Richard, grotte (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne, France)

Description

La grotte Richard, du nom de son ancien propriétaire, ou grotte des Eyzies, s'ouvre 35 m environ au-dessus de la rive droite de la Beune, près de sa confluence avec la Vézère, dans la ligne de falaises qui surplombe le village des Eyzies (Cleyet Merle & Bouchard 1990). De forme ovoïde, son porche mesure 9 m de large et 3,20 m de haut (fig. 1a). Les dimensions de la cavité sont de 15 m de large et 11 m de profondeur (Andrieux & Bouvier 1967).
Elle est sans doute l'une des toutes premières grottes de la région à avoir livré du matériel archéologique. En effet, dès 1862, É. Lartet est informé que des fragments de brèche fossilifère sont exposés dans la vitrine d'un antiquaire parisien, J. Charvet. Cette découverte le conduit, avec son ami et mécène H. Christy, à organiser une expédition aux Eyzies dès 1863. Ils entreprennent de démonter chacune des plaques de brèche reposant encore sur le sol de la grotte. Cette expédition suscite, outre l'exploitation de la grotte jusqu'en 1864, des fouilles sur les gisements de Gorge-d'Enfer, de Laugerie-Basse et de Laugerie-Haute. Ces travaux poseront les bases de l'archéologie préhistorique périgourdine et donneront sa renommée à la vallée de la Vézère.
Des fragments de brèche de la grotte ont été dispersés dans de nombreux musées en France, en Europe et de par le monde afin de constituer des collections archéologiques de référence. Du fait de cet éparpillement, le matériel archéologique est assez mal connu. Toutefois, les fouilles d'É. Lartet et H. Christy ont livré une abondante industrie lithique et osseuse ainsi que de remarquables objets d'art mobilier attribuables pour l'essentiel au Magdalénien supérieur (Daniel 1972). En effet, l'équipement lithique compte de très nombreux burins, dont des becs-de-perroquet, mais aussi des grattoirs, des perçoirs, des lames tronquées, des lamelles à dos en abondance, des pointes à cran magdaléniennes et des pointes de Laugerie-Basse. De plus, de rares documents nous apprennent que les déblais des fouilles ont livré un équipement en matières osseuses marqué par la présence notable de harpons à une ou deux barbelure(s) unilatérale(s), de fragments de harpons à barbelures bilatérales, de pièces biseautées et de baguettes demi-rondes. L'ocre est également présente en très grande quantité dans le site.
Deux autres périodes chronoculturelles, respectivement antérieure et postérieure au Magdalénien supérieur, ont également été identifiées : le Solutréen est représenté par quelques éléments, tels que des pointes à pédoncule, des feuilles de saule et des pointes à cran, contenus dans un segment de brèche ; l'Azilien est attesté par quelques pointes typiques dites « aziliennes ».

Iconographie

La grotte Richard a livré plus de soixante-dix objets d'art mobilier datant de la fin du Magdalénien. Quarante-six sont conservés au musée d'Archéologie nationale, à Saint-Germain-en-Laye ; ils proviennent de différentes collections (Peyrony, Capitan, Rome, Lartet et Christy, Lamarre…). Une trentaine sont aujourd'hui au British Museum, dont vingt-huit appartiennent à la collection Christy et deux à la collection Peccadeau de l'Isle (Sieveking 1987).
Sur les 46 objets gravés du MAN, 31 sont ornés de motifs figuratifs et 11 de signes géométriques ; 25 sont gravés sur bois de cervidé et os, et 21 sur des matières minérales – dont 11 sur plaquettes de schiste. La technique est limitée à la seule gravure. Le bestiaire classique rassemble des représentations d'herbivores (chevaux en particulier) et de grands bovinés, mais également des thèmes plus rares – des oiseaux, un ours et des motifs anthropomorphes, comme un phallus et un visage humain stylisé (Deneuve & Man-Estier 2016)
La collection Henry Christy, conservée depuis 1884 au British Museum, rassemble une trentaine de pièces comprenant des gravures sur scapulae (omoplates) et sur plaquettes de schiste ainsi qu'une pendeloque ornée d'un glouton (fig. 2). Rarement figuré, l'animal est ici reproduit de façon très détaillée en train de marcher. Les thèmes les plus fréquents de la série sont les chevaux, les bouquetins et les bovinés, suivis des cervidés et des rennes.

Représentation(s) d'animal(aux)

Les bouquetins sont bien représentés dans la grotte Richard puisque, toutes séries confondues, on en décompte douze à ce jour, répartis sur quatre pièces seulement. C'est le deuxième animal le plus figuré après le cheval (n = 13).
Dix figures sont complètes. Deux sont conservées sur des portions d'objets cassés (Capitan et al. 1906). C'est le cas d'une magnifique représentation de bouquetin mâle gravée sur un fragment de diaphyse d'environ 6 cm de longueur (fig. 3a). L'animal, dont le corps, une partie de l'œil, la queue et les pattes avant sont conservés, possède une grande corne courbe dont une partie du bord supérieur a été emportée par la cassure. De même, on reconnaît le naseau, la barbiche et le cou d'un capriné exécutés de manière réaliste sur un fragment de bâton percé en bois de renne (fig. 3b).
Ce sont toutefois les représentations complètes, organisées en frises, qui retiennent l'attention. Le premier cas (fig. 4) montre, sur chaque face d'une baguette à biseau double fracturée, une paire de bouquetins en file (Sieveking 1987). Apparaissant en profil droit ou en profil gauche selon la face, les animaux ont un pelage bien marqué par une série de petites incisions régulières, perpendiculaires ou obliques par rapport à l'axe longitudinal leur corps. Leurs pattes n'ont pas été représentées. Leurs cornes sont plutôt courtes et à courbure unique pour les quatre bouquetins, mais, sur une même face, leurs nodosités frontales sont figurées.
Le deuxième objet (fig. 5), conservé au musée national de Préhistoire (MNP 1996-3-1), est une œuvre exceptionnelle, emblématique de la grotte des Eyzies (Sonneville & Laurent 1968).

Animal(aux) emblématique(s)

Ce fragment de côte d'un grand herbivore est gravé d'une frise de six bouquetins (fig. 5) que l'on peut considérer comme emblématiques de la grotte Richard. Les animaux sont représentés en profil gauche avec des cornes vues en perspective. Certains sont dessinés bouche entrouverte. Le tracé des naseaux est figuré pour deux d'entre eux. Le pelage des joues est représenté par des séries d'incisions fines. Ces représentations sont très naturalistes et rappellent la forme alpine, Capra ibex (courbure régulière des cornes), puisque c'est celle qui peuplait le Périgord aux temps glaciaires. L'absence de barbiche et la longueur modeste des cornes pourraient évoquer des femelles.
L'autre face de cette pièce est gravée de traits subverticaux aux dimensions irrégulières, sur une large partie de l'objet, ainsi que de deux chevaux en profil gauche également complets. Ils sont cependant moins détaillés que les bouquetins de la face opposée.

Références

Capitan et al. 1907, Andrieux & Bouvier 1967, Sonneville & Laurent 1968, Daniel 1972, Sieveking 1987, Deneuve & Man-Estier 2016.

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Citer ce document

Bonnet-Jacquement, Peggy 2022. Richard, grotte (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne, France) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 7 Janvier 2024, consulté le 25 Avril 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6242

Citer le document original

Bonnet-Jacquement, Peggy. Richard, grotte (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne, France) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

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44.936277307738116, 1.0121909000000002

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