Origine et zoologie du bouquetin

Systématique : 

Le bouquetin est classé dans l’ordre des Cétartiodactyles (anciennement Artiodactyles) : l’axe du membre passe entre les rayons no III et no IV, c’est-à-dire entre les métacarpiens/métatarsiens no III et no IV, qui deviennent dominants, et entre les doigts correspondants.  À la cheville, l’astragale (ou talus) dispose d’une double poulie qui s’articule avec la base du tibia d’une part et deux autres ossements de la cheville (cuboïde et naviculaire, fusionnés chez le bouquetin) d’autre part.

C’est un ruminant, et son estomac est constitué de trois pré-estomacs (le réseau, ou le bonnet ; le rumen, ou la panse ; le feuillet) et de l’estomac vrai glandulaire.
 

Répartition : 

On le trouve majoritairement dans les hauts reliefs de l’Eurasie, du Moyen-Orient et des îles méditerranéennes. En fonction des classifications, le nombre d’espèces est variable : entre huit et neuf : bouquetin de Sibérie, du Caucase oriental, du Caucase occidental, des Alpes, des Pyrénées, de Nubie, d’Abyssinie (considéré aussi comme sous-espèce du bouquetin de Nubie), markor, chèvre égagre (voir figure ci-dessous).

Les espèces actuelles (planche extraite de Crégut-Bonnoure E., 2021 a et b)

A. Bouquetin de Sibérie, Capra sibirica. Cliché Jean-Paul Crampe
B. Bouquetin du Caucase oriental, Capra cylindricornis. Cliché Nikoloz Kerdikoshvili
C. Bouquetin du Caucase occidental, Capra caucasica. Cliché Jean-Paul Crampe
D. Bouquetin de Falconer, Capra falconeri. Cliché Jean-Paul Crampe
E. Bouquetin de Nubie, Capra nubiana. Cliché François Grandin/MNHN
F. Bouquetin d’Ethiopie, Capra walie. Cliché Georges Courrèges in   “les Ethiopiens singulières” (ed.Hozhoni, 2018)
G. Chèvre aegagre, Capra aegagrus. Cliché Jean-Paul Crampe
H. Bouquetin alpin, Capra ibex. Cliché Jean-Paul Crampe
I. Bouquetin ibérique de Castille, Capra pyrenaica victoriae. Massif de Gredos, Espagne. Cliché Jean-Paul Crampe
 

Morphologie : 

Le bouquetin est un ongulé rupicole au corps trapu et aux membres puissants. Sa queue est courte, aplatie, sans poils sous le dessous.  Il présente une barbiche mais uniquement chez les mâles ainsi que des callosités aux genoux. Les membres reposent au sol sur les doigts, la dernière phalange étant protégée par un sabot qui est constitué d’une enveloppe cornée extérieure et d’une sole qui est un coussinet plantaire très élastique garantissant une excellente tenue sur les plus petites aspérités. Au-dessus du sabot, existent deux ergots. La dentition est adaptée à la consommation de végétaux, environ une vingtaine de kilos par jour.

 

Cornes :

Le crâne est coiffé de deux expansions frontales permanentes, les chevilles osseuses au centre cloisonné par de larges vacuoles. Elles sont recouvertes d’un étui en kératine constituant la corne proprement dite et dont la croissance est annuelle. Elle s’effectue entre mars et novembre et s’arrête en hiver ce qui se matérialise par un sillon. La corne est en conséquence parcourue par des anneaux de croissance annuels qui permettent de connaitre l’âge de l’individu. La corne est un organe de défense et de suprématie chez les mâles. Les deux sexes en sont coiffés. Elles sont allongées et situées immédiatement en arrière des orbites. Chez les femelles leur développement est faible, elles sont fines et courtes. Chez les mâles, elles sont volumineuses et adaptées aux combats frontaux. Leur forme varie en fonction des espèces (courbées vers l’arrière ou latéralement, en forme de sabre, lyrées, torsadées…). Il en est de même pour l’ornementation de la face antérieure (rostrale) (tubérosités, crans) et leur section (arrondie, aplatie, triangulaire).
 

Origine :

L’origine du genre Capra est une question ouverte. Les analyses génétiques et les données de la morphologie des squelettes plaident en faveur d’un ancêtre commun asiatique avec un autre ongulé de montagne, le tahr. Malgré plusieurs mentions du taxon en Eurasie au début du Quaternaire, les identifications sont sujettes à discussion.

Il faut attendre le Pléistocène moyen pour obtenir des données fiables. Ainsi, l’espèce caucasienne est présente en Transcaucasie à la fin de cette période. De même, le bouquetin alpin colonise l’Europe occidentale vers 250 000 ans, atteignant la France et la côte nord-est de l’Espagne. Vers - 80 000 ans, le bouquetin « pré-pyrénéen » se différencie sur les contreforts de la chaîne. Bien que son statut spécifique ne soit pas clair (bouquetin du Caucase dont il a toutes les caractéristiques morphométriques ou bouquetin alpin transformé par dérive génétique -phénomène de spéciation- ?) il est l’ancêtre du bouquetin des Pyrénées et des bouquetins ibériques.

Evelyne Crégut-Bonnoure, paléontologue, conservatrice honoraire, chercheuse associée à l’UMR 5608 TRACES 

 

Citer ce texte : Crégut-Bonnoure E., 2022. Origine et zoologie du bouquetin in : Averbouh A., Feruglio F. & Plassard F. Dir. Base Jean-Clottes, Les représentations animales de la Préhistoire (BJC), "Dossier bouquetin",  mis en ligne le 15 Novembre 2022, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/page/origine-zoologie-bouquetin

 

Références utilisées

Couturier M., 1962. Le bouquetin des Alpes. Couturier M. édit., Grenoble, 1962 : 1564 p.

Crégut-Bonnoure E., 2020. Les Ovibovini, Caprini et Ovini (Mammalia, Artiodactyla, Bovidae, Caprinae) du Plio-Pléistocène d’Europe : systématique, évolution et biochronologie. British International Series, 2975, I et II : 592 p. (Tableaux en ligne).

Crégut-Bonnoure E., 2021 a. Le bouquetin. In Averbouh A., Feruglio V., Plassard F. et Sauvet dir. Bouquetins et Pyrénées. Tome I De la Préhistoire à nos jours. Offert à Jean Clottes, conservateur général honoraire du Patrimoine, Aix-en-Provence : Presses Universitaires de Provence, PréMed, 23-30

Crégut-Bonnoure E., 2021 b. L’origine du bouquetin et des formes Capra ibex et Capra pyrenaica. In Averbouh A., Feruglio V., Plassard F. et Sauvet dir. Bouquetins et Pyrénées. Tome I De la Préhistoire à nos jours. Offert à Jean Clottes, conservateur général honoraire du Patrimoine, Aix-en-Provence : Presses Universitaires de Provence, PréMed, 33-36

Crégut-Bonnoure E., Fernandez Ph., 2018. Perspectives morphométriques et phylogénétiques du genre Capra au Pléistocène (Mammalia, Artiodactyla, Caprinae). É Debard, M. Faure, J. Argant, J.-F. Pastre coord., Vertébrés pléistocènes, hommage à Claude Guérin. Quaternaire, 29 (3) : 243-254

Crégut-Bonnoure E., Ureňa I., 2021. De l’ADN à la morphologie. In Averbouh A., Feruglio V., Plassard F. et Sauvet dir. Bouquetins et Pyrénées. Tome I De la Préhistoire à nos jours. Offert à Jean Clottes, conservateur général honoraire du Patrimoine, Aix-en-Provence : Presses Universitaires de Provence, PréMed, 31

Ureña I., Ersmark, E., Galindo-Pellicena, M.A., Crégut-Bonnoure, E., Samaniego, J.A., Olivencia, A., Rios-Garaizar, J., Garate, D., Gilbert, M.T.P., Arsuaga, J.L., Dalén, L., Valdiosera C., 2017. Unraveling the history of the European wild goats. Quaternary Science Reviews, 185 : 189-198