Le Portel, grotte (Loubens, Ariège, France)

Description

La grotte du Portel se situe dans le massif calcaire du Plantaurel (fig. 1a) qui constitue la limite nord du piémont pyrénéen. À 5 km à l'est se trouve la grotte de la Tuto de Camalhot (habitats aurignaciens, puis gravettiens) qui domine la large vallée de l'Ariège. Plus à l'ouest, à quelques kilomètres en continuant sur le piémont, s'ouvre l'immense porche du Mas-d'Azil.
La grotte commence par un étroit couloir pentu et se poursuit par une galerie d'accès où se trouvent, entre 50 m et 100 m de l'entrée, trois foyers magdaléniens attestant des passages de courte durée (Beltrán et al. 1966) avec une date par 14C de 12 760 ± 170 BP (GIF-2943) soit 15 156 ± 332 cal BP. La galerie d'accès est ornée à partir du deuxième foyer puis se divise en trois galeries ornées parallèles (fig. 1b). Les peintures de la galerie principale ont été découvertes par L. Jammes et R. Jeannel, celles des chevaux par F. Regnault (mars 1908) ; H. Breuil a ensuite découvert la galerie des Bisons en cassant des stalactites (avril 1908). À 250 m de l'entrée au fond de la galerie principale se trouve le gisement moustérien de l'arrière-fond, certainement en correspondance avec Le Portel ouest ; ce dernier gisement a livré plus de deux cent mille vestiges révélant une importante occupation néandertalienne avec, en outre, trente-quatre restes humains néandertaliens non loin d'un foyer surmonté d'un magnifique massacre de bouquetins (Capra caucasica praepyrenaica ; Crégut-Bonnoure 2007).

Iconographie

Le dispositif pariétal est composé d'une centaine de peintures ; il commence par des peintures attribuées au Magdalénien (chouette, cheval, bison). Puis, à partir de la grande salle au pied de l'éboulis, une nappe de points rouges semble indiquer le début du « sanctuaire ancien ». Celui-ci se prolonge pour l'essentiel dans la galerie principale, où se succèdent surtout des chevaux d'un style plus archaïque, proches sur le plan technostylistique de ceux du Pech Merle. Citons aussi deux anthropomorphes, divers signes, deux bisons et un cervidé. Le « sanctuaire récent » magdalénien se prolonge dans les deux autres galeries parallèles présentant chacune un thème dominant, les chevaux pour l'une et les bisons pour l'autre. C'est par l'étude de l'art du Portel par H. Breuil et R. Jeannel (1955) que A. Leroi-Gourhan prit conscience, pour la première fois, de l'organisation des décors des grottes autour de thèmes principaux.
Les peintures noires sont dessinées à l'oxyde de manganèse et les dessins au charbon de bois. Parmi ces derniers, deux chevaux ont pu être datés par 14C-AMS et ont donné, respectivement, 12 180 ± 125 BP (GifA-9465) soit 14 129 ± 242 cal BP et 11 600 ± 150 BP (GifA-9466) soit 13 439 ± 152 cal BP (Igler et al. 1994). La gravure est souvent postérieure à la peinture, pour ajouter des détails ou pour conforter une ligne ; seuls trois chevaux, deux bisons, des « comètes » et un poisson sont gravés. Le rouge correspond à de l'oxyde de fer vraisemblablement recueilli à quelques kilomètres de la grotte ; il est surtout réservé aux points, à des signes puis à quelques bisons ou chevaux autant d'un style ancien que récent. Si chaque peinture est unique, de nombreuses œuvres interpellent par leur qualité artistique ; citons en particulier le célèbre « Cheval piaffant », la frise des trois bisons et le grand panneau des chevaux archaïques. D'une manière générale, les panneaux se succèdent avec une qualité artistique qui monte en puissance plus on s'approche du fond des galeries.
C'est le cas du Camarin où se situe le bouquetin du Portel, non loin du fond de la galerie des Bisons. Il s'agit d'une petite niche très ornée avec, en position dominante, un cheval surmontant un bison peint et un bison gravé, une comète, puis une ramure de cervidé à droite faisant face au bouquetin à gauche. Divers signes rouges, des pointillés noirs et un anthropomorphe complètent l'ensemble.

Représentation(s) d'animal(aux)

Seul le bouquetin du Camarin (fig. 2) est bien caractérisé et référencé à ce jour (Le Portel f.1). Il est dessiné en noir (oxyde de manganèse) vu de profil avec un cornage en perspective tordue. Le cou puissant et large est typique d'un mâle, vraisemblablement âgé, eu égard au développement des cornes. La ligne dorso-lombaire se termine par un petit amas de peinture évoquant une queue relevée. Le tracé est plus épais au garrot évoquant le sommet du pli de l'épaule. Les membres sont ébauchés ; sur l'antérieur, le coude est figuré. La ligne ventrale est assez effacée jusqu'au fuyant du flanc.
H. Breuil a attribué cette représentation chronologiquement au cycle ancien (Périgordien), comme la ramure de cervidé en perspective tordue à l'entrée du Camarin. Stylistiquement, selon nous et en accord avec H. Breuil, il est probablement attribuable au Gravettien*. Par contre, A. Leroi-Gourhan le rajeunissait et le classait au Magdalénien comme la quasi-totalité des représentations du Camarin. Il fait remarquer qu'il serait bien improbable que ce bouquetin ait été dessiné au Gravettien, sans aucun contexte, pour que 8 000 ans plus tard, il constitue un ensemble cheval-bison-bouquetin typiquement magdalénien (Leroi-Gourhan 1965 : 303). Du reste, des bouquetins aux cornes en arc de cercle symétriques sont encore figurés au Magdalénien (Montgaudier, Cueva Morín, Niaux, Le Ker de Massat).
Deux autres représentations évoquent d'une manière très incertaine des bouquetins. Le plus net serait un « bouquetin tombant » avec uniquement une ligne cervico-dorsale (fig. 3) ; il est situé dans une niche de la galerie principale en face du départ de la galerie des bisons, caché derrière une draperie. Une autre représentation selon A. Leroi-Gourhan est située au-dessus d'un cheval noir très près du sol dans la galerie principale en face des chevaux archaïques. Il est très effacé et difficile à lire. Il n'a donc pas été référencé dans l'inventaire comme le cas précédent.

Références

Breuil & Jeannel 1955, Leroi-Gourhan 1965, Beltrán et al. 1966, Igler et al. 1984, Crégut-Bonnoure 2007.

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Citer ce document

Alzieu, Jean-Pierre; Vezian, Régis 2022. Le Portel, grotte (Loubens, Ariège, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Juin 2023, consulté le 25 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6186

Citer le document original

Alzieu, Jean-Pierre; Vezian, Régis. Le Portel, grotte (Loubens, Ariège, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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Portel fiche 01

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43.0430976217, 1.5546667982

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