Llonín, grotte (Peñamellera Alta, Asturies, Espagne)

Description

La grotte de Llonín se trouve dans le bassin du Cares-Deva marqué par le relief montagneux du massif central des Picos de Europa. Le long de cette vallée s'échelonnent onze autres grottes ornées : La Loja, Subores, Coímbre, Traúno, Los Canes, Peña del Alba, Falo, Berodia, Soberaos, El Bosque et Covaciella (Rasilla Vives 2014).
Bien que le vestibule de la grotte ait été connu depuis longtemps, l'accès à l'intérieur de la grotte n'a été ouvert qu'en 1957, pour servir à la maturation du fromage, et les peintures n'ont été connues officiellement qu'en 1971 (Berenguer 1979). La grotte est orientée à l'est–nord-est et s'élève à 23 m au-dessus du drainage le plus proche et à 112 m du niveau de la mer. Elle est creusée dans le calcaire namurien-westphallien (Carbonifère). La grotte comprend trois ensembles de galeries et salles superposées communiquant entre elles. Le corps principal de la grotte consiste en une grande salle (42 m de long, 28 m de large et 24 m de haut) qui résulte de l'effondrement d'une partie des galeries supérieures et intermédiaires (Hoyos 1993b). Cette salle présente un important cône de déjection résultant de l'entrée de sédiments depuis le vestibule. Dans la partie sud-est se trouve une petite salle avec de nombreux spéléothèmes et, sur le front nord, une étroite et longue galerie (ce qui reste du conduit supérieur), qui renferme un gisement archéologique et de l'art pariétal.
Les premiers sondages ont été réalisés en 1984 dans la zone vestibulaire et des fouilles systématiques entreprises de 1987 à 1997 (voir fig. 1b). L'étude de l'art a été réalisée entre 1987 et 2002. Les interventions archéologiques ont fourni une longue séquence culturelle : Moustérien, Gravettien, Solutréen supérieur, Badegoulien, Magdalénien moyen et supérieur et des traces d'Azilien et de l'âge du Bronze (Fortea 2001, Fortea et al. 1992, 1995, 1999, 2004, 2007, González-Pumariega 2007, Ríos et al. 2007, Sauvet et al. 2008, Rasilla Vives et al. 2010, 2014, Rasilla Vives 2014).
L'usage de la grotte pour l'affinage du fromage a provoqué la destruction d'une partie des dépôts du vestibule, du cône antérieur et du cône postérieur.
Les altérations des parois et la composition géochimique du calcaire ont été étudiées en relation avec la conservation de l'art pariétal (Hoyos 1993a) et une aire de protection maximale a été délimitée (Hoyos 1993b ; voir BOPA du 2.10.2009). D'autre part, une étude de la contamination biologique du panneau principal a été entreprise en 1998 (Schabereiter-Gurtner et al. 2004). Actuellement, l'état de conservation n'est pas très bon.
La chronologie de l'art pariétal, établie à partir de la séquence stratigraphique du gisement, va du Gravettien au Magdalénien supérieur (Fortea et al. 2004). Une série de datations directes a été obtenue par 14C-AMS (Fortea 2000-2001, 2002, 2007a : 96-98). Elles s'étalent entre 10 070 ± 120 BP (GifA-95303) et 13 540 ± 170 BP (GifA-98205) soit entre 11 646 ± 227 et 16 342 ± 258 cal BP, mais ces dates, trop récentes pour la plupart, n'offrent pas d'information utile en raison de l'incompatibilité de certaines d'entre elles et du risque de contamination (souligné par le laboratoire).
La grotte de Llonín a été un lieu d'habitation de durée et d'intensité variables selon les époques, en même temps qu'un sanctuaire. Nous ignorons actuellement la saisonnalité des occupations des différents niveaux, car la faune et les marqueurs biologiques sont en cours d'étude.

Iconographie

Les représentations pariétales se répartissent en sept panneaux (fig. 1b). Elles commencent dans la galerie supérieure par un ensemble de signes rouges et dans l'intérieur de la salle principale par des biches peintes en rouge réalisées au tampon dans une niche (panneau 1). Dans une petite salle latérale se trouvent quatre bisons gravés (dont l'un est en partie doublé d'une peinture rouge), un ours et des spéléothèmes peints (panneaux 2 et Ea-b).
En descendant le cône de déjection, on arrive au panneau du cône postérieur (panneau 3) où l'on trouve des ponctuations rouges, des biches gravées en tracé multiple et striées, un taureau, et après, une zone où il y a encore quelques signes et biches (panneau intermédiaire 4). Puis, on atteint un grand panneau principal (panneau 5) et le panneau contigu (panneau 6) de 15 m de longueur sur 2 m de hauteur, entièrement peint et gravé sur un fond rouge (plus intense dans sa partie gauche que dans sa partie droite). On y lit divers signes (alignements de barres, de ponctuations noires, et rouges, de motifs triangulaires et un signe serpentiforme), des cerfs et biches, des bisons, des chevaux, des bouquetins et un anthropomorphe féminin. En outre, il semble que les représentations animales ne soient pas réparties au hasard dans la cavité : des biches à l'entrée, des bisons dans la salle, des biches dans le cône. La distribution spatiale est également particulière dans le panneau principal : les cervidés (mâles et femelles) se trouvent tout au long du panneau, les chevaux entre les mètres 3 et 4 (bien qu'il y en ait un autre à l'intérieur d'un bison au mètre 6, et un autre près d'un jeune renne au mètre 8), les bisons entre les mètres 6 et 8, les bouquetins entre les mètres 4 et 6 et 10 à 14, et les rennes aux mètres 8 et 9. De son côté, la galerie ne contient que des signes peints.
Du point de vue technique, on observe des peintures rouges (de différentes nuances), et noires, des gravures au trait simple ou multiple, ou utilisant le modelé strié. Les signes sont principalement faits en rouge et quelques-uns en noir. Les figures animales sont surtout gravées mais quelques-unes sont peintes en rouge ou en noir. Il y a même une figure bichrome et une autre, qui est à la fois peinte et gravée.
En se basant sur l'étude des superpositions, sur l'emploi des différentes techniques et sur l'analyse stylistique, Fortea et al. (2004) ont pu proposer une chronologie relative pour l'ensemble de l'art pariétal de Llonín. Ils distinguent cinq phases dont la phase III sert de référence chronologique puisque c'est celle des biches striées du type Castillo/Altamira (Magdalénien inférieur cantabrique). Les phases I et II seraient antérieures (gravettiennes ou solutréennes) et les phases IV et V appartiendraient au Magdalénien moyen et/ou supérieur.

Représentation(s) d'animal(aux)

Le nombre de bouquetins dans le panneau principal est de vingt-et-un (plus trois douteux) et de six dans l'art mobilier. À l'exception de deux exemplaires, tous sont situés dans une bande comprise entre 0,30 m et 1 m du sol original (Fortea et al. 1999 : 63-64). La longueur des bouquetins gravés oscille entre 30 et 40 cm – à l'exception d'un seul qui est plus grand – et celles des bouquetins peints entre 15 et 20 cm. Pour ce qui est de l'art mobilier, les bouquetins se trouvent sur deux objets singuliers du niveau IX du cône antérieur (Magdalénien supérieur). L'un est un fragment de côte qui porte quatre bouquetins en vision frontale (celui qui se trouve sur la face supérieure a une encornure adjacente qui peut appartenir à un autre bouquetin ou figurer une animation) et le protomé d'un autre de profil. L'autre pièce est un métapode avec une figure de capriné d'une morphologie particulière pour s'adapter à la forme de l'os et dont les pattes antérieures ne correspondent pas à un capriné.
La technique utilisée pour les bouquetins pariétaux est la gravure de tracé multiple et le modelé strié (l'un des bouquetins est entièrement couvert de hachures). Ils utilisent parfois la couleur rouge, présente antérieurement dans le panneau. D'autres sont en contour noir avec d'éventuels remplissages internes de même couleur. Les bouquetins mobiliers sont en gravure fine en dessinant seulement le contour, sauf le protomé qui contient des stries sur le cou.
Il semble qu'il y ait une planification décorative puisque l'on observe un positionnement spécifique des bouquetins dans le panneau principal, probablement parce que c'était la surface qui présentait le plus grand espace encore disponible à l'époque où ces figures ont été faites. En outre, ils forment un groupe évoquant probablement le comportement habituel de l'espèce dans le paysage.
Généralement, les bouquetins sont représentés complets (ou presque) et de profil, bien qu'ils se réduisent parfois à un protomé et une vision frontale (dans l'art mobilier exclusivement). Leur position est d'ordinaire statique. En général, les cornes sont faites d'une ou deux lignes courbes qui montrent l'appartenance à la sous-espèce pyrénéenne. En comptabilisant globalement les figures pariétales et mobilières, 48,1 % sont en profil droit, 37 % en profil gauche et 14,8 % en vision frontale.
En ce qui concerne la chronologie, Fortea et al. (2004 : 18-25) proposent une chronologie magdalénienne (phases IV et V). Mais il est difficile de différencier, pour diverses raisons, leur appartenance au Magdalénien moyen ou supérieur, bien que les arguments soient plus nombreux pour les attribuer au Magdalénien supérieur.
D'autre part, il ne semble pas y avoir de relation directe entre l'art mobilier et l'art pariétal puisque les caprinés en vision frontale n'apparaissent pas dans le panneau principal et que les deux autres bouquetins signalés dans l'art mobilier sur support osseux ne présentent aucun parallèle strict avec un bouquetin pariétal.

Animal(aux) emblématique(s)

Deux bouquetins, l'un relevant de l'art pariétal, l'autre du mobilier, peuvent être considérés comme emblématiques du site.
Le premier est le bouquetin à l'œil rouge (fig. 2) (Fortea et al. 2004). Ce bouquetin femelle, orienté à gauche, se trouve dans la partie centrale du panneau principal. Il est exceptionnel par son exécution et son réalisme dans le groupe des bouquetins de Llonín. Son contour dorsal est une large bande et l'intérieur a été un peu abaissé au moyen d'un raclage sur tout le corps afin de jouer avec la lumière et de lui donner du volume. Les cornes, les oreilles, les narines sont parfaitement détaillées ; l'œil apparaît en rouge car il s'agit d'un vestige du fond rouge préexistant. De même, il reste une « ligne » de cette couleur dans le tiers supérieur de la zone cervico-dorsale près de la tête, tirant profit de la couleur qui a été éliminée sur le reste du corps.
Le second bouquetin emblématique – un protomé finement détaillé – a été gravé sur une côte d'un grand herbivore provenant du niveau IX du cône antérieur (Magdalénien supérieur ; 110 par 47 par 4 mm), très bien conservé et fracturé anciennement aux deux extrémités. La pièce ne présente pas de marques techniques (perforation, lissage, etc.) et comme on n'observe pas de figure incomplète, il faut penser que le support s'est conservé dans son intégrité. La gravure est fine sur les deux faces et les signes et les bouquetins se lisent horizontalement (fig. 3).
Sur la face supérieure, on reconnaît le protomé d'un bouquetin mâle en profil gauche, par ses détails et son expressivité. Il possède deux cornes, une oreille, un œil, le museau, la bouche, la barbe et le cou. La figure est interrompue au niveau du poitrail par des lignes horizontales. Sous l'une d'entre elles, on distingue une tête de bouquetin en vision frontale, très schématique, figurée à l'envers. Le protomé est entouré de signes complexes. Une double ligne hachurée forme un angle en « V » pointé vers le bouquetin. À l'intérieur se trouve une ligne ondulée pectinée. Dans la partie supérieure de la pièce, une zone délimitée par un trait hachuré est remplie de chevrons accolés formant deux zigzags irréguliers entre lesquels des traits angulaires peuvent figurer une autre tête de bouquetin en vision frontale inversée. Deux zigzags verticaux complètent l'encadrement du bouquetin à sa droite.
La face inférieure de la côte est moins décorée. On y lit seulement deux têtes de caprinés en vision frontale, schématisées, similaires à une sagaie à double biseau de El Valle, avec une ligne de zigzag à leur droite. Ces bouquetins sont très différents de ceux de l'autre face, par leur morphologie et par leurs dimensions. La reconstruction technique de la gravure montre l'existence de modèles différents pour le tracé des cornes, des oreilles et du corps. Et il en est de même pour les divers zigzags, ce qui suggère des changements répétés d'orientation au cours de la gravure (Duarte et al. 2012).

Références

Berenguer 1979, Fortea et al. 1992, Hoyos 1993a et b, Fortea et al. 1995, 1999, Fortea 2000-2001, 2001, 2002, Schabereiter-Gurtner et al. 2004, Fortea et al. 2004, 2007, Fortea 2007, González-Pumariega 2007, Ríos et al. 2007, Sauvet et al. 2008, Rasilla Vives et al. 2010, Duarte et al. 2012, Rasilla Vives 2014, Rasilla Vives et al. 2014.

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Citer ce document

de la Rasilla Vives, Marco; Duarte Matías, Elsa; Rodríguez Otero, Vicente; Fortea Pérez, Javier 2022. Llonín, grotte (Peñamellera Alta, Asturies, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Juin 2023, consulté le 20 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6262

Citer le document original

de la Rasilla Vives, Marco; Duarte Matías, Elsa; Rodríguez Otero, Vicente; Fortea Pérez, Javier. Llonín, grotte (Peñamellera Alta, Asturies, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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