Les bois des Cerfs

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La famille des cervidés est définie par la présence de bois, protubérances crâniennes osseuses développées à partir de l’os frontal, annuellement caduques (Crigel et al. 2001).

Chez le cerf, seuls les mâles portent des bois. Ils leur permettent principalement d’exprimer son statut social, d’assurer la dissipation des phéromones et d’engager des combats avec d’autres cerfs ou contre les prédateurs. Il arrive cependant – mais rarement - que chez les femelles poussent des bois, le plus souvent en raison d’anomalies chromosomiques ou endocriniennes (Haigh et Hudson 1993). À l’inverse, les bois peuvent manquer chez le mâle ce qui a généralement pour cause une sous-alimentation (Li et Suttie 1994) ou un taux de testostérone anormal au cours du jeune âge (Crigel et al. 2001).

Les bois du Cerf élaphe

Une ramure se compose de deux bois, un droit et un gauche. Leur morphologie est déterminée par le patrimoine génétique, ce qui rend improbable le développement de ramures identiques chez deux individus différents. Ceci posé, des éléments constants permettent de décrire un bois de cerf.

Description

Aspect extérieur : d’une couleur brun foncé, le bois du cerf (élaphe) est parsemé d’une granulation (ou perlure ou grain) qui s’étend à toute sa surface.

 

 

Schéma descriptif d’un bois de cerf (d’après Billamboz 1979 in Provenzano 2001).

Morphologie générale : le bois pousse en prolongement d’un pédicule osseux (ou pivot), structure permanente issue de l’os frontal. Sa base ou meule, forme la jonction entre le pédicule et le bois ; elle est entourée d’un cercle de pierrures et le médaillon en constitue sa face inférieure. À partir de la meule, se développe le merrain qui compose l’axe central du bois.

Andouillers : suivant les normes proposées par Billamboz (1979), on distingue le merrain A (meule à andouiller central) et le merrain B (andouiller central à empaumure) qui est généralement plus long et moins trapu que le merrain A (Provenzano 2001).

Les andouillers se détachent le long du merrain en se dirigeant vers l’avant et avec une disposition constante :

Empaumure : elle se développe à l’extrémité supérieure du bois et peut prendre plusieurs formes, y compris sur les deux bois d’un même individu : soit une grande pointe, soit deux pointes formant une fourche, soit au moins trois cors (ou épois) formant une réelle empaumure. La disposition des épois peut également varier et être notamment en U, en V ou en cœur (Crigel et al. 2001).

Trochure (ou andouiller de loup) : c’est un andouiller supplémentaire qui s’intercale parfois juste avant l’empaumure. Il est souvent compté dans l’empaumure.

Nombre de cors ou épois : le nombre maximal de cors s’élève à 20 par ramure mais 12 cors sont considérés comme la normale. Un douze-cors a donc 6 cors sur chaque bois.

En règle générale, avec l’âge, l’extrémité des andouillers s’appointe et se recourbe vers le haut, l’attache des andouillers avec le merrain forme un angle plus ouvert et les extrémités d’andouillers et d’épois sont entièrement calcifiées et montrent une surface lisse, sans perlure. De même, la courbure du merrain s’accentue avec l’âge, surtout celle du merrain B ainsi que celle du fût de l’andouiller central, (Provenzano 2001). 

Cycle de développement 

Le cycle de croissance des bois du cerf élaphe a été décrit depuis longtemps. En règle générale, les bois tombent et se régénèrent une fois par an, entre le printemps et l’automne.

Chez le mâle adulte, le cycle de croissance des bois commence quand il perd la ramure précédente, peu avant l’équinoxe de printemps. Le processus de chute des bois se déclenche lorsque la testostérone atteint son taux le plus bas (Wislocki et al. 1947). Cela commence par une résorption de l’os au sommet du pédicule, l’os étant alors progressivement remplacé par du tissu connectif qui maintient le bois en place sur le pédicule, mais moins fermement qu’auparavant (Harrisson Matthews 1972). La peau et les tissus sous-cutanés qui entourent le pédicule soulèvent, au fur et à mesure de leur croissance, le bord inférieur de la meule, jusqu’à ce qu’un petit choc ou, plus simplement, un mouvement de l’animal fasse tomber le bois sous son propre poids. Un bref épisode hémorragique se produit alors (Goss et al. 1992), suivi de la cicatrisation de la plaie qui, avant qu’elle ne se referme, permet au nouveau bois d’entamer une lente formation. Au bout de quelques semaines, la phase de croissance rapide aboutit à l’édification du bois en velours : pendant cet épisode, les bois sont revêtus d’une peau couverte de petits poils fins, le « velours » qui permet la vascularisation de l’os en formation par la présence de vaisseaux sanguins. À la fin de l’été, les nouveaux bois, toujours en velours, ont atteint leur taille définitive pour l’année. Au début de l’automne (août à octobre selon les régions, en Europe occidentale), cet apport sanguin est progressivement interrompu et le cerf se débarrasse du velours en frottant ses bois contre la végétation (Mathiasson et Dalhov 1987).

Dans l’ensemble, les bois poussent en 120 à 150 jours (Crigel et al. 2001) mais cette durée peut varier selon la région, l’âge et la forme physique de l’animal. La période de chute des bois varie selon les mêmes critères. Ainsi, les vieux cerfs perdent leur bois jusqu’à un mois avant les jeunes. Chez les adultes, ou plus largement, dans une même classe d’âge, les animaux en excellente condition les perdent aussi plus tôt que ceux qui le sont moins.

La croissance des premiers bois survient quand le jeune cerf arrive à maturité sexuelle car elle nécessite une stimulation androgène suffisante (Bubenik 1982). Une fois l’ébauche des bois établie, leur élongation commence jusqu’à la fin de leur croissance ; en été, ils perdent leur velours et prennent la forme d’une « dague ». La croissance des bois suivants prend alors un cycle qui devient régulier et rejoint progressivement celui des adultes. Dès la deuxième tête, les bois gagnent en complexité (présence des andouillers et des premiers épois d’empaumure). Par la suite, à chaque nouvelle tête, ils se développent en longueur et en massivité jusqu’à ce que le cerf atteigne un âge avancé (vers 10 ans) et « ravale » : ses bois perdent alors de l’ampleur et comportent moins d’épois.

Aline Averbouh, archéologue, spécialiste des industries en matières osseuses, Chargée de recherche hors classe au CNRS, UMR 7209 AASPE.

 

Citer ce texte : Averbouh A. 2023. Les bois du cerf élaphe  in : Averbouh A., Feruglio F. & Plassard F. Dir. Base Jean-Clottes - Animal Representation, Les représentations animales de la Préhistoire, "Dossier cerf",  mis en ligne le  18 octobre 2023

 

Références utilisées

Averbouh A., Feruglio V. 2016. L’ancrage du symbolique dans le réel – Réflexions sur les représentations de bois de cerfs à Lascaux (Dordogne, France), Hommage à Norbert Aujoulat, Paléo, numéro hors-série, 91-102.

Billamboz A. 1979. Les vestiges en bois de cervidés dans les gisements de l'époque holocène. Essai d'identification de la ramure et de ses composantes pour l'étude technologique et l'interprétation palethnographique. in : Camps-Fabrer H. Dir., L'industrie de l'os et bois de cervidé durant le Néolithique et l'Age des Métaux, Première réunion du groupe de travail n°3 sur l'industrie de l'os préhistorique, Abbaye de Senanque, 1976, Paris : CNRS Ed., 93-129.

Bubenik G. A. 1982. Physiology. In : Thomas J.W. et Toweil D.E. dir, Elk of North America, ecology and management. Harrisburg, Pensylvania : Stackpole Books,125-179.

Crigel M.-H., Balligand M., Heinen E. 2001. Les bois de cerf : revue de littérature scientifique, Annales de Médecine Vétérinaire, 145, 25-38.

Goss R.J., Van praagh A., Brewer P. 1992. The mechanism of antler casting in fallow deer. Journal Exp. Zool., 264, 429-436

Haigh J.C., Hudson R.J. 1993. Farming wapiti and red deer. Reinhardt R.W., Missouri, 369 p. 

Harrisson Matthews L. 1972. La vie des mammifères. In : La Grande encyclopédie de la nature, vol. 16, Paris-Montréal : Bordas éd. française (éd. originale anglaise 1971), 374 p.

Li C., Suttie J.M. 1994. Light microscopic studies of pedicle and early first antler development in red deer (Cervus elaphus). Anat. Rec, 21, 11-14.

Mathiasson S., Dalhov G. A 1987. Animaux Sauvages d’Europe. Gründ, éd française 1988, 279 p.

Provenzano N. 2001. Les industries en os et bois de cervidés des Terramares Emiliennes. Thèse de doctorat, université de Provence, Chenorkian dir., vol. 1, 299 p.

WIslocki G.B., Weatherford H.L., Singer M. 1947. Osteogenesis of antlers investigated by histological and histochemical methods. Anat Rec, 99, 265-284