Las Caldas, grotte (Priorio-Oviedo, Asturies, Espagne)

Description

La grotte de Las Caldas fait partie d'un complexe karstique du Carbonifère inférieur. Elle comporte deux cavités qui communiquent entre elles (Caldas-I et Caldas-II) structurées en un réseau de galeries de plus de 1 km de longueur. L'entrée principale (Caldas-I) est orientée sud-ouest-ouest, à 160 m du niveau de la mer (fig. 1a).
Les premières fouilles réalisées dans la grotte (1971 et 1973) n'ont concerné qu'une surface de 3 m2, dans le passage, au pied du panneau des Gravures et à l'entrée de la salle I (Corchón et al. 1981). Les fouilles se sont ensuite étendues aux deux salles de la grotte et au talus extérieur (1981-1999) sur 25 m2.
La cavité principale (Caldas-I) renferme l'une des stratigraphies du Solutréen (17 niveaux) et du Magdalénien (16 niveaux) les plus importantes du sud-ouest européen. Le gisement fouillé sur 25 m2 est représentatif de la totalité des unités topographiques d'habitats (fig. 1b) : les salles I et II, le passage, et la plateforme extérieure. La séquence stratigraphique couvre près de 10 000 ans, depuis le début du Solutréen régional (Solutréen moyen) jusqu'à la fin du Magdalénien. Vingt-sept datations 14C-AMS vont de 20 250 ± 235 BP (Ua-15318) (24 403 ± 324 cal BP) à 12 595 ± 125 BP (Ua 10193) (14 841 ± 273 cal BP ; Corchón 1999, 2017a).
La salle I représente l'ensemble stratigraphique solutréen le plus important correspondant à la totalité du Solutréen cantabrique (niveau 19-base à niveau 3) ainsi que deux niveaux du Magdalénien supérieur et final (niveaux 2A et 2B). La salle II conserve un seul niveau de Solutréen final (niveau XIV) qui repose sur le substrat rocheux et un remplissage de niveaux magdaléniens (niveaux XIII à I et -III, -II, -I) couvrant lui aussi toute la séquence : Magdalénien ancien moyen (ancien et récent), supérieur et final. Dans les niveaux du Magdalénien moyen ancien, les plaquettes de grès sont si nombreuses qu'elles tapissent le sol au centre de la salle et jouent vraisemblablement un rôle d'isolant à l'humidité (5 709 plaquettes dans les niveaux IX à VI, concentrées sur 7 m2). Ces pavages rudimentaires sont bien connus au cours du Magdalénien moyen pyrénéen dans des gisements comme Enlène (Ariège) ou Isturitz (Pyrénées-Atlantiques). Un pourcentage faible mais constant de ces plaquettes (entre 8 et 4 %, selon les niveaux) présente des gravures. Cette pratique décroît notablement au cours du Magdalénien moyen évolué et pendant la transition avec le Magdalénien supérieur (respectivement niveaux V-IV et III, totalisant 1 363 plaquettes dont 3 % gravées) pour devenir beaucoup plus rare ultérieurement.
Les deux salles ont livré des sols d'habitat intacts, montrant que la cavité était occupée pendant toute l'année.

Iconographie

En ce qui concerne l'art pariétal, il existe des gravures linéaires et des signes sur la paroi droite, près de l'entrée de la grotte, à la lumière du jour. Il s'agit de profonds sillons linéaires en séries régulières qui sont recouverts par l'effondrement de grands blocs de la paroi, qui s'est produit au cours de la sédimentation du niveau 15, ce qui permet de les dater d'une période antérieure ou contemporaine du Solutréen moyen. Dans la zone médiane du passage, les gravures solutréennes sont remplacées par d'autres magdaléniennes ; les plus récentes, fusiformes, se superposent à des gravures de traits multiples représentant des signes de type claviforme et une stylisation féminine.
En ce qui concerne l'art mobilier, les collections des niveaux magdaléniens de la salle II comportent des gravures figuratives remarquables sur os, bois de cervidé et ivoire, ainsi que des perles dans ce même matériau ou en ambre et en jais. La collection de 410 plaquettes de grès et d'ardoise est exceptionnelle. La plupart proviennent des niveaux IX à VI du Magdalénien moyen (Corchón 2017a). Les niveaux solutréens de la salle I ont livré des supports en os, bois de cervidé et ivoire avec des décors linéaires typiques, mais les plaquettes gravées sont très rares (Corchón 2017b).
Les sujets figuratifs sur plaquettes magdaléniennes sont dominés par des herbivores de taille moyenne ou grande : des chevaux (n = 53), des bouquetins (n = 21), des cervidés (n = 25), des cerfs et biches, et seulement quelques bisons (n = 5), aurochs (n = 6) et bovinés indéterminés (n = 8). Il faut noter que Las Caldas concentre la majorité des bisons de l'art mobilier de la région cantabrique et que tous présentent un schéma graphique similaire à celui des bisons des Pyrénées françaises, ce qui montre l'étroite relation entre ces deux régions au Magdalénien moyen. D'autres motifs sont également emblématiques par leur rareté dans l'art mobilier cantabrique : le mammouth (n = 4), le renne (n = 3), le rhinocéros laineux (n = 2), l'isard (n = 2), l'hémione (n = 2) et l'ours (n = 1). À noter également le nombre d'anthropomorphes, masculins et féminins, qui représentent 7,1 % du total de la thématique figurative.
L'art mobilier magdalénien de Las Caldas comporte plusieurs types de gravure (trait fin, multiple, simple ou avec modelé, limites de pelage internes) ainsi que des reliefs (bas-reliefs, et relief différentiel), et de rares sculptures en ronde-bosse. Dans le Solutréen, c'est la thématique linéaire qui domine, sous forme de profondes séries de traits parallèles sur des pendentifs et d'autres supports mobiliers, et la gravure fine sur les plaquettes. Quelques-unes des plaquettes solutréennes présentent des bandes de peinture rouge ou noire et de grosses ponctuations dans ces mêmes couleurs.

Représentation(s) d'animal(aux)

Les vingt-et-une représentations de bouquetins sont gravées sur des plaquettes magdaléniennes. La plupart sont partielles ou incomplètes, voire figurent de simples cornes, mais de style très détaillé suivant les conventions de l'époque. Trois plaquettes se détachent de la collection par l'importance donnée aux caprinés : la plaquette de grès 551 (niveau VI) avec un cheval et un bouquetin formant une composition remarquable (superposition totale en opposition symétrique et en plein champ graphique ; fig. 2) ; trois plaquettes d'ardoise qui se remontent, 2521, 3370 et 2274 (niveau VII), pour former un grand bouquetin mâle superposé à une biche et un cervidé (fig. 3) ; la plaquette 2579 (niveau VII) avec un groupe de trois bouquetins superposés, dont un mâle, une femelle et un juvénile (fig. 4).

Animal(aux) emblématique(s)

Trois figures ont été retenues comme emblématiques du site.
Bouquetin de la plaquette 551 (niveau VI ; fig. 2). Plaquette de grès à grains fins comportant un cheval et un bouquetin inversés, réalisés en gravure profonde (fig. 2 ; Corchón 2017a: 794). Le cheval complet a été dessiné en premier, gravé en plein champ sur cette plaquette rectangulaire (crinière hachurée, deux pattes par paire dont les antérieures avec sabot). La pièce ayant été retournée à 180 degrés, un bouquetin de même taille a été gravé avec tous les détails habituels (œil, oreille, naseau, barbe, et surtout une longue corne à double courbure qui fait de lui un mâle). Les deux animaux forment une composition symétrique exceptionnelle : leurs corps sont exactement superposés et leur orientation étant inverse, ils semblent figurés nez à nez.
Les caractéristiques formelles et stylistiques de ce bouquetin rappellent vivement le bouquetin mâle de la plaquette 2579 ; le corps est gravé par une double ligne partant de la tête, du poitrail et du cou et avec un tracé profond pour le ventre, la croupe, le dos et l'encornure. Un autre aspect remarquable tient à l'intégration, dans la figuration, des irrégularités naturelles de la plaquette, notamment pour souligner le volume de l'épaule et l'insertion de la patte arrière dans le corps. La composition jouant avec la superposition des sujets occupant totalement ou partiellement l'espace décoré se lit sur d'autres plaquettes et blocs gravés du Magdalénien moyen de Las Caldas, comme dans d'autres cavités pyrénéennes de la même période telles qu'Enlène (Ariège).
Bouquetin des plaquettes 2521-3370-2274 (niveau VII). Cette plaque d'ardoise siliceuse rouge résulte du remontage de trois fragments (2521, 3370 et 2274) provenant de la salle II (niveau VII, Magdalénien moyen ; Corchón 2017a: 754). Le matériau provient de 7 ou 8 km de la grotte. C'est l'une des plus grandes plaques de l'art mobilier cantabrique (142 mm après remontage). La figure la plus visible est un grand bouquetin mâle (fig. 3).
La tête, l'encolure et le poitrail en profil gauche très naturaliste sont gravés en traits multiples profonds. Sa corne unique présente des nodosités. L'oreille, la ligne fronto-nasale, l'œil, le bout du nez, la barbe et le maxillaire sont indiqués.
Cette plaque a subi plusieurs phases de gravure. Tout d'abord, une biche complète aux extrémités très fines (inversée par rapport au bouquetin) puis, dans la même orientation, un cerf dont il ne reste que l'arrière-train (l'avant ayant été emporté par la fracture du support). Enfin, la pièce ayant été retournée à 180 degrés, c'est le bouquetin mâle qui a été profondément gravé en dernier sur les figures précédentes. Cette figure de bouquetin est l'une des plus achevées de l'art cantabro-pyrénéen. L'arrière-train de l'animal rempli de traits figurant le pelage se trouve sur les plaquettes 3370 et 2274. Au verso figure une tête de cerf partielle (ligne frontale, bois et oreille).
Bouquetins de la plaquette 2579 (niveau VII). Cette plaquette de grès micacé du Magdalénien moyen (niveau VII) comporte trois représentations de bouquetins (Corchón 2017a: 748 ; fig. 4).
La première est un protomé, gravé dans la partie centrale gauche de la pièce (ligne fronto-nasale, œil, nez, bouche, maxillaire, barbe et poitrail). Le second bouquetin, superposé au précédent, est complet (probablement une femelle, en raison de sa corne courte). Enfin, une petite tête de bouquetin, très détaillée, avec une corne annelée, se superpose aux deux premières. Les trois têtes se recouvrent ainsi partiellement et semblent figurer un groupe constitué d'un mâle, d'une femelle et d'un juvénile. Les figures sont gravées en combinant incision profonde avec un trait large raclé et, pour augmenter le volume de certaines parties, incision double associée à un raclage pour le chanfrein, le dos, le ventre et le poitrail de la femelle, et incision triple pour la partie inférieure (ganache et menton) de la tête du mâle.

Références

Corchón et al. 1981, Corchón 1999, 2007, 2017a et b.

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Citer ce document

Corchón Rodríguez, María-Soledad 2022. Las Caldas, grotte (Priorio-Oviedo, Asturies, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 14 Janvier 2024, consulté le 29 Mars 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6263

Citer le document original

Corchón Rodríguez, María-Soledad. Las Caldas, grotte (Priorio-Oviedo, Asturies, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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43.331771373478496, -5.929040600000001

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