Tito Bustillo, grotte (Ribadesella, Asturies, Espagne)

Description

La grotte de Tito Bustillo (commune de Ribadesella) fait partie de l'ensemble kartisque du massif des Ardines, situé à l'embouchure de la rivière Sella, dans la partie orientale des Asturies.
Tito Bustillo se développe sur 600 m de longueur avec une orientation sud-ouest – est et quelques galeries latérales. L'entrée originelle est obstruée par un effondrement et l'accès se fait actuellement par un tunnel artificiel ouvert à l'opposé. La grotte a été découverte en 1968 grâce à l'existence d'un gouffre qui a permis d'y accéder malgré l'effondrement qui en bloquait l'accès.
Les premières fouilles archéologiques ont été conduites en 1970 (García Guinea et al. 1975) et ont abouti à la publication des premières recherches sur l'art rupestre du site (Jordá Cerdá et al. 1970). De 1972 à 1989, J.A. Moure et R. de Balbín, alors responsables de l'étude archéologique et artistique de la grotte, ont élargi les zones de fouille et de découvertes et publié plusieurs ensembles décorés (Moure Romanillo 1989, Balbín Behrmann de 1989). Depuis 1999, un nouveau projet de recherche a été mis en place afin de compléter la documentation graphique et archéologique (Balbín Behrmann (de) et al. 2017).
Dans la zone d'entrée (zone XI), une aire de séjour (A1 du plan) fouillée par A. Moure (1979, 1989, 1997) a été initialement attribuée au Magdalénien supérieur en raison de la présence de harpons unibarbelés, mais les dates 14C-AMS varient entre 12 850 ± 90 BP (OxA-6259) et 14 680 ± 110 BP (OxA-6262) soit entre 15 357 ± 154 cal BP et 17 864 ± 143 cal BP. Aujourd'hui, le niveau inférieur (II et Ic) est attribué au Magdalénien moyen (Utrilla 1981, González Sainz 1994, Álvarez Martínez 2002, Balbín Behrmann (de) & Alcolea González 2013), peut-être même à une période plus ancienne (sagaies courtes à long biseau de type Lussac-Angles), et seule la partie superficielle (Ib et Ia) appartiendrait au Magdalénien supérieur initial. Des fouilles conduites sous le grand panneau peint (zone B, secteur X) ont fourni des matériels liés à l'activité artistique (restes de colorants) et une date 14C de 13 520 ± 110 BP (OxA-6258) soit 16 296 ± 174 cal BP (Moure Romanillo et al. 1996). Récemment, un autre secteur de la zone XI (A3 du plan) a été identifié, mais n'a pas été daté (Balbín Behrmann (de) et al. 2016).
Les vestiges fauniques comportent cerf, bouquetin, poissons (saumon, truite) et différentes espèces de mollusques marins. La grotte de Tito Bustillo aurait connu une occupation de longue durée tout au long de l'année (Gómez Fuentes 1983), selon des modèles théoriques construits à partir de l'analyse de la faune et du pollen. Il convient, toutefois, de préciser que les études sur la saisonnalité n'ont pas encore été conduites.

Iconographie

L'art pariétal est réparti en douze ensembles dont quelques-uns sont attribués à des périodes anciennes du Paléolithique récent. Il s'agit – dans la majorité des cas – de peintures rouges situées dans les zones profondes, avec des représentations d'anthropomorphes, des vulves et une main négative. Les premiers éléments du panneau Principal sur lequel se succèdent plusieurs phases de décoration peuvent s'y rattacher.
Cet ensemble se démarque surtout par son art magdalénien, avec des figures de chevaux et de rennes de grande taille, situées pour certaines à 3 m de haut. Dans ce panneau, une importante variété de ressources techniques a été utilisée : gravures simples ou striées, peinture en couleur noire, rouge ou violette, teintes plates ou applications de la couleur avec des dégradés, et combinaison de peinture et gravure.
Dans la galerie des Chevaux (ensemble VIII), l'art magdalénien est présent dans un ensemble de presque 2 m, avec des figures de chevaux, un aurochs et un ours, réalisées en gravure fine et très détaillée, avec un traitement des têtes très expressif et une adaptation au relief naturel de la paroi. Dans une alcôve (ensemble III), on trouve des signes vulvaires et des ponctuations. On retrouve également un ensemble varié de signes, avec prédominance des formes quadrangulaires compartimentées.
Parmi les thèmes animaliers, le répertoire publié jusqu'en 1989 révèle un pourcentage majoritaire de figurations de cervidés (20 % de biches et 17 % de cerfs) et de chevaux (26 %). En moindre proportion, on trouve les rennes (9 %), bisons (8 %), bouquetins (7 %) et aurochs (6 %).
De la révision mise en place ces dernières années, quelques nouvelles figures ont été publiées, mais sans précision pour que l'on en connaisse l'attribution. Il est néanmoins clair que les chevaux et les cerfs et biches continuent d'être les figurations les plus nombreuses (Balbín Behrmann (de) et al. 2000, 2002). On retrouve également un ensemble varié de signes, avec prédominance des formes quadrangulaires ou rectangulaires compartimentées à l'intérieur.
L'art mobilier est représenté par des objets de parure, principalement des pendeloques, ainsi que par des outils comme des sagaies, des baguettes ou des spatules. Parmi les pendeloques, on peut remarquer un os hyoïde orné d'incisions périphériques et deux sculptures : une représentation féminine et une tête de bouquetin. Dans la grotte, hors du parcours habituel, un dépôt de quatre contours découpés en tête de cheval a été trouvé, offrant des parallèles formels tant avec les Cantabres qu'avec les Pyrénées (Calleja Fernández 2015). On peut aussi signaler un bâton percé et plusieurs plaquettes gravées.

Représentation(s) d'animal(aux)

À Tito Bustillo, on dénombre quinze figurations de bouquetins, probablement magdaléniennes, tant pariétales (en raison de leur position dans les panneaux et de leur style), que mobilières (par leur provenance stratigraphique). Dix sont pariétales, toutes gravées. Huit appartiennent au seul panneau Principal (ensemble X selon Balbín Behrmann (de) 1989, Balbín Behrmann (de) et al. 2000). Une autre représentation, la seule peinte, se trouverait en face du panneau Principal (secteur XA selon Balbín Behrmann (de) 1989), mais son identification, sur la base du relevé publié, est très douteuse (Balbín Behrmann (de) et al. 2000, Balbín Behrmann (de) & Alcolea González 2013).
Dans la partie gauche du panneau Principal (secteur XB selon Balbín Behrmann (de) 1989), on décompte quatre figurations de petite taille, orientées vers la gauche. Elles se situent dans une petite niche à la base du panneau. Deux d'entre elles sont gravées de traits simples. Une troisième, située à quelques centimètres du sol, a la tête entièrement striée et possède un œil, une oreille et deux grandes cornes (fig. 2a). Comme en d'autres endroits de la grotte, on note un effort pour représenter les détails de la tête tandis que les extrémités sont tracées de manière plus sommaire. Elle rappelle beaucoup certains bouquetins de Llonín. La quatrième est une tête de bouquetin. Les cornes sont représentées par des traits doubles avec les anneaux de croissance ; la figure possède un œil avec l'arc supraorbital et une ligne de démarcation qui va de l'œil à la zone fronto-nasale. La base du cou est limitée par un double trait gravé qui semble figurer une tête coupée. Ce serait un exemple unique dans l'art pariétal cantabrique. La technique utilisée est le trait simple et unique (fig. 3).
Dans la partie centrale de l'ensemble (secteur XC selon Balbín Behrmann (de) 1989), on retrouve trois autres bouquetins : deux d'entre eux sont affrontés et partiellement superposés l'un à l'autre ; le troisième, situé à mi-hauteur et orienté vers la gauche, sous le ventre d'un grand cheval noir, est le plus naturaliste de toutes les figures pariétales de Tito Bustillo (fig. 2b). Il est gravé en traits simples répétés pour le contour, avec le détail des cornes, de l'œil et de la bouche. Là encore, c'est à Llonín que l'on trouve les meilleurs parallèles. À l'extrémité droite du panneau Principal (secteur XD selon Balbín Behrmann (de) 1989) se trouve le huitième bouquetin de l'ensemble, gravé en trait simple, orienté vers la droite, acéphale, mais son attribution est douteuse. Les deux bouquetins qui complètent le groupe des dix pariétaux se trouvent dans des ensembles profonds. Dans celui de La Baleine (ensemble VII selon Balbín Behrmann (de) 1989), situé dans la zone intermédiaire de la galerie principale, on retrouve un bouquetin, presque complet, en profil droit et en position oblique ascendante, dont la petite taille (240 mm de longueur et 150 mm de hauteur) contraste avec le grand cétacé du panneau. Un dixième bouquetin se trouve au fond de la grotte, au sein d'une composition de cervidés, bovidés et chevaux gravés et quelques signes (ensemble I selon Balbín Behrmann (de) 1989). Gravé au trait simple, on en voit la tête, de profil gauche, la corne, unique, et le début du cou. Un trait linéaire vertical depuis la moitié de la tête jusqu'à la mandibule pourrait représenter la barbiche de l'animal.
Les figurations sur support mobilier sont au nombre de cinq. Trois d'entre elles ornent un outil de type ciseau issu du niveau I de l'entrée. Elles illustrent bien les conventions de représentations schématiques en vue frontale, avec le détail des cornes simples, les oreilles en « V » et les têtes et corps suggérés à partir de deux lignes parallèles et traits transversaux de remplissage (Rivero et al. 2014). Le quatrième est une tête gravée sur un fragment de diaphyse osseuse provenant d'un diverticule de la zone d'entrée (A3 du plan) où R. de Balbín et J.J. Alcolea ont fait un sondage en 2004. L'œil est figuré, ainsi que l'oreille et la corne annelée. Cinq autres représentations de bouquetins gravées sur un fragment osseux provenant du même sondage ont été signalées, mais l'examen direct de la pièce, trop altérée, ne permet pas de valider ces identifications (Balbín Behrmann (de) & Alcolea González 2007). Enfin, la cinquième représentation mobilière est une sculpture en ronde-bosse perforée (voir paragraphe suivant).

Animal(aux) emblématique(s)

Cette petite tête est attribuée au Magdalénien supérieur initial de la zone d'entrée (fouilles 1983, niveau Iab). Aménagée sur la partie distale d'un andouiller de cerf, elle mesure 78 mm de longueur, 25 mm de largeur et 13 mm d'épaisseur. La perforation, ovalaire, a été réalisée dans l'oreille, en l'initiant par un rainurage bifacial. La mise en relief des yeux et le front sont typiques du bouquetin, ainsi que l'indication du muscle maxillaire et du bord inférieur de la mandibule, qui rejoint le début de la barbe elle-même sculptée. La corne présente les anneaux dégagés par incision, créant ainsi un modelé en relief. La bouche et le naseau sont gravés. Le pelage est marqué par une rangée de traits courts distribués entre l'œil et le naseau. Les concavités des yeux, sphériques étaient probablement remplies à l'origine d'une pâte de colorant rouge dont les restes sont encore visibles dans les naseaux et d'autres incisions.
La qualité de cette pièce n'a pas d'équivalent dans les gisements des Asturies. Il n'existe qu'une sculpture d'oiseau sur canine d'ours provenant d'El Buxu, attribuée au Solutréen, et un hibou de l'abri de La Viña, du Magdalénien moyen. Également de La Viña, une tête de cheval en ronde-bosse, actuellement perdue, provenait de fouilles clandestines. Une autre pièce aujourd'hui perdue provenant de la zone orientale des Asturies ressemble beaucoup au bouquetin de Tito Bustillo, mais elle n'est connue que par un dessin dans la revue de l'antiquaire asturien S. de Soto Cortés (1833-1915 ; Álvarez Martínez 2011).
La pendeloque de Tito Bustillo se rapproche du principe des contours découpés par l'utilisation de la forme naturelle du support qui a conduit son façonnage. Elle montre aussi de grandes similitudes dans son réalisme avec un contour découpé de la grotte cantabrique de La Garma, et avec les propulseurs dits des faons aux oiseaux du Mas-d'Azil et de Bédeilhac, pour la ronde-bosse et les yeux incrustés de colorant.

Références

Jordá Cerdá et al. 1970, García Guinea et al. 1975, Utrilla 1981, Gómez Fuentes 1983, Moure Romanillo 1983, 1989, Balbín Behrmann de 1989, González Sainz 1994, Moure Romanillo et al. 1996, Balbín Behrmann de et al. 2000, 2002, Balbín Behrmann de & Alcolea González 2007, Álvarez Martínez 2011, Balbín Behrmann de & Alcolea González 2013, Rivero et al. 2014, Calleja Fernández 2015, Balbín Behrmann de et al. 2017.

Licence

Droits

L’ensemble des textes et des images déposés dans la Base Jean Clottes (BJC) sont soumis au droit d’auteur et sont, à ce titre, protégés par les droits de propriété intellectuelle. Toute demande d’utilisation totale ou partielle des textes ou des images doit être soumise au conseil scientifique qui transmettra aux auteurs. Toute utilisation sans accord et citation des auteurs est passible de poursuites judiciaires. Les références doivent être citées comme suit.

Citer ce document

Polledo González, Miguel 2022. Tito Bustillo, grotte (Ribadesella, Asturies, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V. & Plassard F. Dir. Base Jean Clottes - Animal Representation, Les représentations animales depuis la Préhistoire, "Dossier Bouquetin", mis en ligne le 28 Septembre 2022, actualisé le 13 Mars 2024, consulté le 29 Mars 2024, https://animal-representation.cnrs.fr/s/bjc/item/6269

Citer le document original

Polledo González, Miguel. Tito Bustillo, grotte (Ribadesella, Asturies, Espagne) in : Averbouh A., Feruglio V., Plassard F., Sauvet G. Dir. Bouquetins et Pyrénées - II - Inventaire des représentations animales du Paléolithique pyrénéen. Offert à Jean Clottes, Conservateur général du Patrimoine honoraire, 2022, 654 p.

Collections

Coordonnées géographiques *

43.4615, -5.05917

Nom du site

Commune

Département / Région

Pays

* Pour des raisons de sécurité des sites archéologiques, les géolocalisations signalées dans la BJC pointent vers les mairies des communes considérées.