Représentation du Cerf

Le cerf élaphe mâle, a souvent été retenu comme porteur de sens ou de symbole dans un grand nombre de cultures. Sa vigueur au combat, son allure altière, sa physiologie immuable suivant les saisons et la dichotomie marquée des caractères sexuels l’ont fait appréhender de façon universelle à travers le temps et l’espace.

Il a, ainsi, été figuré de tout temps dans de nombreuses œuvres (peintures, gravures, sculptures) à caractère informatif (scènes de chasse) ou symbolique (religieux ou mythique) (Drouard 1980). 

Les cerfs sont, par exemple, un thème majeur de l'art de la grotte de Lascaux, alors qu'ils avaient une place vraisemblablement marginale dans l'environnement local à cette époque.  Souvent plus discrets que les grands aurochs, ils n’en constituent pas moins, par le nombre et leur récurrence au sein des dispositifs, un sujet d’importance. Les évocations du cerf à Lascaux occupent l’ensemble de la cavité, elles sont tantôt peintes au sein des grandes fresques, tantôt dessinées et tantôt gravées au cœur des palimpsestes de l’Abside et de l’Absidiole. Elles s’agencent en frise (Diverticule axial, Nef), en registre (Abside, Absidiole) ou sont totalement isolées (le cerf du Puits). Pour Norbert Aujoulat (2004),  ces représentations deviennent incontournables, puisqu’elles portent la marque de l’automne et viennent équilibrer les évocations de l’été et du printemps portées respectivement par le cheval et l’aurochs. Il devient alors évident que l’accent soit mis sur la ramure qui, dans tous les cas, est celle des mâles adultes dans leur pleine expansion c’est-à-dire à l’automne, moment du rut.

À l’âge du Fer, il est, par exemple, un animal psychopompe, capable de transporter les âmes au royaume des morts et d’en revenir (gravures du Val Camonica ou les pierres à cerfs de l’Altaï).

Il est certain que les bois majestueux qu’il porte (qui sont autant de trophées prisés aujourd’hui encore) et leur régénérescence, sont à l’origine de son statut mythique ou symbolique. En effet, au cours du rut, on entend non seulement son brame impressionnant (qui porte loin) mais aussi les sons frappants du choc des bois lorsque le dominant se bat contre son rival pour défendre son harem : à l’image du cerf combattant pour garder ses biches s’adjoint donc une sonorité violente, les deux associés pouvant être assimilés à l'archétype du comportement viril. De même, on peut comprendre que le renouvellement annuel de la ramure, qui se déclenche au printemps et qui marquera la vie et l’âge du cerf, puisse symboliser la renaissance et les rythmes de la vie. A ce titre, le cerf a communément été assimilé à la longévité voire à l’abondance et sa ramure, à l’arbre de vie.

 

Valérie Feruglio, archéologue, spécialiste de l’art préhistorique, chercheuse associée UMR 5199 PACEA

 

Citer ce texte : Feruglio V., 2023.  Repésentation du cerf in : Averbouh A., Feruglio F. & Plassard F. Dir. Base Jean-Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier cerf“, mis en ligne le 18 octobre 2023

 

Références utilisées

Aujoulat, N., 2004. Lascaux. Le geste, l'espace et le temps. Seuil, Paris. Collection «Arts rupestres», 274 p., 

Averbouh A., Feruglio V. 2016. L’ancrage du symbolique dans le réel – Réflexions sur les représentations de bois de cerfs à Lascaux (Dordogne, France), Numéro Hors Série en hommage à Norbert Aujoulat, Paléo, numéro hors-série, p. 91-102.

Drouard B. F. 1980. Les bois du cerf élaphe (Cervus elaphus). Aspects scientifique et culturel. Thèse de l’Ecole Nationale vétérinaire de Toulouse,175 p.