ont été documentés de façon prépondérante dans la zone centrale, et réalisés majoritairement par incisions simples et/ou répétée. La taille de ceux réalisés au moyen d'incision simple est beaucoup plus petite que celle des piquetés.
Du point de vue du style, les figures de petite taille dominent, avec des corps massifs et des têtes courtes et pointues, avec parfois des museaux arrondis. Les cornes en perspective uniangulaire, les plus nombreuses, ou en perspective biangulaire droite ou oblique, parfois élargies, ont été réalisées en double ligne. La présence de maxillaires concaves, convexes ou droits, et des lignes cervico-dorsales rarement terminées par une queue courte, sont également ses caractéristiques principales. Cela se produit également pour les extrémités, absentes dans plusieurs cas, qui se limitent aux principaux détails anatomiques des zones les plus représentatives de ces animaux (Vázquez Marcos 2015 : 851, Bueno et al. 2008 : 267 et 269).

Animal(aux) emblématique(s)

Bouquetin 51.4, ensemble XVII (fig. 2) : Ce capriné de la zone centrale du gisement est gravé en profil gauche au moyen de traits incisés simples et uniques, dans la partie supérieure gauche du panneau vertical 51 (ensemble XVII). Il est l'un des plus abondamment gravés et des plus significatifs du site (avec un total de 22 unités graphiques incisées et piquetées).
Sa tête est très détaillée ; elle possède une petite corne réalisée par deux traits convergents, plus profonds que ceux employés pour représenter d'autres éléments anatomiques. On distingue également le maxillaire, le naseau et un œil circulaire joint à la ligne fronto-nasale, ainsi qu'une bouche réalisée au moyen d'une fine incision. La ligne cervico-dorsale, dans sa partie initiale, montre cinq hachures qui figurent le pelage. La continuité de la ligne a été interrompue par la king band, ce qui ne permet pas d'observer la figure dans sa totalité. La ligne du ventre, convexe, peut s'observer malgré les cassures et microfractures du panneau. Elle possède également deux longues pattes avant, réalisées au moyen de fines lignes incisées qui partent du cou et de la poitrine de l'animal, et qui sont ouvertes à l'extrémité. L'extrémité de la corne se situe à 1,98 m du sol actuel, mais des modifications du sol ont pu intervenir en raison des remplissages et vidanges de sédiments produits par les fluctuations de la rivière Águeda.
La figure décrite forme une composition avec un autre capriné et une biche incisés, également situés dans la partie supérieure gauche du panneau. Ce bouquetin mesure 20 cm de long et 14 cm de hauteur maximale.
Bouquetin 53.2, ensemble XVIII (fig. 3) : Ce protomé de bouquetin tourné à gauche est gravé au moyen d'une incision simple, unique ou répétée. Il se situe sur une roche verticale de la zone centrale (panneau 53 ; Alcolea González & Balbín Behrmann (de) 2006 : 138).
L'animal possède un œil arrondi. Six traits fins gravés le long de la ligne fronto-nasale peuvent représenter des variations chromatiques du pelage. Le naseau a été figuré, de même que la barbe, par de petites hachures. Sa bouche ouverte évoque un capriné en position de Flehmen (en train de flairer, avec la tête et le cou tendus vers l'avant). Une corne unique a été représentée par deux traits incurvés convergents. Plusieurs traits fins à l'intérieur peuvent figurer des anneaux de croissance. La ligne cervico-dorsale et le poitrail sont interrompus par une fissure du panneau. Le degré de détail et de sophistication, absent des autres bouquetins réalisés par piquetage, est remarquable. Il s'agit sans doute de l'œuvre d'un graveur expérimenté. Cela se révèle dans la petite dimension de la figure (12 cm de long sur 7 cm de haut), ainsi que dans le maniement de l'outil en silex ou cristal de quartz ; très peu d'accidents peuvent être identifiés sur la figure – seulement quelques sorties de l'outil –, et les proportions sont correctes. Le support ne semble pas avoir été préparé, mais la partie choisie du panneau montre un polissage naturel qui a peut-être été remarqué par l'auteur. L'état de conservation est bon, malgré quelques agressions de la fin du xxe siècle qui n'affectent pas la gravure. Celle-ci est néanmoins peu visible en raison du trait extrêmement fin. L'auteur devait se trouver accroupi, assis ou à genoux, puisque l'extrémité de la corne se trouve à 1,37 m du sol actuel, mais comme dans le cas précédent, le sol a probablement subi des modifications par vidange et remplissage.
Le bouquetin se trouve juxtaposé à un signe en forme de trident situé dans la partie supérieure droite du panneau et au contact de cinq lignes fines incisées.
Bouquetin 40.5, ensemble XVI (fig. 4) : Ce bouquetin est un de ceux qui sont exécutés par piquetage indirect (Alcolea González & Balbín Behrmann (de) 2006 : 115). Il s'agit d'un protomé en profil droit, situé sous les pattes d'un cheval. Bien qu'ayant subi une forte érosion, il conserve deux longues cornes rectilignes et parallèles, dont l'une est le prolongement de la ligne fronto-nasale et l'autre attachée à la nuque avec un espace entre les deux. Le bout du nez, constitué d'une ligne épaissie, est rectangulaire. La longueur maximale est de 240 mm.

Références

Leroi-Gourhan 1971, Alcolea & Balbín 2006, Corchón 2006, Bueno et al. 2008, Baptista 2009, Balbín 2009, Fernández Moreno & Baptista 2010, Escudero 2011, Pérez 2011, Burón & del Val Recio 2013, Reis 2014a et b, García-Diez & Cacho 2015, Vázquez Marcos 2015, 2016, Clottes 2016, Batarda Fernandes et al. 2017.

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Citer ce document

Vázquez Marcos, Carlos 2022. Siega Verde, ensemble rupestre (Castillejo de Martín Viejo, Castille-et-León, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 7 Janvier 2024, consulté le 19 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6256

Citer le document original

Vázquez Marcos, Carlos. Siega Verde, ensemble rupestre (Castillejo de Martín Viejo, Castille-et-León, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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