El Salitre, grotte (Miera, Cantabrie, Espagne)
Description
La grotte d'El Salitre se trouve à proximité du village d'Ajanedo (commune de Miera, province de Cantabrie), sur la rive droite du fleuve Miera, non loin de sa confluence avec le Portillo de Lanada. L'entrée de la grotte se trouve au pied d'une falaise qui domine la plaine de Collado de los Lobos, à 200 m au-dessus du fleuve, qui débouche 20 km plus loin dans la baie de Santander, à la hauteur de Somo.
L'entrée de la grotte a des dimensions considérables, avec près de 20 m de large (fig. 1a). Sa morphologie se résume à une simple galerie large et rectiligne avec un unique coude à mi-parcours. À partir de là, elle se réduit doucement jusqu'à se colmater à 170 m de l'entrée.
La grotte possède un gisement archéologique qui a été découvert par P. Sierra (Alcalde del Río et al. 1912 : 23-34), en même temps que la perte d'intégrité des couches d'occupation due à l'utilisation des sédiments par les cultivateurs locaux comme engrais. Les fouilles ont été différées jusqu'à ce que J. Carballo les entreprenne au cours de la seconde moitié du xxe siècle. Les résultats n'ont jamais été publiés et nous ne connaissons que la découverte du premier harpon azilien du pays et d'une pièce osseuse avec un cerf peint en rouge aujourd'hui disparu (González Morales 2002 : 35). À partir de 1979, V. Cabrera et F. Bernaldo de Quirós ont repris des fouilles dont les résultats sont également inédits. Les indices dont nous disposons (Cabrera Valdes & Bernaldo Quirós 1981) montrent une occupation prolongée du gisement durant la plus grande partie du Paléolithique récent (Aurignacien, Solutréen, Magdalénien) et durant l'Azilien.
Iconographie
Les vastes dimensions de la grotte permettent de différencier facilement les espaces qui se succèdent au long du parcours. Le premier correspond à la zone proche de l'entrée, très altérée par l'extraction d'engrais, ainsi que par la chute de blocs de la voûte. Les motifs se situent sur la paroi gauche et leur état de conservation est déplorable. La totalité des motifs est exécutée en rouge au tracé linéaire ou ponctué. Vers le fond de la cavité se succèdent, à gauche, deux autres panneaux, l'un avec des tracés digitaux et l'autre, tout au fond, comporte trois représentations animales peintes en noir également mal conservées.
Les peintures rouges dominent. Elles correspondent à la tradition cantabrique des peintures tamponnées amplement documentées (Covalanas, La Haza, Pondra, La Pasiega, Altamira, El Castillo), comme le montrent les thèmes et conventions graphiques reconnus, ainsi que les procédés techniques utilisés. Bien que nous n'ayons pas de datations directes, ni aucun contexte archéologique fiable pour El Salitre, les données d'autres cavités qui renferment le même type de manifestations permettent d'affirmer que les peintures rouges d'El Salitre appartiennent très probablement au Gravettien cantabrique.
Plus délicate est l'attribution culturelle des petites figures noires de la salle terminale. Leurs caractéristiques techniques, leur format et leur disposition sur la paroi les rendent complètement différentes des figures rouges (fig. 2). Sur le plan stylistique, les figures ont des traits qui sont souvent associés à des phases anciennes de l'art paléolithique comme le prolongement de la ligne frontale pour faire les oreilles. En outre, ces figures noires, de très petite dimension et placées bas sur la paroi, sont très rares, voire inexistantes au Gravettien cantabrique et beaucoup plus fréquentes dans les phases finales du Magdalénien (Las Monedas, Santimamiñe, ou Urdiales).
Pour ces différentes raisons, nous considérons qu'il y a deux phases décoratives dans la grotte. La première, liée aux figures et marques rouges, correspondrait aux phases anciennes du Paléolithique récent (environ entre 30 et 26 000 cal BP) ; la seconde correspond aux figures noires de petite dimension pour lesquelles nous n'avons aucune évidence chronologique, mais nous les croyons postérieures aux figures rouges, probablement magdaléniennes (Salazar et al. 2019).
Représentation(s) d'animal(aux)
Dans la grotte d'El Salitre, on peut identifier trois représentations de bouquetins répartis en deux panneaux dans deux secteurs différents. Toutes sont très dégradées, ce qui rend leur identification difficile. En outre, leurs propres caractéristiques formelles, incomplètes, manquant d'éléments diagnostiques, complique encore la tâche. Dans le panneau principal de la grotte, on trouve les cornes et le dos de deux bouquetins en tracé ponctué rouge, associés à des figures de même style, ce qui permet de les attribuer à la tradition graphique des peintures ponctuées rouges du Gravettien et du Solutréen (Gárate Maidagán 2010 ; fig. 3). Le troisième bouquetin, peint en noir, se trouve dans la salle terminale. Il s'agit d'une tête minuscule associée à d'autres figures noires de petit format (un possible cheval et une biche), que nous attribuons avec réserve au Magdalénien.
Animal(aux) emblématique(s)
Le bouquetin emblématique est un petit protomé. C'est la figure la plus petite de la grotte, qui ne mesure pas plus de 8 cm de longueur (fig. 4). Elle se trouve dans la salle terminale, à quelques centimètres seulement du sol actuel. Elle est exécutée en quelques traits linéaires noirs, probablement du manganèse. La représentation se limite à une tête triangulaire, surmontée de deux cornes légèrement divergentes et se poursuit à droite par deux traits formant le début de la ligne dorsale et le poitrail.
La construction de la figure est intéressante à observer. La première corne est dans le prolongement de la ligne frontale, tandis que la seconde part de la ligne cervico-dorsale, laissant entre les deux un espace vide. Cette figure est une expression, simplifiée à l'extrême, d'un bouquetin encore naturaliste, mais tendant à devenir une simple marque identitaire de son espèce.
L'état de conservation est malheureusement déficient en raison du lessivage par l'eau qui a détérioré visiblement le pigment.
Références
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Citer ce document
Salazar Cañarte, Sergio; Gárate Maídagán, Diego 2022. El Salitre, grotte (Miera, Cantabrie, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir.
Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire,
"Dossier Bouquetin",
mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Mai 2024, consulté le 3 Décembre 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6225
Citer le document original
Salazar Cañarte, Sergio; Gárate Maídagán, Diego.
El Salitre, grotte (Miera, Cantabrie, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir.
Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire,
2022, 654 p.
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