El Morrón, grotte (Torres, Jaen, Espagne)
Auteur
Description
La grotte d'El Morrón se trouve au sud de la péninsule ibérique, en Andalousie, dans la province de Jaén, commune de Torres. Les peintures pariétales ont été découvertes en 1981, par le groupe spéléologique de Burgos. L'année suivante, une première étude a été publiée (Sanchidrián 1982) ainsi qu'une rapide monographie de la cavité (López et al. 1982). En 2014 a été mis en œuvre un projet de recherche, dirigé par M.A. Medina-Alcaide, visant à préciser l'état de conservation et à déterminer les moyens nécessaires à la préservation du site (Sanchidrián et al. 2015, 2017).
La caverne est située à 1 000 m d'altitude et se développe horizontalement sur un axe nord-est-sud-ouest. Elle présente une salle centrale et quelques galeries latérales (fig. 1b). L'entrée actuelle est une ouverture d'environ 1 m dans sa plus grande largeur (fig. 1a), qui débouche sur un cône d'éboulis donnant accès à une salle de plus grande dimension (34 m de long et 25 m de large), dite Salle principale. Dans la partie gauche de la Salle principale s'ouvre la galerie latérale, très pentue et de dimensions limitées. Au plafond de la partie profonde de la Salle principale et sur la droite se trouve une ouverture communiquant avec une autre galerie ascendante, dite galerie de la Cheminée. Enfin, au plus loin de l'entrée, se trouve la zone ornée, limitée par la paroi rocheuse et par les pans verticaux de grands blocs d'effondrement. Ce Camarin des Peintures a des dimensions réduites, avec 8,90 m de long, 3,80 m de large et 1,60 m de haut.
La grotte ne recèle aucun dépôt sédimentaire d'occupation pléistocène et peut donc être considérée comme un « sanctuaire ».
Iconographie
L'art de la grotte d'El Morrón est uniquement constitué de peintures pariétales. L'inventaire des œuvres est très limité et seuls cinq groupes de traces graphiques ont jusqu'ici été identifiés, tous dans la partie la plus éloignée de l'entrée : au fond de la Salle principale et dans le Camarin des Peintures. Cependant, nous ignorons si des motifs préhistoriques sont cachés par l'épaisse couche de noir de fumée qui s'est déposée sur une grande partie des parois de l'entrée et de la Salle principale – à la suite des grands feux de camp allumés par les villageois au cours des siècles passés. En l'état actuel des recherches, on décompte au total dix-sept éléments graphiques répartis de la manière suivante : sept taches de couleur rouge, trois tracés linéaires noirs, cinq lignes rouges qui pourraient constituer une figuration animale et deux représentations de bouquetins. Ainsi le répertoire figuratif est-il limité aujourd'hui à ces deux caprinés.
Représentation(s) d'animal(aux)
L'ensemble pariétal de la grotte d'El Morrón est limité et pourrait laisser imaginer une spécialisation thématique autour du bouquetin, dont deux spécimens sont figurés, l'un en rouge et l'autre en noir (fig. 2 et 3).
Comme nous l'avons précisé, ces deux figurations sont situées dans le Camarin des Peintures, un espace étroit, au plafond bas, caché au fond de la caverne. Les images sont disposées sur une espèce de dièdre rocheux dont la partie en plafond est ornée du bouquetin rouge, et le pan vertical, de la représentation noire. Toutes deux sont de profil gauche. Seules une ou deux personnes couchées sur le dos sous le dièdre rocheux peuvent avoir une vision simultanée des deux images.
Le bouquetin rouge (fig. 2) est situé à 85 cm du sol actuel et mesure 24 cm de long et 16 cm de haut. La tête est imprécise, bien que la barbe soit indiquée, ainsi qu'une grande corne à double courbure (fig. 2). La ligne de dos est sinueuse et la queue est figurée par une tache isolée. Les deux pattes postérieures sont peintes et l'une présente l'ébauche de la figuration des articulations. De même, les deux antérieures sont figurées, tendues vers l'avant, par des lignes parallèles qui confèrent à l'image une attitude de saut.
Enfin, cette image est remarquablement changeante en fonction de la position de l'observateur.
Au total, le style est plus épuré que pour le sujet noir (fig. 3), bien que l'on retrouve les caractères formels du « fonds commun » de l'art prémagdalénien. Les quatre membres sont figurés d'un trait, sans que les sabots soient indiqués. Le ventre est peint d'une double ligne qui figure sans doute des nuances de pelage. L'animal est dans une attitude dynamique qui rappelle à la perfection un autre capriné figuré sur une plaquette du Solutréen moyen du Parpalló : une animation coordonnée volante, un modelé intérieur et des extrémités non détaillées.
Le bouquetin noir se trouve à 110 cm au-dessus du sol actuel et mesure 20 cm de long pour 19 cm de haut. On peut lire les deux cornes en simple courbure, la ligne dorsale avec la croupe arrondie qui se perd au niveau du train arrière (dont il ne reste que quelques traces), la patte avant, et une ligne de poitrail qui définit un cou épais figurant un animal massif voire lourd (fig. 3).
Les proportions sont peu réalistes (ou naturalistes) avec un corps massif et déséquilibré, une tête petite par rapport au corps et peu de détails anatomiques. L'unique élément diagnostique de l'espèce est l'encornure, figurée suivant un schéma en « V », produisant une perspective « tordue » et, dans ce cas, plutôt une forme en « Y » résultant de deux arcs de cercle convergents vers le sommet de la tête de l'animal. Le dessin est focalisé sur la partie antérieure du sujet, délaissant l'arrière-train, comme on peut le voir sur un bouquetin du Solutréen ancien du Parpalló (Valence). Au total, cette figuration réunit tous les éléments de l'art pariétal paléolithique archaïque ou prémagdalénien que sont le non-respect des proportions anatomiques, le désintérêt pour le contour, la perspective biangulaire-droite pour l'encornure et l'absence des organes sensoriels et de détail interne.
Références
Licence
Droits
L’ensemble des textes et des images déposés dans la Base Jean Clottes (BJC) sont soumis au droit d’auteur et sont, à ce titre, protégés par les droits de propriété intellectuelle. Toute demande d’utilisation totale ou partielle des textes ou des images doit être soumise au conseil scientifique qui transmettra aux auteurs. Toute utilisation sans accord et citation des auteurs est passible de poursuites judiciaires. Les références doivent être citées comme suit.
Citer ce document
Luis Sanchidrián Torti, José 2022. El Morrón, grotte (Torres, Jaen, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir.
Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire,
"Dossier Bouquetin",
mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 21 Mai 2024, consulté le 21 Novembre 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6249
Citer le document original
Luis Sanchidrián Torti, José.
El Morrón, grotte (Torres, Jaen, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir.
Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire,
2022, 654 p.