Côa, vallée (Vila Nova de Foz Côa, Guarda-Nord, Portugal)

Description

La rivière Côa se jette dans le fleuve Douro non loin de la ville de Vila Nova de Foz Côa. Dans la vallée et ses environs, on connaît quarante-cinq sites rupestres du Paléolithique récent (fig. 1a et b) dans des roches métamorphiques (Santos 2017: 256-337). Le site de Faia, plus au sud, se trouve dans une partie granitique.
Des fouilles récentes ont mis au jour des occupations allant de l'Aurignacien à l'Azilien (Aubry 2009: 348-350, Aubry et al. 2017, 2020). Au Gravettien, les sites d'Olga Grande 4 et 14 présentent une exploitation saisonnière (Aubry et al. 2003) tandis que celui de Cardina serait un site d'agrégation hivernale (Aubry et al. 2015).
À Cardina, trente-cinq plaquettes de schiste gravées comportant des représentations animalières émanent d'horizons du Solutréen moyen au Préboréal (Aubry et al. 2015, 2017).
Des plaquettes et galets gravés (n = 85) et des galets peints (n = 4) ont été découverts à Fariseu (Santos et al. 2018), datés de l'Azilien récent. À Quinta da Barca Sul, un galet de l'Azilien récent porte des incisions linéaires (García-Diez 2009: 376-377, Aubry et al. 2017). La phase la plus récente de l'art pariétal de la région peut être en partie contemporaine de ces pièces.
La roche 1 de Fariseu était couverte de dépôts sédimentaires contenant des vestiges du Paléolithique récent qui ont permis de préciser la chronologie de la première phase graphique de la vallée du Côa. La stratigraphie de ces dépôts ainsi que les superpositions de gravures montrent que les plus anciennes étaient antérieures à un épisode érosif placé entre le Solutréen et le Magdalénien ancien (Aubry et al. 2014). Certaines gravures pourraient même remonter au Gravettien selon la présence de pics dans la couche 3 d'Olga Grande 4, datée par TL et OSL de 30 000 BP environ (Aubry 2001: 262).
Des analyses statistiques multivariées portant sur des centaines de représentations animalières du bassin du Douro (majoritairement de la vallée du Côa) suggèrent l'existence de trois ou quatre classes morpho-stylistiques (Santos 2017). Les superpositions et l'étude géoarchéologique de sites comme Canada do Inferno ou Quinta da Barca ont révélé que la première phase serait antérieure à l'épisode érosif identifié à Fariseu (Santos 2017, Santos et al. 2015: 129). Les phases 2 et 3 se sont probablement développées entre le Solutréen supérieur et le Magdalénien supérieur (Santos 2017: 251-253) et la dernière est attribuée à la fin de l'Azilien.

Iconographie

On connaît aujourd'hui cinq cent trente panneaux gravés paléolithiques (Reis 2014: 533). Les premières découvertes (Rebanda 1995) devaient être submergées par un barrage hydraulique, abandonné à la suite de la mobilisation de préhistoriens et de l'opinion publique.
Les quatre phases artistiques du bassin du Douro sont représentées dans la vallée du Côa. La plus ancienne se caractérise par des animaux en perspective absolue au ventre proéminent, au dos et à la croupe exagérément marqués, d'une seule patte par paire, sans sabot et aux encornures en perspective biangulaire oblique. Les yeux, quand ils existent, sont ronds ou punctiformes. Les techniques les plus communes sont le piquetage et l'incision profonde. Les superpositions sont très abondantes, ainsi que l'animation par décomposition du mouvement (Luís 2012). Les reliefs naturels des parois sont souvent utilisés. Sur dix sites (457 animaux), l'aurochs domine (28 %) suivi du bouquetin (20,6 %), puis le cheval (19,7 %), le cerf (8,1 %), la biche (3,3 %) et l'isard (1,8 %). Poisson, ours, oiseau de proie et félin sont très rares, contrairement aux indéterminés (17,5 %). Les motifs non figuratifs sont essentiellement linéaires et angulaires (Santos 2017, vol. II, tabs. 6.5 et 6.7).
Pour la phase 2, le piquetage est moins fréquent que l'abrasion fine ou l'incision simple et à passages multiples. Les corps deviennent moins massifs. La représentation de deux membres par paire est encore peu commune et les rares sabots sont globulaires ou en forme d'olive. Quelques animaux présentent déjà des délimitations internes, parfois striées. L'animation est encore présente. Les panneaux densément gravés deviennent moins fréquents.
La phase 3 se caractérise par des corps plus proportionnés, des têtes plus détaillées, notamment au niveau des yeux. La représentation de deux pattes par paire en perspective uniangulaire terminées par des sabots et les détails internes des corps deviennent communs. La technique de l'incision simple et à passages multiples est prépondérante.
Les phases 2 et 3 sont fréquemment associées, nous les regroupons donc (Santos 2017: 381-389). Sur 21 sites (470 figures animales), le cheval domine (24,9 %), suivi par l'aurochs (19,8 %), le cerf (14,5 %), le bouquetin (13,6 %), l'anthropomorphe (5,1 %), la biche (4 %), l'isard (1 %) et le félin (0,6 %). Les figures indéterminées atteignent 15,1 %.
La phase 4 se caractérise par des corps géométriques, avec des remplissages fréquents, aux pattes en perspective biangulaire oblique ou droite et des têtes sans détails. La technique usuelle est l'incision pour le contour et le remplissage interne, mais le piquetage et le raclage sont aussi attestés. Un peu plus d'un tiers des roches gravées appartiennent à cette phase (40 sites). La diversité thématique est très proche de celle de l'art mobilier de Fariseu (Santos et al. 2018) : cervidés, bouquetin, cheval, poisson, aurochs et figurations humaines.

Représentation(s) d'animal(aux)

Dans la vallée du Côa, nous avons reconnu 94 bouquetins dont 24 femelles pour la phase la plus ancienne sur cinq sites de cette période : Penascosa, Quinta da Barca, Ribeira de Piscos, Fariseu et Canada do Inferno (Santos 2017, vol. II: 479, tab. 6.7). La plupart d'entre eux sont piquetés (50 %) ou piquetés et abrasés (42,6 %). L'incision simple n'est attestée que dans deux cas. Les bouquetins de cette phase se caractérisent par des pattes en perspective absolue et sans sabots ; les ventres et lignes cervico-dorsales sont accentués, les cornes et les oreilles sont linéaires ; l'œil, quand il existe, est punctiforme ; les museaux sont ouverts et les lignes fronto-nasales droites (Santos 2017: 154-155). Plus de la moitié sont de profil droit (58,5 %), mais ce choix dépend de l'implantation du support dans les contextes de chaque site (Santos 2012) : à Penascosa, 72,2 % le sont, tandis que dans la petite vallée de Quinta da Barca, le pourcentage n'est que de 40,7 %.
Les mâles entrent dans 36 compositions contre 16 pour les femelles (Santos 2017, vol. II: 480). Ils apparaissent 9 fois seuls, 2 fois en compositions binaires (avec 1 femelle et peut-être aussi avec 1 cerf), 13 fois dans des ternaires, et 12 fois dans celles quaternaires ou plus. La femelle apparaît 1 fois seule, 5 fois en compositions binaires, 3 en ternaires et 7 en quaternaires ou plus.
L'analyse de correspondances simples des compositions semble appuyer l'hypothèse d'une fonction de regroupement du bouquetin (Santos 2017: 378). En effet, le thème apparaît dans la vallée du Côa seulement sur les sites où les chevaux et les aurochs sont aussi présents. Inversement, alors qu'il est la deuxième espèce la plus représentée dans la vallée, il est totalement absent des sites du bassin du Douro attribués à cette phase, où le cheval et l'aurochs ne sont jamais représentés ensemble (Santos 2017: 377).
L'analyse de correspondances multiples et la classification hiérarchique ascendante menées sur les bouquetins du bassin du Douro n'ont permis de définir qu'une seule classe de motifs entre la phase plus ancienne et l'azilienne : 64 bouquetins (dont 19 femelles) appartiennent à cette classe qui apparaît dans quinze des dix-neuf sites où cette phase est représentée. La plupart des bouquetins qui en relèvent sont gravés par incision (87,5 %). Le piquetage et l'abrasion sont beaucoup plus rares. Les principaux attributs qui caractérisent le mieux cette classe sont, par ordre d'importance, les corps bien proportionnés, les oreilles contournées, les membres modelés, les bords fronto-nasaux convexes-droits, les yeux circulaires ou en forme d'amande, les naseaux délimités, la présence de sabots, les nuques convexes, le remplissage partiel des corps, le bord inférieur des têtes concave ou avec ganache, les mentons convexes et les bouches modelées (Santos 2017: 155).
Pendant les phases 2 et 3, le bouquetin n'est pas exclusif des sites de la vallée du Côa. Il apparaît aussi à Siega Verde et dans plusieurs sites de Domingo García. Dans la vallée du Côa, le mâle apparaît dans 36 compositions et la femelle dans 13. Les analyses multivariées menées sur les sites paléolithiques du bassin du Douro suggèrent l'existence d'un rapport spécial entre le bouquetin et l'aurochs (Santos 2017: 381-389).
L'étude systématique des figurations attribuées à la phase azilienne de l'art de la vallée du Côa fait encore défaut, car le nombre de roches étudiées à ce jour est faible. Si l'on prend en compte la série d'art mobilier de Fariseu et les quelques roches étudiées, le bouquetin est le second thème le plus représenté. Il se caractérise par un corps très géométrisé, des membres en perspective biangulaire, généralement linéaires, un museau pointu et l'absence de détails de la tête (Santos 2017: 155-156). Le remplissage intérieur, par piquetage complet ou partiel ou par striation également complète ou partielle, est identifié dans 80 % des figures. Les contours sont majoritairement incisés (86 %), les autres étant piquetés. Nous avons identifié 35 mâles et 10 femelles ; 80 % sont tournés vers la droite.
Sur vingt-huit sites pariétaux appartenant à cette phase, le bouquetin apparaît presque toujours associé à d'autres animaux (n = 27). Les analyses multivariées suggèrent une relation du bouquetin avec des poissons et des chevaux (Santos et al. 2018).

Animal(aux) emblématique(s)

Trois exemples peuvent être considérés comme emblématiques de chacune des trois classes suggérées par les analyses multivariées pour les bouquetins de la vallée du Côa (Gravettien-Solutréen moyen, Solutréen supérieur-Magdalénien, Azilien).
La première figure (Penascosa 5, fig. 2), publié depuis 1997 (Baptista & Gomez 1997), est un excellent exemple des bouquetins de la phase la plus ancienne de l'art paléolithique de la vallée du Côa, située chronologiquement entre le Gravettien et le Solutréen moyen. Le bouquetin est représenté en perspective absolue avec un membre par paire aux extrémités ouvertes. Il a été gravé par piquetage et, à certains endroits, par abrasion. Le garrot, le dos et la croupe sont bien marqués, ainsi que le fourreau pénien et le ventre. La fesse est très arrondie et la queue, représentée par deux traits légèrement courbes et parallèles, apparaît très conventionnelle. Les détails de la tête se résument à un œil en forme de point, une oreille et une petite barbe. À l'intérieur du corps, la seule délimitation identifiable est celle de la cuisse.
Le bouquetin partage le panneau avec quatre animaux, dont deux sont piquetés. L'un est un aurochs tourné vers la gauche et incliné vers le bas. La tête de cet animal, sans cornes, se voit sous la fesse du bouquetin. Sa poitrine est à l'intérieur du bouquetin et sa ligne cervico-dorsale forme aussi la queue et le bord cervico-dorsal d'un deuxième animal piqueté, un cheval orienté vers la droite et dont on voit non seulement les éléments communs avec l'aurochs, mais aussi la patte arrière, le ventre, le début du bord postérieur de la patte avant, le cou et le bord inférieur de la tête.
Un second ensemble (Quinta da Barca 3, fig. 3) représente trois bouquetins du Magdalénien connus depuis les premiers travaux dans la vallée (Rebanda 1995: 11). La technique consiste en une abrasion précédée d'un piquetage fin. Le centre de la composition est dominé par un mâle avec deux têtes. La duplication de cette partie du corps est la manière la plus commune de décomposer le mouvement par superposition dans la région (Luís 2012: 77). Le résultat graphique est très réussi, notamment pour résoudre le problème du croisement des cornes, gravées comme un seul élément graphique, formant un arc de cercle liant les deux têtes opposées. Des petits tirets au sommet de l'arc de cercle figurent la contre-courbe de l'extrémité distale des cornes propre à Capra pyrenaica. Le volume des cornes est rendu par la figuration de ses anneaux.
La tête du mâle est très détaillée : les naseaux, la bouche, l'œil et les oreilles, partiellement définies par le bord des cornes, sont précisément gravés. Le contour de l'animal est marqué de petits traits transversaux qui lui donnent du volume. L'unique membre postérieur est replié, ainsi que l'antérieur droit, derrière le gauche étiré vers l'avant. Cette combinaison semble indiquer une position couchée de l'animal (Lorblanchet 1995: 35). La représentation de deux moments successifs du mouvement de la patte antérieure a été aussi avancée (Luís 2012: 77). En bas à droite a été gravée une femelle. Cette figure n'est pas aussi détaillée que le mâle, mais il faut néanmoins souligner la ligne fronto-nasale très bien définie, la présence de la bouche, de l'œil et de l'oreille. Les sabots, contrairement au mâle, sont absents. Enfin, à gauche du mâle et un peu plus haut, on distingue l'arrière-train d'un autre bouquetin, tourné vers la gauche et qui, en raison de similitudes formelles avec la figure centrale, peut être attribué à un autre mâle.
La troisième figure (fig. 4) est l'un des deux bouquetins gravés sur la roche 16 de Vale de José Esteves (Baptista 2009: 114-129). Il synthétise les principales caractéristiques des bouquetins attribués à l'Azilien de la région : le corps est presque rectangulaire, les pattes sont représentées en perspective biangulaire oblique comme les cornes, la tête ne présente aucun détail et l'animal est rempli d'incisions striées. Tout au long du bord cervico-dorsal apparaît une bande remplie d'incisions obliques, convention qui, bien que rare, est aussi connue dans l'art mobilier azilien de Fariseu (Santos et al. 2018) et dans l'art mobilier contemporain de régions plus lointaines, comme par exemple au Pont d'Ambon (Célérier 1994) ou à Rochereil (Paillet & Man-Estier 2014). Comme la plupart des figurations de cette période, le bouquetin est gravé par incision.

Références

Célérier dir. 1994, Lorblanchet 1995, Rebanda 1995, Baptista & Gomes 1997, Aubry 2001, Aubry et al. 2003, Aubry 2009, Baptista 2009, García-Diez 2009, Santos 2012, Luís 2012, Aubry et al. 2014, Reis 2014, Paillet & Man-Estier 2014, Aubry et al. 2015, Santos et al. 2015, Santos 2017, Aubry et al. 2017, Santos et al. 2018, Aubry et al. 2020.

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Citer ce document

Tomás Santos, André 2022. Côa, vallée (Vila Nova de Foz Côa, Guarda-Nord, Portugal) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Juin 2023, consulté le 16 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6257

Citer le document original

Tomás Santos, André. Côa, vallée (Vila Nova de Foz Côa, Guarda-Nord, Portugal) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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